Fil d'Ariane
Après quatre soirs de violences urbaines un peu partout en France suite à la mort de Nahel à Nanterre, tué lors d'un contrôle routier à Nanterre, la nuit du samedi 1er au dimanche 2 juillet a été plus calme, quelques heures après les funérailles du jeune homme.
Les pompiers éteignent la flamme à Nanterre, près de Paris, France, le samedi 1er juillet 2023.
La vague de violences déclenchée en France par la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier mardi près de Paris lors d'un contrôle routier, a marqué le pas dans la nuit de samedi à dimanche, quelques heures après l'enterrement de l'adolescent à l'abri des caméras.
A 03H30 (01H30 GMT) du matin, le ministère de l'Intérieur n'avait pas recensé d'incidents majeurs et faisait état de 486 interpellations dans tout le pays, notamment pour port d'objets susceptibles de servir d'armes ou de projectiles.
"Nuit plus calme grâce à l'action résolue des forces de l'ordre", s'est réjoui le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur Twitter.
Pour la deuxième nuit consécutive, le ministre avait reconduit un dispositif de 45.000 policiers et gendarmes, dont 7.000 à Paris et en proche banlieue, et des renforts conséquents à Marseille (sud) et Lyon (centre est), les principales agglomérations touchées la veille par les heurts, destructions ou pillages.
Peu d'incidents ont été signalés dans ces deux villes.
Saisi par une vidéo amateur venue contredire le récit initial livré par les policiers, le tir à bout portant d'un motard et la mort du jeune Nahel lors d'un contrôle routier à Nanterre, en lisière de la capitale, ont choqué jusqu'au sommet de l'Etat, embrasé le pays et résonné bien au-delà des frontières françaises et notamment en Algérie, le pays d'origine de sa famille.
Dans ce climat, le président français Emmanuel Macron a annoncé samedi à son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier le report de sa visite d'Etat prévue de dimanche soir à mardi.
Le conflit lié à sa controversée réforme des retraites à peine surmonté, M. Macron se retrouve confronté à l'embrasement des banlieues, une deuxième crise en quelques mois. Fin mars, c'est la visite de Charles III en France qui avait dû être annulée, en raison de la crise sociale.
(Re)lire : Mort de Nahel : 1 311 interpellations lors d'une quatrième nuit de violences
La question de l'état d'urgence reste posée et surveillée à l'étranger, d'autant plus que la France accueille à l'automne la Coupe du monde de rugby, puis les Jeux olympiques à Paris à l'été 2024.
Plusieurs pays européens, dont la Grande-Bretagne, ont mis à jour leurs conseils aux voyageurs en leur recommandant de ne pas se rendre dans les zones concernées par les violences.
Le consulat de Chine à Marseille a aussi invité les citoyens chinois à "être vigilants et à faire preuve de prudence" après que les médias d'État ont rapporté qu'un bus transportant des touristes chinois, à Marseille, avait été la cible de jets de pierres jeudi.
Cette vague de violences et la colère de nombreux jeunes habitants des quartiers populaires contre la police ou l'Etat ont rappelé les émeutes qui avaient secoué la France en 2005, après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.
Emmanuel Macron a passé samedi après-midi une série d'appels téléphoniques à des maires du pays, inquiets de la spirale de violences qui secoue le pays.
A Marseille, sur la Canebière, artère phare de la deuxième ville de France, d'importants effectifs de forces de l'ordre, épaulées par les unités d'élite du Raid et du GIGN (gendarmerie) sont parvenus à disperser les groupes de jeunes qui avaient semé le chaos la veille, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Une voiture incendiée à Nanterre, près de Paris, France, le samedi 1er juillet 2023.
"On n'assiste pas du tout aux scènes de pillage d'hier", a commenté la préfecture de police des Bouches-du-Rhône, dénombrant 56 arrestations vers minuit.
A Paris, un important dispositif a été déployé le long des Champs-Elysées, où des appels à se rassembler circulaient depuis vendredi sur les réseaux sociaux, a constaté une journaliste de l'AFP.
Tout au long de l'avenue, des petits groupes de jeunes vêtus de noirs ont déambulé sous les yeux de CRS devant les commerces, dont les devantures étaient protégées de planches de bois. Derrière des grilles noires, le célèbre restaurant Le Fouquet's a accueilli normalement ses clients pour le dîner. Les derniers groupes ont été évacués avant 02H00 (00H00 GMT).
Peu d'incidents sérieux ont été rapportés en banlieue parisienne, point de départ des émeutes. Des policiers ont été toutefois la cible de tirs de mortiers d'artifice à Vigneux, en banlieue sud de Paris. Selon le ministère de l'Intérieur, 194 personnes avaient été interpellées à 02H30 (00H30 GMT) dans Paris et sa banlieue.
Dans la nuit de vendredi à samedi, les forces de l'ordre avaient procédé à plus de 1.300 interpellations, un chiffre record depuis mardi.
Pour tenter d'enrayer la spirale de violence, de nombreuses communes françaises ont instauré un couvre-feu et les réseaux de transport en commun ont été fermés plus tôt que prévu, notamment celui des bus et tramways en région parisienne à partir de 21H00 (19H00 GMT).
Samedi, Nahel a été inhumé en fin d'après-midi à Nanterre en présence de sa mère, de sa grand-mère et de plusieurs centaines de personnes lors d'une cérémonie "très calme, dans le recueillement et sans débordement", a rapporté un témoin à l'AFP.
Dans la matinée, l'ambiance était très tendue devant le funérarium entre des groupes de jeunes et la presse, dont la présence n'était pas souhaitée par la famille, ont constaté des journalistes de l'AFP.
(Re)voir : France : les violences en lien avec la mort de Nahel vues par la presse étrangère
"Paix à son âme, que justice soit faite", a lancé sous couvert d'anonymat à l'AFP une Nanterrienne en sortant du funérarium. "Je suis venue soutenir la maman, elle n'avait que lui, la pauvre".
Le policier de 38 ans auteur du coup de feu qui a tué Nahel a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi.
"Ils sont venus spécialement pour casser, voler et repartir", a déploré à Marseille un commerçant du centre commercial du Merlan, Youcef Bettahar, "on est vraiment dégoûté de ce qu'il se passe".