Fil d'Ariane
Une employée de la Société de livraison des ouvrages olympiques, durant une visite du site olympique à Saint-Ouen, le 14 octobre 2021.
Des centaines travailleurs sans-papiers du bâtiment étaient en grève depuis le mardi 18 octobre et bloquaient plusieurs sites en Ile-de-France. Tous exigaient leur régularisation. Après négociation, un accord a été trouvé.
"On veut faire bouger les choses". Des centaines de travailleurs sans papiers ont enclenché le mardi 17 octobre un mouvement de grève dans une trentaine d'entreprises en Ile-de-France pour réclamer leur régularisation.
Ils étaient environ 500, essentiellement originaires d'Afrique, à avoir pénétré peu après 9H20 dans trente-trois entreprises du bâtiment, de la logistique, du nettoyage ou encore de la distribution où ils sont employés, principalement à Paris et en Seine-Saint-Denis.
À quelques pas du Stade de France, trente-quatre d'entre eux se sont introduits au siège d'une entreprise d'intérim à Saint-Denis, pour le compte de laquelle ils sont employés comme éboueurs ou comme ouvriers du bâtiment, notamment sur les chantiers des Jeux olympiques et du Grand Paris. Accompagnés par des militants syndicaux, ils ont déployé une banderole de la CGT et promis d'occuper les locaux jusqu'à leur "régularisation".
D’autres investissaient le chantier de l’Arena, porte de la Chapelle, symbole des projets de construction pour la compétition internationale sportive qui se déroulera l’an prochain dans la capitale. “Pas de papiers, pas de JO” pouvait-on lire sur une banderole lors du rassemblement.
C’est 24 heures après, à la suite des négociations entre travailleurs et syndicats, que les grévistes ont obtenu la certification d’une régularisation par le biais d’accords-cadres. “Ces accords actent la régularisation de tous les salariés des sous-traitants travaillant ou ayant travaillé ces derniers mois sur les sociétés concernées” affirme le communiqué des syndicats et collectifs en soutien aux travailleurs.
Depuis 2012, la circulaire Valls conditionne la régularisation à la justification de trois années de présence en France, d'un certain nombre de bulletins de paie et de la présentation d’un formulaire officiel d'embauche, appelé "Cerfa". Un texte qui par ailleurs s’applique à tous les métiers confondus.
"Le problème, c'est le pouvoir discrétionnaire des préfets, qui l'appliquent chacun à leur sauce", observe Jean-Albert Guidou, responsable CGT.
Chaque année, 7000 à 10 000 travailleurs sont régularisés par ce biais. Insuffisant, proteste la CGT, qui estime cette main d'oeuvre à plusieurs centaines de milliers de personnes.
En Ile-de-France, les immigrés représentent "40 à 62% des travailleurs des branches de l'aide à domicile, du BTP, de l'hôtellerie-restauration, du nettoyage, de la sécurité et de l'agro-alimentaire", insiste le syndicat.
"On veut faire bouger les choses", galvanise Mamadou Kébé, qui a obtenu sa régularisation après un an de grève entre octobre 2008 et 2009.
"Ces travailleurs doivent pouvoir jouir des droits pour lesquels ils cotisent et payent des impôts", juge celui qui pilote désormais le collectif immigration de la CGT 93.
Il y a une "hypocrisie" à ne pas donner de papiers aux travailleurs, déplore Daouda Camara, 38 ans, qui était gréviste à Villepinte (Seine-Saint-Denis). Être sans-papiers, clame cet autre Mauritanien, c'est "stresser en allant au travail, de peur d'être contrôlé, stresser au travail, parce que le patron peut nous virer pour un rien, stresser en rentrant du travail, en espérant ne pas prendre une OQTF", une obligation de quitter le territoire français.
Pour toutes ces raisons, "on ne doit pas louper cette grève", avait-il déclaré. C’est chose faite.