Loi immigration : que dit le texte ?

Durcissement du droit du sol et du regroupement familial, conditionnement de certaines aides sociales, mise en place d'une caution pour les étudiants, régularision des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension... Que dit la nouvelle loi immigration, adoptée dans la nuit de mardi à mercredi 20 décembre ? 

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Assemblée nationale

Le Parlement français adopte définitivement le projet de loi immigration le 19 décembre 2023, à Paris. 

Capture d'écran AFPTV
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Présentée par le gouvernement, durcie par le Sénat, puis rejettée par l'Assemblée nationale et finalement adoptée en commission mixte paritaire dans la nuit du mardi au mercredi 20 décembre 2023, la loi immigration était à l'origine présentée comme un texte ayant vocation à contrôler l'immigration, tout en améliorant l'intégration. Que dit sa version finale ? 

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  • Droit du sol 

La nouvelle loi prévoit un durcissement du droit du sol. Aujourd’hui, un enfant né en France de deux parents étrangers obtient automatiquement la nationalité française à ses 18 ans à deux conditions : avoir vécu en France au moins 5 ans de façon continue ou discontinue depuis ses 11 ans, et résider en France à la date de ses 18 ans. Aucune démarche n’est nécessaire de la part de l’intéressé pour obtenir la nationalité française, qui lui est automatiquement délivrée. 

Il est également possible d’obtenir la nationalité plus tôt, à l’âge de 13 ans, avec une démarche administrative qui doit être à l’initiative de l’enfant ou de ses parents, avec le consentement de l’enfant. 

Sur France Inter, mercredi 20 décembre, Elisabeth Borne avait déclaré « on ne remet pas en cause le droit du sol ». 

Pourtant, avec la loi immigration, l’obtention de la nationalité à 18 ans ne sera plus automatique. L’enfant né de parents étrangers devra "manifester sa volonté" d’obtenir la nationalité française et engager une démarche entre ses 16 et ses 18 ans pour espérer l’obtenir. Il ne pourra pas l’obtenir s’il a été condamné pour des crimes. 

Le droit du sol, qui existe en France depuis le 19 octobre 1945, avait été modifié une première fois en 1993 sous le gouvernement de droite d'Édouard Balladur et de son minsitre de l'Interieur Charles Pasqua (1993-1995). Il avait alors été réformé, mettant fin à l’automaticité de l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers. Ces derniers devaient alors « manifester leur volonté » d’obtenir la nationalité, entre leurs 16 et leurs 21 ans. En 1998, ce texte de loi, similaire à celui voté cette semaine, avait été remplacé par la loi relative à la nationalité, qui rétablissait le caractère automatique de l’obtention de la nationalité française. 

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  • Regroupement familial 

Les conditions du regroupement familial sont elles aussi modifiées par ce nouveau texte. Si jusqu’ici, un étranger vivant en France en situation régulière pouvait faire venir sa famille (conjoint et enfants mineurs) après 18 mois de résidence régulière sur le sol français, il lui faudra désormais attendre 24 mois. Si la personne est mariée, son conjoint devra désormais être âgé d’au moins 21 ans, contre 18 actuellement, pour pouvoir la rejoindre. 

De plus, les membres de sa famille devront remplir certaines conditions pour le rejoindre, à savoir notamment la maîtrise d’un certain niveau de français, pour attester duquel ils se verront dans l'obligation de passer un examen. 

Enfin, la possibilité de regroupement familial dépendra des ressources financières de la personne vivant en France, qui, si elles devaient jusqu’à maintenant être « stables », devront désormais être « stables, régulières et suffisantes ». La personne devra également disposer d'une assurance maladie. 

  • Accès à certaines aides sociales conditionné

L’accès à certaines prestations sociales dites « non contributives », c’est à dire dont peut bénéficier toute personne qui travaille et vit sur le territoire français, même sans avoir jamais cotisé à la Sécurité sociale, sera conditionné pour les étrangers qui ne sont pas ressortissants de l’Union Européenne.

