Fil d'Ariane
Le 27 juin vers 8 heures 30 du matin, Nahel Merzouk, 17 ans, est tué par un policier à quelques kilomètres à peine du centre de Paris. Deux jours après, une vague de protestations se lève. Des émeutes se déclenchent. Plus de trois mille interpellations sont faites un peu partout en France alors que l'enquête est en cours. Le point sur les faits.
La tombe de Nahel Merzouk, tué le 27 juin 2023. Cimetière de Nanterre, le 5 juillet 2023.
Il est 8 heures ce mardi 27 juin à Nanterre, une grande ville à l'Ouest de Paris. Un jeune homme est contrôlé par deux policiers. Ils l'accostent, s'approchent de la fenêtre côté conducteur. Un coup de feu. La voiture part s'encastrer quelques mètres plus loin. Les secours ne parviendront pas à ranimer le jeune conducteur. Nahel Merzouk avait 17 ans.
Vers 8h du matin le 27 juin, les motards repèrent une Mercedes jaune immatriculée en Pologne roulant à "vive allure", indique deux jours après le drame le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache.
Le véhicule roulait sur une voie de bus.
Les policiers activent alors leur gyrophare, se portent à hauteur de la Mercedes à un feu rouge et lui demandent de stationner. La voiture redémarre, grille le feu et continue de rouler avant d'être coincée dans les bouchons.
Les deux policiers la rejoignent, mettent alors pied à terre et se placent sur le côté gauche de la voiture en "criant au conducteur de s'arrêter", toujours selon le procureur.
Comme c'est la procédure, une fiche est rédigée par un opérateur de salle de commandement de police sur l'intervention, la "fiche Pégase" (pilotage des événements, gestion des activités et sécurisation des équipage). Rédigée le 27 juin, consultée par l'AFP le 6 juillet, elle relève à 8h22 et 45 secondes : "le fonctionnaire de police s'est mis à l'avant du véhicule pour le stopper. Le conducteur a essayé de repartir en fonçant sur le fonctionnaire".
Une version rapidement démentie par une vidéo diffusée par un témoin sur les réseaux sociaux.
Le procureur a connaissance des vidéos. Il précise que les deux policiers ont alors mis pied à terre et "crié au conducteur de s'arrêter" en se positionnant "sur le côté gauche" de la voiture, "l'un au niveau de la portière du conducteur, l'autre près de l'aile avant gauche", ce qui vient contredire la "fiche Pégase".
Lors de leurs auditions, les policiers ont déclaré "avoir tous deux sortis leur arme" et les avoir "pointées sur le conducteur pour le dissuader de redémarrer", indique Pascal Prache. "Au moment où le véhicule a redémarré, le policier situé près de l'aile du véhicule a tiré une fois sur le conducteur", le touchant mortellement.
Le parquet de Nanterre a ouvert le 29 juin une information judiciaire pour homicide volontaire à l'encontre du policier auteur du coup de feu. Le policier, Florian M., un motard âgé de 38 ans, a été présenté dans la journée à deux magistrats instructeurs en vue de sa mise en examen.
Concernant son tir, Florian M. a expliqué qu'il "avait immédiatement pensé que le conducteur allait accélérer alors que pour lui, à cet instant précis, son collègue se trouvait toujours dans l'habitacle", ce qui n'était pas le cas. Il a indiqué qu'il travaillait pour le 9e jour de suite.
Selon la synthèse du dossier, "iI avait pris la décision d'ouvrir le feu pour éviter qu'il ne renverse quelqu'un ou 'n'embarque' son collègue et alors que lui-même avait été 'un peu poussé' lorsque le conducteur avait accéléré".
Toujours selon la synthèse du dossier, le policier "indiquait que son objectif initial n'avait pas été de tirer et qu'il n'avait pas voulu viser le haut du corps mais le bas. Enfin, il réfutait avoir tenu des propos contenant les termes 'balle dans la tête' potentiellement audibles sur cet enregistrement vidéo".
Ce policier va rester en prison, a décidé la cour d'appel de Versailles le 6 juillet, jour de retour à une situation "à peu près normale" après les nuits de violences qui ont agité le pays.
Son maintien en prison est "totalement désespérant" pour lui, a estimé son avocat Maître Laurent-Franck Liénard, évoquant sur BFMTV une nouvelle "cauchemardesque".
Le second fonctionnaire, qui n'est pas poursuivi à ce stade, a pour sa part indiqué avoir "craint un coup de volant dans leur direction, ce qui les aurait coincés tous les deux contre le mur situé à 40 ou 50 centimètres derrière eux".
Il n'a pas pu décrire la position de son collègue au moment du coup de feu, "son attention ayant été focalisée sur le conducteur".
Ce policier a également précisé que seul son bras se trouvait engagé dans l'habitacle du véhicule au moment du coup de feu, et non son corps entier.
Le procureur de Nanterre a souligné que "le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme ne sont pas réunies". Il a requis le placement en détention du policier, un choix rarissime dans ce genre d'affaire. Florian M. a ensuite mis en examen pour homicide volontaire par un juge d'instruction puis écroué.
Le jeune assis sur le siège passager a 17 ans. Selon son avocate, interrogée mardi 4 juillet sur BFMTV, c'est un ami d'enfance de Nahel.
Il a pris la fuite au moment de l'interpellation avant de se présenter spontanément lundi 3 juillet à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN, la "police des polices"), où il a été entendu. Il a également publié sur les réseaux sociaux une vidéo où il livre sa version des faits.
Le second passager, qui était assis sur la banquette arrière, est âgé de 14 ans, selon le quotidien Le Parisien qui a interrogé son père.
Selon ce dernier, il se rendait ce jour-là à des épreuves du brevet quand Nahel, un ami plus âgé, a proposé de le déposer.
Interpellé après que le véhicule s'est encastré dans un panneau, ce mineur a été placé en garde à vue avant d'en sortir dans l'après-midi.
Le jeune homme de 17 ans était selon ses proches rencontrés par BFMTV, “un garçon gentil, serviable, souriant”. La chaîne d'information continue précise que "le jeune homme a eu une scolarité compliquée". Inscrit en certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'électricité, il était souvent absent en cours et gagnait son argent de poche en travaillant dans un snack.
Il vivait dans une barre d’immeuble de la cité Pablo-Picasso, au pied du quartier d’affaires de La Défense élevé par sa mère. Sa mère Mounia décrit son fils comme son "meilleur ami".