Fil d'Ariane
Lundi 18 décembre, dans une déclaration publiée par le Vatican, le pape François a approuvé l'ouverture de la bénédiction aux couples homosexuels, hors liturgie. Si le texte en question insiste sur la différence entre la bénédiction et le mariage, toujours proscrit par l’Église catholique, il n'en est pas moins symbolique d'une certaine ouverture de la part du souverain pontife.
Le pape François à la fenêtre de son studio surplombant la Place Saint-Pierre, au Vatican, le 17 décembre 2023.
"Si une personne est gay et cherche le Seigneur, qui suis-je pour la juger ?" avait déclaré le pape François, au retour des Journées Mondiales de la Jeunesse au Brésil, en 2013 dans son avion à des journalistes. Près de dix ans plus tard, lundi 18 décembre 2023, le souverain pontife a décidé de franchir un pas de plus dans l’inclusion des personnes homosexuelles au sein de l’Église catholique, en ouvrant la bénédiction aux couples de même sexe.
Dans une déclaration publiée sur Vatican News et approuvée par le pape François, le dicastère pour la Doctrine de la foi, la principale congrégation de l’Église catholique, chargée de veiller à la conformité des moeurs dans le monde catholique, a annoncé ouvrir la bénédiction aux "couples irréguliers".
François Mabille, directeur de l'Observatoire géopolitique des Religions au sein de l'IRIS.
Selon Bernard Lecompte, journaliste et écrivain français bon connaisseur du Vatican, auteur de "Tous les secrets du Vatican", il s’agit là "d’une évolution, et non d’un révolution".
Cette mesure concerne les couples formés par deux personnes de même sexe, mais aussi les couples non mariés, remariés ou divorcés. Ces derniers pourront désormais être bénis, une façon pour l’Église de leur dire "Dieu veut votre bien", selon François Mabille, directeur Observatoire géopolitique du religieux de l'IRIS. Le but étant, pour les personnes qui souhaitent en bénéficier, de "se confier au Seigneur et à sa miséricorde, invoquer son aide et être guidées vers une plus grande compréhension de son dessein d'amour et de vérité", explique la déclaration du Vatican.
Bernard Lecompte, écrivain spécialiste du Vatican
Si le texte explicite clairement la différence entre la bénédiction et le mariage, en précisant que "la doctrine sur le mariage ne change pas et la bénédiction ne signifie pas l'approbation de l’union", il marque un signe d’ouverture de la part de l’Église catholique. "Avec ce texte, on ne touche pas au mariage, qui est un sacrement. On continue d’être contre le mariage homosexuel, en revanche on accepte les homosexuels dans l’Église" résume Bernard Lecompte. Le mariage dans la doctrine de l'Eglise est un sacrement au même titre que la communion.
Selon l’écrivain, cette déclaration s’inscrit dans la lignée des déclarations du pape François depuis son élection, "un pape de son temps, proche de ses fidèles, qui vient du sud et n’a pas les habitudes conservatrices de son prédécesseur. Il accompagne la société, la vraie, avec ses divisons et ses évolutions".
Dans le pays d’origine du souverain pontife, l’Argentine, où 91% de la population se dit catholique, le mariage homosexuel est légal depuis 2010, soit trois ans plus tôt qu’en France. "Son souci, c’est que l’Église s’occupe de tout le monde, qu'elle soit proche de toutes les personnes, et donc parmi ces personnes, les homosexuels", explique François Mabille.
Afin d’éviter toute confusion avec le mariage, le texte décrit les conditions exactes dans lesquelles devront s’effectuer ces bénédictions. Elles devront tout d’abord se tenir "en dehors d’un cadre liturgique" précise-t-il, c’est à dire en dehors des temps consacrés aux messes. La déclaration ajoute enfin que la bénédiction "ne sera jamais accomplie en même temps que les rites civils d'union, ni même en relation avec eux. Ni non plus avec des vêtements, des gestes ou des paroles propres au mariage".
Depuis 2021, des prêtres allemands et belges ont déjà ouvert la voie à ce genre de bénédictions. Une campagne avait même été lancée au printemps 2021 par une centaine d’églises allemandes, dans le but d’offrir des bénédictions à "tous ceux qui s’aiment", sans tenir compte de l’orientation sexuelle des personnes concernées. Plus d’un an plus tard, la même campagne avait vu le jour en Belgique dans certaines églises flamandes.
Si ces campagnes avait suscité de vives critiques de la part de certains évêques, la récente déclaration du Vatican n’est pas moins clivante. Selon François Mabille, il existe deux possibilités. "La première étant que chacun y trouve son compte. C'est à dire que ceux qui sont contre le mariage homosexuel vont s’y retrouver dans la mesure où le document rappelle que l’union ne peut exister qu'entre un homme et une femme. À ce niveau là, la seule évolution est de dire que l'on accorde une place aux homosexuels avec un geste particulier, qu’est la bénédiction. Au contraire, ceux qui estiment que l’Église ne fait pas suffisamment de choses en faveur de la reconnaissance des homosexuels vont plutôt considérer qu’il y a une ouverture qui va dans le bon sens".
La deuxième possibilité serait une condamnation directe de ce texte, "en disant qu’il ne peut pas y avoir de reconnaissance, d’une manière ou d’une autre, des homosexuels, et que c’est déjà un geste de trop. S'il y a des réactions comme celle-là, elles viendront sans doute d’une partie des évêques africains et peut-être aussi d’évêques nord-américains", précise le chercheur.
Le principal opposant du pape François depuis son pontificat est le cardinal guinéen Robert Sarah, opposant à toute ouverture de l'Eglise vers les couples de même sexe.