Aux États-Unis, un bébé né d'une mère en état de mort cérébrale

C'est l'histoire d'une naissance et d'une mort. Dans l'État de Géorgie, une mère en état de mort cérébrale a été artificiellement maintenue en vie pour faire naître son enfant. En cause : une loi anti-avortement. 

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IVG

Une salle d'opération vide au Feminist Women's Health Center est photographiée le jeudi 21 juillet 2022 à Brookhaven, en Géorgie

© AP Photo/Sharon Johnson
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Trois parlementaires démocrates tirent la sonnette d'alarme : on vient de faire naître un enfant dont la mère se trouvait en état de mort cérébrale. "Le vendredi 13 juin 2025, son fils, nommé Chance, est né prématurément vers 04H41 (locales) par césarienne d'urgence", ont fait savoir ces élues mobilisées sur la question des droits des femmes. Adriana Smith, la mère, devait être débranchée peu après l'intervention médicale. 

La grand-mère du nouveau-né, April Newkirk, avait dénoncé mi-mai auprès de la presse l'absence de choix qui avait été imposé à sa famille après l'arrêt total et irrémédiable du cerveau de sa fille, alors enceinte de neuf semaines. Selon la famille, l'hôpital aurait décidé de la maintenir artificiellement en vie, uniquement pour permettre à la grossesse de se poursuivre. 

Je ne dis pas que nous aurions choisi d'interrompre sa grossesse, mais ce que je dis, c'est que nous aurions dû avoir le choix.

April Newkirk

Cette décision a été prise dans l'intérêt de se conformer avec une loi sur l'avortement décriée de Géorgie. La jeune femme a ainsi été maintenue sous assistance respiratoire pendant quatre mois, sans que la famille n'ait son mot à dire, selon sa mère. "Je ne dis pas que nous aurions choisi d'interrompre sa grossesse, mais ce que je dis, c'est que nous aurions dû avoir le choix", avait alors insisté Mme Newkirk.

Pas le choix ? 

Les médecins, selon la famille, ont argumenté qu'ils n'étaient pas autorisés à retirer les dispositifs qui permettaient à la jeune femme de respirer. Notamment car la loi de l'État interdit l'avortement une fois qu'une activité cardiaque peut être détectée, c'est-à-dire généralement vers la sixième semaine de grossesse.

Mais le procureur général républicain de Géorgie a publié une déclaration indiquant que la loi n'exigeait pas des professionnels de la santé qu'ils maintiennent en vie une femme déclarée en état de mort cérébrale. La suppression du maintien en vie n'est pas une action "dans le but d'interrompre une grossesse", a tranché le procureur Chris Carr, rapporte l'agence AP

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L'histoire a provoqué une onde de choc en Amérique, à l'approche des trois ans du revirement de la Cour suprême sur le droit à l'avortement. Le 24 juin 2022, la plus haute instance juridique américaine, à majorité conservatrice, a annulé l'arrêt Roe v. Wade qui garantissait depuis 1973 aux Américaines un droit fédéral à avorter, redonnant aux États toute latitude pour légiférer dans le domaine.

L'absence d'un avis juridique formel ou de directives en matière de poursuites judiciaires laisse les familles et les médecins dans l'incertitude. 

 Nikema Williams, Ayanna Pressley et Sara Jacobs, élues démocrates

Depuis, plus de 20 États sur 50 ont interdit ou strictement limité l'accès à l'avortement. En Géorgie, la loi en question interdit les IVG à partir du moment où une activité cardiaque est détectée chez le fœtus. Si elle ne devait en principe pas s'appliquer à ce cas de figure, le flou juridique créé et la crainte d'actions en justice, auraient pu pousser l'équipe médicale à agir de la sorte.

"L'absence d'un avis juridique formel ou de directives en matière de poursuites judiciaires laisse les familles et les médecins dans l'incertitude", ont condamné mardi les trois élues, Nikema Williams, Ayanna Pressley et Sara Jacobs qui ont présenté une résolution à ce sujet.