Fil d'Ariane
Le président de la République, Emmanuel Macron, a décidé d'imposer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie. L'archipel français au Pacifique est secoué par de violentes émeutes qui ont fait trois morts. Elles ont été provoquées par un projet de réforme constitutionnelle rejeté par les indépendantistes.
Le président français Emmanuel Macron, lors de sa déclaration conjointe avec le président chinois Xi Jinping, à l'Elysée, à Paris, le lundi 6 mai 2024.
"Toutes les violences sont intolérables et feront l'objet d'une réponse implacable pour assurer le retour de l'ordre républicain", a indiqué la présidence française dans un communiqué annonçant l'instauration de ce régime d'exception qui étend les pouvoirs des autorités. Le décret sur l'état d'urgence doit être formellement pris lors d'un Conseil des ministres à 16H30 à Paris (14H30 GMT).
Communiqué de la présidence de la République sur la situation en Nouvelle-Calédonie
Le président a également rappelé "la nécessité d'une reprise du dialogue politique" en Nouvelle-Calédonie, selon ce communiqué publié à l'issue d'une réunion de crise sur ce territoire colonisé par la France au XIXe et qui traverse, selon le représentant de l'Etat sur place, une situation "insurrectionnelle".
Depuis les premières altercations dans la journée de lundi, en marge d'une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle, deux violentes nuits d'émeutes ont secoué l'île. Le bilan est déjà lourd : trois personnes ont été tuées et un gendarme est entre la vie et la mort après avoir été blessé par balle à la tête.
Plusieurs centaines d'autres personnes ont été blessées dont une centaine de policiers et gendarmes, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. "On est dans une situation que je qualifierais d'insurrectionnelle", a déclaré le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc.
Malgré le couvre-feu mis en place à Nouméa, principale ville du territoire, les violences ont repris mardi soir dès la nuit tombée, marquée par de nombreux incendies, pillages et d'échanges de tirs, y compris contre les forces de l'ordre. L'aéroport de Nouméa est fermé depuis lundi. Deux personnes ont par ailleurs été blessées par balles à Ducos, dans le nord-ouest de Nouméa "par un garagiste qui protégeait son entreprise", selon un ministre du gouvernement local.
"Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés", a insisté Louis Le Franc, évoquant "une spirale mortelle".
Rencontré par nos confrères de l'AFP, Sébastien, un habitant de 42 ans qui ne donne pas son nom, a dit mener la garde pour "protéger la ville". "Les flics sont débordés alors on essaye de se protéger et dès que ça chauffe, nous prévenons les flics (...). On essaye de faire en sorte que chaque quartier ait sa milice".
Point de crispation de la colère des indépendantistes, le projet de réforme constitutionnelle sur le corps électoral a été adopté par les députés à Paris dans la nuit de mardi à mercredi. Il doit encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès.
Ce texte vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel, à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans. Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".
Dans une déclaration commune, les principaux partis indépendantistes et loyalistes de Nouvelle-Calédonie ont toutefois lancé mercredi un appel "au calme et à la raison".
"Malgré la situation insurrectionnelle que nous traversons depuis quarante-huit heures et parce que nous sommes appelés à poursuivre le vivre-ensemble, nous appelons solennellement l'ensemble de la population au calme et à la raison", écrivent-ils.
Le Premier ministre Gabriel Attal a indiqué en début d'après-midi à Paris qu'il allait proposer "dans les prochaines heures" une date de rencontre à Paris aux différentes parties prenantes de Nouvelle-Calédonie.
Mercredi matin, faute d'approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires ont provoqué de très longues files d'attente devant les magasins.
Créé en 1955 pendant la guerre d'Algérie (1954-1962), l'état d'urgence a déjà été instauré huit fois en France afin de répondre à des périls imminents (attentat, guerre) ou des catastrophes naturelles. Il permet notamment aux ministres et préfets d'"interdire la circulation des personnes ou des véhicules".