L’épidémie de Covid-19 est-elle derrière nous ?

Le 14 mars, le port du masque et le passe vaccinal ne seront plus obligatoires dans la majorité des lieux en France. L'Autriche suspend sa loi sur la vaccination obligatoire. Peut-on considérer que l’épidémie prend progressivement fin ? Précisions avec Yannick Simonin, maître de conférence en virologie à l’Université de Montpellier.

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Covid Beijing 2022

Une résidente chinoise marche dans les rues de Beijing le 8 mars 2022.

AP/Ng Han Guan
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TV5MONDE : Dernièrement, l’épidémie de Covid-19 a moins été au devant de l’actualité. Est-ce une bonne nouvelle ? 

Yannick Simonin, maître de conférence en virologie à l’Université de Montpellier :
La conjonction de l'actualité internationale et la baisse constante de cas dans quasiment l’ensemble des pays européens expliquent qu’on en ait beaucoup moins parlé. Cependant, le sujet revient sur la table notamment car nous nous trouvons dans une période d'arrêt de cette baisse, voire même une légère reprise qu'on doit surveiller de plus près.

En France, en raison de cette période de retour de vacances, on s'attend à une reprise épidémique, même si elle ne sera pas nécessairement très marquée. On remarque que dans les régions pour lesquels les vacances sont terminées, il y a une augmentation du taux d’incidence chez les plus jeunes. C'était attendu car il y a plus de brassage des élèves pendant les vacances. Mais pour l’instant, il n’y a rien d'alarmant.


Taux d’incidence : En épidémiologie, l'incidence d'une maladie est le nombre de nouveaux cas observés sur une période donnée.

TV5MONDE : Le 14 mars, le port du masque et le pass vaccinal ne seront plus obligatoires dans la majorité des lieux publics. L’épidémie est-elle terminée ?

Ce serait une erreur de penser que le Covid est derrière nous, même si on est face à une situation bien meilleure que celle du mois de décembre ou de janvier. On a atteint une immunité globale significative de la population due à la vaccination et à la circulation du variant Omicron.

Il y a une plus grande immunité de la population vis-à-vis des formes graves. Pour autant, on se retrouve toujours à des niveaux élevés de circulation virale, comme en décembre avec 50 000 cas par jour. 

Le fait d'alléger les restrictions ne veut pas dire pour autant qu'il n'est pas nécéssaire de conserver le masque dans certaines circonstances et surtout de continuer à appliquer les gestes barrières pour éviter une reprise trop importante.

Il y a une partie de la population, comme les personnes immunodéprimées, pour qui l'allégement des restrictions est plutôt perçu négativement.

 Yannick Simonin, maître de conférence en virologie

TV5MONDE :  Certaines précautions restent nécessaires à appliquer ? 

Oui, d’autant plus en période hivernale où il y a une forte circulation des virus, comme en ce moment en France. Le respect de certains gestes barrières, notamment celui de se laver les mains régulièrement, doit perdurer, c'est important.

Il y a aussi des personnes qui sont plus fragiles comme les personnes immunodéprimées ou les personnes âgées qui restent à risque même si elles sont vaccinées. On peut donc conseiller à ces personnes de conserver le masque quand elles se retrouvent dans des lieux clos où il y a une forte densité de population.

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Après avoir imposé des restrictions à toute une population, on passe à une logique de responsabilité individuelle. Mais le Covid n'a pas disparu pour autant. Il faut continuer à être vigilant et ne pas oublier qu'on est encore en période hivernale donc favorable à la circulation virale.

TV5MONDE : Cette décision d’abroger l’obligation du port du masque et du pass vaccinal fait-elle fi des personnes fragiles? 

Il y a une partie de la population, comme les personnes immunodéprimées, pour qui l'allégement des restrictions est plutôt perçu négativement.

Cependant, on sait que le maintien des restrictions sur un temps long fait, qu'au fur et à mesure, le respect de ces restrictions s'étiole. Le fait de les alléger permet donc, en cas de reprise épidémique importante (probablement à l'hiver prochain), de potentiellement les remettre en place dans un contexte où elles seront beaucoup mieux comprises et appliquées.

