Agressions sexuelles : le chef de l'Église anglicane démissionne

Le chef spirituel des anglicans, Justin Welby, annonce sa démission ce 12 novembre. Un rapport révèle que l'Église anglicane n'a pas poursuivi un avocat dont elle savait qu'il avait commis des centaines d'agressions sexuelles sur des jeunes entre 1970 et le milieu des années 2010.

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La Reine Elizabeth II recevant Justin Welby, l'archevêque de Canterbury à Windsor, le 21 juin 2022.

La Reine Elizabeth II recevant Justin Welby, l'archevêque de Canterbury à Windsor, le 21 juin 2022.

© Andrew Matthews/Pool via AP
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La position de Justin Welby était devenue intenable depuis la publication le 7 novembre d'un rapport accablant sur le rôle dans cette affaire de l'Église d'Angleterre, dont il est le primat depuis 2013. Ce rapport fait la lumière sur les violences physiques et sexuelles commises par un avocat associé à l'Église d'Angleterre, John Smyth, entre les année 1970 et le milieu des années 2010.

John Smyth, qui est mort en 2018, était le surveillant dans les dortoirs dans des colonies de vacances chrétiennes, colonies surnommés "bash camps" dans les années 1970 comme le décrit le quotidien britannique The Guardian. L'homme faisait subir des "tabassages horribles" dans la cabane de jardin de son domicile, à Winchester, selon un rapport de la Fondation Iwerne, qui donnait de l'argent à ces camps d'été. Smyth était l'administrateur de cette fondation. 

Selon le Guardian, cette fondation invitait des jeunes hommes appartenant aux meilleurs collèges privés et universités du pays à y passer leurs vacances. Une façon d'avoir de fervents Chrétiens dans l'establishment. Malgré que quelques victimes aient dénoncé les faits à la direction de leurs collège, jamais Smyth n'a été condamné. Parmi elles figure l'actuel archevêque de Guildford, Andrew Watson, qui dit avoir subi "des coups d'une rare violence."

Créér une Église plus sûre

"J'espère que cette décision montre à quel point l'Église d'Angleterre comprend la nécessité d'un changement, et notre engagement profond à créer une Église plus sûre", écrit Justin Welby, archevêque de Canterbury dans un communiqué. 

Le rapport révèle que John Smyth, qui s'en est pris à plus de 130 garçons et jeunes hommes, aurait pu faire l'objet d'une véritable enquête et être traduit en justice si les plus hautes instances de l'Église d'Angleterre, dont Justin Welby, l'avaient signalé à la police en 2013, au moment où elles ont été mises au courant.

Justin Welby avait dès la semaine dernière présenté ses excuses pour ses "échecs et omissions".
Il a affirmé qu'à l'époque où il avait été informé , "on lui avait dit que la police était prévenue". "J'ai cru à tort qu'une solution appropriée suivrait", s'est-il justifié ce 12 novembre. "Ces derniers jours ont ravivé le profond sentiment de honte que j'éprouve depuis longtemps face aux échecs historiques de l'Église d'Angleterre en matière de protection", a-t-il reconnu.

Pendant près de douze ans, j'ai peiné à apporter des améliorations. Il appartient à d'autres de juger ce qui a été fait. Justin Welby archevêque de Canterbury

Peu avant, le Premier ministre Keir Starmer avait estimé que les victimes de John Smyth avaient "été gravement, très gravement abandonnées".

Le 9 novembre, trois membre du synode général, l'organe élu chargé de trancher sur les questions de doctrine, ont lancé une pétition appelant Justin Welby à démissionner, pétition qui a dépassé les 14.000 signatures à cette date. Le révérend Ian Paul, l'un de ses auteurs, a dit espérer qu'il s'agira d'un "premier pas vers un changement culturel" au sein des hautes instances de l'Église.

"Tristesse pour les victimes"

Dans la matinée, l'archevêque de Canterbury a échangé via des intermédiaires avec le roi Charles III, gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre, qui a accepté sa démission. "Alors que je me retire, je le fais avec une profonde tristesse pour toutes les victimes et survivants d'agressions", a déclaré cet homme marié et père de famille.

Visage familier pour les Britanniques, Justin Welby a officié durant plusieurs événements royaux majeurs, dont les obsèques de la reine Elizabeth II et le couronnement du roi Charles III.

Lors du couronnement du roi Charles, le 6 mai 2023.

Lors du couronnement du roi Charles, le 6 mai 2023.

© Yui Mok, Pool via AP

Ordonné diacre en 1992 après une carrière lucrative dans le pétrole et la finance, Justin Welby a toujours affiché des vues modérées sur les sujets de société qui divisent traditionnellement l'Église.

Il avait soutenu l'an dernier une réforme afin de permettre la bénédiction des unions et mariages civils de couples de même sexe, et s'était montré très critique du projet de loi du gouvernement conservateur visant à expulser des migrants illégaux vers le Rwanda.

Cette affaire écorne une nouvelle fois l'institution anglicane, déjà accusée il y a quatre ans dans un précédent rapport d'avoir laissé perdurer une "culture" permettant aux auteurs de violences sexuelles sur mineurs de se "cacher" et d'échapper à la justice.

John Smyth, qui présidait une association caritative gérant des camps de vacances avec l'Église d'Angleterre, "est sans doute l'agresseur en série le plus prolifique associé" à cette institution.

Souffrances "brutales et horribles"

Le rapport détaille les souffrances physiques, sexuelles et psychologiques "brutales et horribles" infligées à ses victimes, au Royaume-Uni mais aussi au Zimbabwe et en Afrique du Sud où il a vécu.

L'affaire n'a éclaté qu'après la diffusion d'un documentaire par la chaîne Channel 4 en 2017, alors que des responsables du culte en ont pourtant eu connaissance dès le début des années 1980.

L'Église d'Angleterre est l'Église-mère de la communion anglicane, qui compte une quarantaine d'Églises dans 165 pays et 85 millions de fidèles.