Fil d'Ariane
L’Organisation mondiale de la Santé a annoncé, mardi 7 avril, qu’au moins 540 personnes ont été tuées et 1 700 blessées au Yémen depuis le 19 mars. Le bilan s’est alourdi dès le lendemain, puisque de violents affrontements à Aden ont fait au moins onze morts. Et les enfants ne sont évidemment pas épargnés. Soixante-quatorze d'entre eux ont péri depuis le début des bombardements, selon l'Unicef, et une quarantaine d’autres ont été blessés. A cause du conflit, un million d'enfants ne peuvent plus aller à l'école. Toujours selon l'Unicef, le nombre de déplacés atteindrait les 100 000 personnes.
Le déclenchement des raids aériens de la coalition arabe, le 26 mars, a sérieusement affecté les infrastructures yéménites, compliquant le déploiement de l'aide humanitaire et l'approvisionnement en nourriture. Au Yémen, 90% des denrées alimentaires son importées. Selon Marie-Claire Feghali, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Sanaa, la situation humanitaire au Yémen, notamment à Aden, dans le sud du pays, est catastrophique. Entretien.
Où en est l’aide humanitaire au Yémen ?
Un premier bateau du CICR doit arriver à Aden ce mercredi 8 avril avec, à son bord, des équipes chirurgicales de la Croix-Rouge et de Médecins Sans Frontières. Le navire a quitté le port de Djibouti la veille. (Dans le même temps, MSF a réussi à acheminer à Aden 2,5 tonnes de matériel médical, ndlr).
La situation humanitaire au Yémen est très compliquée, et beaucoup plus difficile dans certains endroits. Dans les zones où il y a des combats depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, les conditions de vie sont très précaires. Par exemple, à Sanaa la situation est très difficile, mais n’est pas aussi extrême qu’à Aden où des corps sans vie gisent dans les rues depuis plusieurs jours. Les hôpitaux sont complètement débordés et manquent de personnels. De plus, les prix ont augmenté et la nourriture manque. L’eau a également été coupée dans certaines zones où les gens ne peuvent pas sortir de chez eux.
Comment agit la Croix-Rouge sur place ?
La première urgence au Yémen, aujourd’hui, c’est l’assistance médicale. Nous aidons de nombreux hôpitaux et centres de santé comme à Saada, Sanaa, à Aden etc.
Le CICR a aussi demandé une pause humanitaire de 24 heures, pour que les gens puissent aller se réfugier en des lieux plus sûrs. Cette pause humanitaire n’a toujours pas été concrétisée.
Comment était la situation avant le début du conflit ?
Les choses se sont dégradées avec les attentats commis contre de deux mosquées à Sanaa le 20 mars. Depuis, la situation, qui était déjà très compliquée avant, ne fait qu’empirer.
Dans certaines régions, comme à Aden, le manque d’eau est important. Mis à part le conflit, le Yémen est un pays très sec. Sanaa serait la première capitale du monde à s’assécher complètement selon les estimations des experts. Le conflit, auquel s'ajoute un contexte climatique alarmant, fait que la capacité de résilience des Yéménites est à bout.
Que pouvez-vous dire des déplacés ?
La manière dont les déplacements se font n’est pas encore claire, mais il y en a deux types : les déplacements liés aux frappes aériennes, car les Yéménites estiment se trouver dans des zones de bombardement potentielles, et ceux voulant quitter les zones de combat. A Aden (dans le sud pays, ndlr), les gens veulent partir mais ne savent pas où aller parce que les routes sont bloquées. Nos équipes n’ont pas encore la possibilité de comprendre ce qui se passe exactement dans cette ville portuaire. La situation y est extrêmement dramatique.
Depuis le 26 mars, le Yémen est le théâtre de raids aériens quotidiens d’une coalition arabe menée par l’Arabie saoudite. Elle vise à stopper l’avancée des rebelles houthis dans le sud du pays. Ces derniers cherchent à prendre le contrôle d’Aden, deuxième ville du pays, après s’être emparés de Sanna, la capitale, le 20 janvier. Dimanche 5 avril, ils ont réussi à atteindre siège de l’administration de la province d'Aden.
Au sol, les combats opposent les rebelles chiites aux forces fidèles au président sunnite Abd Rabbo Mansour Hadi. En mars, ces rebelles proches de l’Iran – rival régional des Saoudiens – ont forcé le président à quitter le pays. Il se réfugie depuis en Arabie saoudite.
Pour les défendre, les Houthis peuvent compter sur leurs alliés, des militaires fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh. Les combattants pro-Hadi sont, quant à eux, soutenus par des "comités populaires" ravitaillés en armes et en munitions par la coalition, elle-même soutenue par les Etats-Unis. Face à l'aggravation du conflit, Washington a d'ailleurs annoncé l'accélération de la livraison d'armes à ses alliés du Golfe.