Les variants Omicron BA.1 et BA.2 ont permis d’avoir aujourd’hui une forte immunité en France. 

 Yannick Simonin, maître de conférence en virologie

Concernant les personnes fragiles, on peut par ailleurs leur conseiller de préférer le port des masques FFP2 qui vont avoir une protection plus importante.

TV5MONDE : L’immunité des français est-elle suffisante pour faire face à un nouveau variant ? 

Les variants Omicron BA.1 et BA.2 ont permis d’avoir aujourd’hui une forte immunité en France, qu’elle soit liée à la vaccination ou à l’infection. On a un pourcentage de la population doublement vaccinée significatif et une très forte circulation virale. On se souvent des 500 000 cas diagnostiqués par jour en janvier qui explique cette immunité globale et qui devrait, surtout, limiter les risques de reprise épidémique. 

Voir aussi : Canada : de nombreuses perturbations liées à la mobilisation contre les restrictions sanitaires

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Sur le court et moyen terme, nous ne sommes pas à l'abri de l'émergence d'un nouveau variant qui échapperait au système immunitaire. Le scénario futur reste toutefois plutôt positif car l’on observe que les variants qui émergent ont tendance à être plus contagieux mais moins virulents.

On a aussi fait des progrès sur la diversité des thérapies. Il y a notamment le Paxlovid qui est arrivé en France. Il s’agit d’un antiviral du laboratoire Pfizer données aux personnes immunodéprimées ou aux personnes pour lesquelles la vaccination est moins efficace.

TV5MONDE : Le covid pourrait-il alors devenir un virus saisonnier ? 

La majorité de la communauté scientifique s'oriente sur cette voie. On imagine que le Covid va devenir endémique, comme le virus de la grippe, c’est-à-dire qu’il va revenir régulièrement en hiver. On aura des vagues épidémiques qui arriveront régulièrement pour lesquelles il faudra se protéger par des rappels vaccinaux. On le fait déjà aussi avec la grippe où le vaccin annuel protège une partie de la population, qui est d’ailleurs presque la même que celle fragilisée par le Covid-19. 

Cependant, il ne faut pas voir la mutation toujours comme quelque chose de délétère. Un virus peut muter mais cette mutation peut faire qu'il devient moins virulent mais plus contagieux. 

Yannick Simonin, maître de conférence en virologie

Vivre avec le Covid à l’avenir peut clairement s’envisager car ce virus ne va pas disparaitre et va même probablement évoluer de façon à revenir chaque hiver. Il faut rappeler qu’un virus n'arrête jamais de muter. La nature même d'un virus, c'est de muter en permanence. Cependant, il ne faut pas voir la mutation toujours comme quelque chose de délétère. Un virus peut muter mais cette mutation peut faire qu'il devient moins virulent mais plus contagieux. C'est ce qu'on observe avec le variant Omicron. 

On peut imaginer qu'à terme, le coronavirus sera installé dans la population et continuera à muter légèrement. On ne verra cependant pas de différences dans sa virulence ou dans sa contagiosité.

TV5MONDE : Si la France allège ses restrictions, Hong Kong traverse une cinquième vague de contaminations chaotique. Doit-on s’attendre à une telle variation de contexte sanitaire d’une région à une autre du globe ?

On observe déjà cela aussi avec les virus grippaux. Il y a un décalage dans le temps dans l'apparition de vagues épidémiques entre différentes régions du monde. ll est donc tout à fait normal qu’on se retrouve avec des situations très différentes au niveau des épidémies de Covid-19. Pendant que certains traversent des pics épidémiques, d'autres auront le calme plat.

Cela dépend aussi des conditions climatiques. On sait qu’avec le froid, le risque de transmission du virus est plus important. Cependant, on observe que la couverture vaccinale et l’immunité associée au Covid-19 restent encore très hétérogènes à l’échelle du monde.

La Chine, par exemple, est restée très longtemps dans l'ambition « zéro covid » en bloquant au maximum la circulation virale tout en ayant un niveau de vaccination assez faible. Même si les autorités chinoises disent que la circulation virale est beaucoup plus faible que dans les pays européens, on peut s’interroger sur l’évolution de l’épidémie dans des pays comme celui-là.