C’est à dire que pour bénéficier de l’aide personnalisée au logement (APL), des allocations familiales, ou encore de l’allocation personnalisée d’autonomie, le demandeur devra attester de cinq ans de résidence sur le territoire français, sauf dans certains cas exceptionnels ( s’il travaille depuis 3 mois en France ou dispose d’un visa étudiant pour les APL, s’il travaille depuis 30 mois pour les deux autres prestations citées plus haut ). 

Ces prestations dont le montant est associé à une situation particulière comme le nombre d’enfants à charge ou encore le niveau de revenus, était jusqu’alors accessibles aux étrangers en situation régulière au même titre que les Français.

Le délai de carence pour pouvoir bénéficier de ces prestations, était jusqu’ici de quelques mois.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliqueront pas aux réfugiés, aux apatrides, ni aux détenteurs d’une carte de résident de dix ans, et ne concerneront ni l’allocation enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap, ni l'allocation versée en cas de décès d'un enfant.

En attribuant ainsi ces prestations sociales en priorité aux Français, le gouvernement est accusé de « priorité nationale », une notion intimement liée au Front National, devenu Rassemblement National en 2018. L’ancienne présidente du parti d’extrême droite, Marine Le Pen, a d’ailleurs parlé d’une « victoire idéologique », après l’adoption du texte par le Parlement. 

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  • Caution pour les étudiants étrangers 

Avec la loi immigration, les étudiants étrangers devront déposer une « caution de retour » dont le montant seront fixé par décret, et qui leur donnera accès à un premier titre de séjour leur permettant d’étudier en France. Cette caution leur sera restituée, sauf dans le cas de non respect d’une décision d’éloignement.

Les étudiants dont les revenus sont trop faibles ou dont le parcours scolaire relève de l’excellence en seront exemptés. 

Sur France Inter, la Première ministre a déclaré que la somme demandée pourrait être « minime ». 

  • Titres de séjour 

Le délit de séjour irrégulier, supprimé en 2012 par François Hollande, est rétabli dans la nouvelle loi immigration. Tout étranger qui séjourne en France sans visa ou avec un visa expiré sera passible de 3 750 euros d’amende et d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire. 

En supprimant ce délit en 2012, la France s’était alignée sur le droit européen. Selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, son rétablissement permettra de mieux lutter contre l’immigration illégale. 

Les conjoints de Français et parents d’enfants Français verront eux aussi leurs conditions de délivrance de titres de séjour durcies. S’il fallait jusqu’alors trois ans de séjour régulier sur le territoire pour obtenir une carte de résident, le délais est désormais porté à cinq ans. 

  • Régularisation des travailleurs sans papiers  

Pour répondre aux besoins de main d’oeuvres dans certains secteurs, les travailleurs sans papiers travaillant dans les « métiers en tension », seront régularisés, à condition de résider en France depuis au moins trois ans et d’avoir une activité salariée d’au moins 12 mois, consécutifs ou non, sur deux ans. 

Parmi ces métiers en tension, on trouve notamment les métiers du BTP, de la restauration, mais aussi les infirmiers. 

Le travailleur sans papier pourra désormais entreprendre ses démarches de régularisation seul, sans l’aval de son employeur, ce qui était jusqu’ici impossible. La décision de leur accorder ou non ce titre reviendra aux seuls préfets. 

Cette mesure sera expérimentée jusqu’à fin 2026 et les sanctions à l’encontre des employeurs de travailleurs irréguliers seront renforcées. 

  • Aide médicale d’État 

Si la suppression de l’aide médicale d’État figurait dans la première version du texte et avait été votée par le Sénat, les Républicains y ont finalement renoncé.

L'AME permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'une prise en charge à 100% des soins médicaux, 466 000 personnes bénéficient aujourd’hui de cette aide.

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Sa suppression ne figure pas dans la version finale du texte, et l’AME restera donc en place. Toutefois, le gouvernement a promis de la réformer en 2024.