L'extrême droite allemande affronte un test électoral important au moment où elle fait face, malgré des sondages très favorables, à une vague inédite de contestation via des manifestations dans tout le pays.
Des gens se rassemblent pour protester contre le parti AfD et l’extrême droite devant le bâtiment du Reichstag à Berlin, en Allemagne, le dimanche 21 janvier 2024.
Le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) espère lors d'une élection locale emporter la présidence du canton de Saale-Orla, dans la région est-allemande de Thuringe. Son candidat, Uwe Thrume, a obtenu 45,7% des voix au premier tour, devant un concurrent chrétien-démocrate (CDU) à 33%.
Le résultat va résonner bien au-delà du seul plan local. Car le mouvement fait face à une mobilisation de grande ampleur de la société civile allemande depuis environ deux semaines.
Samedi, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont encore descendues dans la rue pour dénoncer l'ascension de ce parti et les dangers pour la démocratie qu'il représenterait. A Düsseldorf (ouest), la police a comptabilisé 100 000 manifestants, et 25 000 à Osnabrück, plus au nord.
Ces rassemblements se tiennent depuis des révélations de presse qui ont créé un séisme en Allemagne: des membres de l'AfD ont discuté en fin d'année dernière d'un plan d'expulsion massive du pays d'étrangers et de "citoyens non assimilés".
Alors que le parti anti-migrants et anti-système n'a cessé de progresser dans les intentions de vote depuis des mois, un sondage de l'institut Insa, réalisé dans le sillage des premières manifestations anti-AfD, a fait état d'un recul à 21,5%, contre 23% auparavant. Les manifestations "ont de l'effet", a estimé le directeur d'Insa, Hermann Binkert, dans le quotidien Bild.
Reste à savoir si ce repli se traduira dans les urnes dimanche, le scrutin se déroulant dans un des bastions de l'AfD. Le parti réalise traditionnellement ses meilleurs score dans les Länder orientaux de l'Allemagne comme la Thuringe.
L'AfD est porté par une dynamique alimentée par la hausse de l'immigration et l'impopularité du gouvernement du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, au pouvoir depuis décembre 2021.
Le parti dirige déjà un canton en Allemagne depuis une victoire en juin dans la collectivité de Sonneberg, également en Thuringe.
Selon le quotidien FAZ, entre 130 et 150 nouveaux membres adhèrent chaque jour au parti d'extrême-droite, dont le nombre de militants pourrait passer de 40 000 à 60 000 membres d'ici la fin de l'année.
"Nous devons nous rendre à l'évidence : le mauvais génie est sorti de sa bouteille", a déploré cette semaine au quotidien Die Zeit le chancelier Olaf Scholz, qui jusqu'ici cherchait plutôt à minimiser l'essor du parti.
Le monde économique met également en garde contre les risques liés à la progression des thèses de l'AfD, faisant valoir son besoin de main d'oeuvre étrangère et d'échanges commerciaux internationaux. Le parti a récemment indiqué souhaiter un référendum pour sortir de l'UE.
"Les électeurs doivent vraiment se poser la question de savoir si nous voulons vivre dans un pays où de tels sujets sont discutés", a déclaré Siegfried Russwurm, patron du puissant lobby industriel BDI.
"Ce n'est que si les gens se sentent bien chez nous qu'ils viendront et ce n'est qu'ainsi que nous serons durablement attractifs", a aussi jugé Peter Adrian, président de la Chambre de commerce et d'industrie allemande DIHK.
Dans ce contexte, de plus en plus de voix appellent à couper les fonds publics à l'AfD, d'autant que le parti est dans le collimateur des services de renseignements. Ses branches régionales de Thuringe et Saxe-Anhalt ont été placées sous surveillance en raison de leurs positions jugées très radicales.