Fil d'Ariane
Depuis plus d’une semaine, les agriculteurs se mobilisent dans toute la France. C'est le cas également dans d'autres pays européens : Allemagne, Belgique et Espagne. Parmi leurs revendications figurent les questions des produits phytosanitaires, de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le MERCOSUR, ou encore du Pacte vert européen. TV5 Monde revient avec vous sur ces notions, pour mieux comprendre la crise agricole.
Des agriculteurs bloquent l'autoroute à Jossigny, à l'Est de Paris, le lundi 29 janvier 2024.
Les agriculteurs ne décolèrent pas malgré les récentes annonces du gouvernement les concernant. Ce mercredi 31 janvier, au lendemain du discours de politique générale de Gabriel Attal, ils sont encore nombreux à poursuivre leurs manifestations à travers la France.
► Produits phytosanitaires :
Les produits phytosanitaires, plus communément appelés pesticides, regroupent plus de 1000 substances destinées à protéger les cultures ou les jardins. Ils sont fréquemment utilisés pour contrôler ou éliminer les nuisibles, insectes, bactéries ou plantes, qui s’attaquent aux espaces agricoles.
Ces produits sont plus en plus critiqués pour leurs effets néfastes sur la santé. Le glyphosate est le plus connus des produits phytosanitaires et l’herbicide le plus vendu au monde.
En 2015, le centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait classé ce produit comme « cancérogène probable ». Pourtant, en novembre 2023, la Commission européenne a autorisé son utilisation pour encore dix ans.
Le Pacte vert de l’Union Européenne prévoit de réduire de 50% l’utilisation des pesticides d’ici 2030 par rapport à la période 2015-2017. Cette mesure, jugée trop stricte par les agriculteurs, a été rejetée par les eurodéputés le 22 novembre dernier.
► Le Pacte vert pour l’Europe (Green Deal):
Lancé en 2019, le Pacte vert contient une série de mesures visant a réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, afin de répondre aux objectifs fixés par l’accord de Paris (Accord de Paris sur le climat de 2015).
Ces mesures s’appliquent à différents secteurs et notamment à l’agriculture. Bien qu’elles ne soient, pour la plupart, pas encore entrées en vigueur, elles sont très décriées par les agriculteurs. Ces derniers estiment que le Pacte vert contient des normes environnementales trop contraignantes.
Les mesures prévues par ce pacte s’articulent autour de plusieurs volets, notamment un volet qui touche à l’agriculture et à l’alimentation. Aussi appelé stratégie « de la ferme à la fourchette », ce dernier a pour objectif de diviser par deux l’utilisation de pesticides d’ici à 2030, de réduire de 20 % le recours aux engrais chimiques, mais aussi de réserver un quart des terres agricoles à l’agriculture biologique.
► Jachère :
La jachère est une pratique qui consiste à mettre au repos une partie des terres cultivables des agriculteurs. Il s’agit d’une pratique ancestrale qui permet aux sols de se régénérer et d’éviter l’épuisement.
Avec la mise en place de la nouvelle PAC, les agriculteurs qui possèdent une exploitation de plus de 10 hectares ont l’obligation, pour bénéficier des subventions, de mettre en jachère au moins 4% de leurs terres.
Censée protéger la biodiversité, cette pratique est jugée contraignante par certains agriculteurs.
Ils avaient obtenu une dérogation de cette norme en 2023 face aux conséquences de la guerre en Ukraine et réclament la poursuite de cette dérogation. Bruxelles refuse jusqu'ici de la prolonger. Mais ce mardi 30 janvier, Gabriel Attal a assuré qu’un accord était « proche » avec Bruxelles sur cette question.
► Politique Agricole Commune (PAC) :
La politique agricole commune a été mise en place en 1962 par l’Union Européenne afin de soutenir et de moderniser l’agriculture dans ses Etats membres.
