Gabriel Attal, chef de gouvernement, un symbole pour la cause LGBTQIA+ ?

Gabriel Attal, nommé à la tête du gouvernement ce mardi 9 janvier dernier, devient, en plus d’être le plus jeune Premier ministre de la Vème République, le premier à être ouvertement homosexuel. Pour les défenseurs de la cause LGBTQIA+, cette nomination représente un symbole non-négligeable. Si la presse étrangère et notamment anglo-saxonne souligne également l’importance symbolique de cette nomination, les médias français, eux, ne semblent que très peu s’y intéresser. 

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Gabriel Attal

Gabriel Attal délivre son discours après la passation de pouvoir, le jeudi 9 janvier, à Paris. 

Ludovic Marin, Pool via AP
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« L’histoire retiendra que la première fois qu’un Premier ministre ouvertement gay a été nommé, c’était en 2024, et c’était Gabriel Attal ». Thomas Vampouille, directeur de la rédaction de Têtu, magazine LGBTQIA+, a eu le sentiment ce 9 janvier de vivre un moment important de l'histoire de la Vème République. Selon lui, le symbole derrière la première nomination d’un Premier ministre ouvertement homosexuel est fort. Celle-ci marque un réel changement dans la représentation des personnes LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Trans, Queer, Intersexes et Asexuelles...).
 

Un symbole fort 

C’est aussi cet aspect symbolique que souligne Maître Jean-Bernard Geoffroy, président du RAVAD, le réseau d'Assistance aux Victimes d'Agressions et de Discriminations à raison de leur orientation sexuelle, leur identité de genre et leur état de santé. « Sa nomination a force symbolique et peut permettre à beaucoup de personnes LGBTQIA+ qui vivent des situations compliquées de pouvoir prétendre, maintenant, aspirer à toutes les fonctions auxquelles ils veulent prétendre », précise le président de l’association.  En effet, il espère « qu’un jour, un candidat à l’élection présidentielle gay puisse être élu par l’ensemble de la population »

Au-delà du symbole que représente la nomination de Gabriel Attal au poste de Premier ministre, rien ne permet à ce stade, de savoir s’il ira ou non dans le sens de l’évolution de la défense des droits des personnes LGTBQIA+ en France. Si le discours de politique générale qu’il devrait délivrer dans le courant de la semaine prochaine devrait permettre d’avoir une idée un peu plus claire de la politique qu’entend mener le nouveau Premier ministre, Thomas Vampouille souligne que « le fait d’être homosexuel ne présume en rien de la politique qui va être menée ». Si la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes est autorisée en France depuis septembre 2021, la gestation pour autrui (GPA), reste interdite par la loi depuis 1994.

Un gouvernement "Manif pour tous"

Le nouveau gouvernement nommé par Gabriel Attal ce jeudi 11 janvier 2024, ne semble, à première vue, pas aller dans le sens d’une évolution des droits des personnes LGBTQIA+. Plusieurs des nouveaux ministres s’étaient d’ailleurs montrés opposés au mariage pour tous en 2013. Parmi eux, Catherine Vautrin, nommée ministre de la Santé, avait voté en 2013 contre la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe et avait participé à la Manif pour tous. 

On avait jamais eu, depuis la fin (du quinquennat) de Nicolas Sarkozy, un gouvernement avec autant de membres de la Manif pour tous
Thomas Vampouille, directeur de la rédaction de Têtu

Selon Thomas Vampouille, il s’agit même du gouvernement « le plus Manif pour tous, depuis la Manif pour tous. C’est à dire qu’on avait jamais eu, depuis la fin (du quinquennat) de Nicolas Sarkozy, un gouvernement (…)  avec autant de membres de la Manif pour tous, ou d’anciens membres de l’UMP qui à l’époque avaient été contre l’avancée des droits LGBTQIA+ ». Selon le directeur du magazine, ils sont six, sur les 14 ministres nommés ce jeudi, créant un symbole « ironique ». Toutefois, toujours selon lui, il n’y a pas de « reculades » à prévoir « ils n’ont pas été nommés pour abolir la PMA et la loi Taubira, ça va demeurer, mais il n’y aura plus d’avancée sur ce terrain là avant 2027 », ajoute-t-il. 

Gêne de la presse française 

Dans la presse française, rares sont les médias qui ont choisi de souligner le symbole représenté par ce nouveau Premier ministre homosexuel, préférant se focaliser sur son jeune âge. Pourtant, dans la presse étrangère, et notamment anglo-saxonne, on relève bien plus le fait que la France ait, pour la première fois, nommé un Premier ministre ouvertement homosexuel. C'est la cas notamment du New-York Times, qui titre sur la nomination d'un Premier ministre "ouvertement gay". Pour Thomas Vampouille, cette différence s’explique par une gêne de la presse française, pour qui il s’agirait d’un « non-sujet ». Selon le directeur de la rédaction de Têtu, « c’est toujours pareil avec l’accession de personnalités issues d’une minorité à des fonctions sociales qui jusqu’alors n’étaient pas accessibles. C’est un non-sujet tant que ça n’est jamais arrivé et on peut espérer une normalisation une fois que ça arrive ».

Vie privée 

De plus, le journaliste évoque l’argument de la vie privée, souvent utilisé en France au moment des débats sur le mariage pour tous, alors qu’au contraire, « dans la presse américaine ou anglaise, ils sont très habitués à traiter de ces sujets de représentation des minorités. Donc forcément ils vont relever la première personne noire, la première personne gay etc… » explique-t-il. 

Maître Jean-Bernard Geoffroy rappelle la prise de parole de Bertrand Delanoë, en 1998, qui avait selon lui « d’une certaine façon ouvert la voix a tous les politiques en leur disant "je suis visible et pour autant les électeurs m’ont fait confiance" ». L’ancien maire de Paris avait alors, avant même de se porter candidat, déclaré dans une émission diffusée sur M6, « je suis homosexuel » avant de conclure par « j'aimerais que le citoyen s'en foute »

En l’évoquant, on permet à l’ensemble des personnes LGBTQIA+ de s’inspirer des personnes publiques qui, en révélant leur orientation sexuelles, peuvent les libérer et leur permettre de s’affirmer
Maître Jean-Bernard Geoffroy, président du RAVAD

Selon le président du RAVAD, il faudrait que l’homosexualité des personnalités publiques devienne un non-sujet, « tout en sachant qu’en l’évoquant, on permet à l’ensemble des personnes LGBTQIA+ de s’inspirer des personnes publiques qui, en révélant leur orientation sexuelles, peuvent les libérer et leur permettre de s’affirmer », conclu-t-il.