Financée à la fois par le fonds européen agricole de garantie et par le fonds européen agricole pour le développement rural, la PAC représente la part la plus importante des dépenses de l’Union Européenne. La France est la première bénéficiaire de la PAC avec 9 milliards d'euros d'aides par an.
Elle permet aux agriculteurs de bénéficier de différentes aides et représente aujourd’hui plus de la moitié des revenus perçus par les agriculteurs européens.
Depuis sa mise en place, la PAC a évolué plusieurs fois afin de s’adapter à la situation économique du continent.
Sa dernière modernisation date de janvier 2023. La nouvelle PAC conditionne les aides perçues par les agriculteurs à l’application de différents critères environnementaux.
Parmi ces critères, les agriculteurs ont l’obligation de jachère d’au moins 4% de leurs terres cultivables.
Ils dénoncent également les nouvelles charges administratives imposés par cette nouvelle PAC, ainsi que le retard de leurs subventions. Lors de son discours de politique générale, le mardi 30 janvier, Gabriel Attal a annoncé que toutes les aides PAC seraient versées aux agriculteurs d’ici le 15 mars.
► Gazole non-routier (GNR) :
De couleur rouge, le gazole non-routier est un carburant conçu pour alimenter les véhicules non-routiers, dont font partie les véhicules agricoles comme les tracteurs.
Ce carburant, qui ressemble au fioul domestique n’a pas tout à fait la même composition et est pas conséquent moins polluant, bien qu’il émettre des gaz à effet de serre.
Les agriculteurs bénéficiaient jusqu’ici d’une fiscalité allégée sur l’achat du GNR.
Une réforme sur la fiscalité du gazole non-routier, adoptée en septembre dernier, prévoyait l’augmentation progressive de la taxe sur ce carburant jusqu’en 2030. Entrée en vigueur le 1er janvier dernier, cette réforme devait permettre à l’Etat de financer la transition écologique du secteur agricole.
Vendredi 26 janvier, face à la colère des agriculteurs qui réclamaient le maintient de la niche fiscale sur le GNR, Gabriel Attal a annoncé renoncer à sa suppression.
► Accord UE-MERCOSUR :
L’accord commercial entre l’Union Européenne et le MERCOSUR (Marché commun du Sud, une zone de libre-échange qui regroupe pour le moment l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay) prévoit la suppression d’une grande partie des taxes et droits de douane sur les produits qui transitent entre ces deux marchés.
En discussion depuis des années, un texte sur cet accord a vu le jour en 2019 sans pour autant aboutir à une signature.
Si cet accord finissait par être signé, les pays du MERCOSUR pourraient exporter 99 000 tonnes de viande bovine de plus qu’aujourd’hui, tout en bénéficiant de droits de douanes particulièrement bas. Les agriculteurs français dénoncent une concurrence déloyale, car les produits agricoles du MERCOSUR ne sont pas soumis aux normes environnementales européennes.
Ce mercredi 31 janvier, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire a promis que la France s’engagerait dans un bras de fer lors des négociations sur cet accord, afin qu’il ne soit « pas signé en l’état ».
► Lois Egalim :
Les trois lois Egalim, votées tour à tour en 2018, 2021 et 2023, sont issues des états généraux de l’alimentation de 2017.
À l’origine, l’objectif de la première loi Egalim était de permettre aux producteurs de vivre dignement de leur travail tout en favorisant la qualité des produits.
Pour cela, ces textes de loi visent à rétablir le rapport de force entre agriculteurs et grandes surfaces, en interdisant par exemple de vendre un produit moins cher que le prix d’achat au fournisseur.
Elles obligent aussi les industriels à prendre en compte le prix des matières premières agricoles, afin de « sanctuariser » le prix payé aux agriculteurs.
Elles tendent également à favoriser la transparence des prix.
Les agriculteurs jugent ces textes insuffisants et dénoncent leur contournement par les grandes surfaces. En réponse à cette contestation, le ministère de l’économie a annoncé des sanctions en cas d’infraction de ces lois.