Fil d'Ariane
Le pape François est attendu le 22 septembre à Marseille, dans le sud de la France. En amont de sa visite, il a plusieurs fois insisté sur le fait qu’il se rendait “à Marseille, pas en France.” Pourquoi fait-il cette distinction ?
Vue de la cathédrale de Notre-Dame de la Garde depuis le Vieux-Port de Marseille, le 19 septembre 2023.
C’est la deuxième fois que le pape François se rend en France. “J’irai à Marseille, pas en France”, insiste cependant le chef de l’Église catholique à plusieurs reprises. En 2014, il s’était rendu à Strasbourg, devant le Parlement européen et le Conseil de l’Europe. Il avait refusé le statut de visite officielle en France.
“Le problème qui me préoccupe, c’est le problème méditerranéen”, indique le souverain pontife à propos de sa visite. Son tout premier voyage en tant que pape a été effectué sur l’île italienne de Lampedusa. Les migrants y arrivent par milliers depuis des années et l’île connaît actuellement un nouvel afflux.
Le pape dénonce régulièrement “l’indifférence” face aux naufrages dramatiques, qui ont fait plus de 28 000 disparus en Méditerranée depuis 2014, selon l’Organisation internationale des migrations. “La Méditerranée est un cimetière, constate le pape. Mais ce n’est pas le plus grand : le plus grand cimetière se trouve dans le nord de l’Afrique. C’est terrible. Voilà pourquoi je vais à Marseille”.
“La Méditerranée offre une terrible vitrine, qui ne donne plus à voir les échanges et la culture mais les drames et la mort, et les bateaux de migrants à prendre en charge avec un regard de moins en moins compatissant, explique Luis Martinez, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient au Ceri (Sciences Po), dans un entretien pour le quotidien La Croix. La visite du pape sera nécessairement symbolique, mais il peut donner une impulsion politique pour rappeler que la Méditerranée est un espace de vie, pas un cimetière.”
Le pape François est “un des seuls à avoir une parole aussi forte (...), il n’a cesse de dénoncer cette tragédie” dans la Méditerranée, “et de rappeler que ça doit s’arrêter”, souligne François Thomas, président de SOS Méditerranée, une ONG basée à Marseille qui affrète l’Ocean Viking, un navire portant secours aux migrants en détresse, notamment au large de la Libye.
Le pape profitera également de sa visite dans la cité phocéenne pour prendre part aux Rencontres de la Méditerranée. Cet événement est organisé par le diocèse de Marseille du 18 au 24 septembre, et s’articule autour de thèmes comme les inégalités économiques, les migrations et le changement climatique. Il doit célébrer une messe ouverte au public, après une prière en mémoire des migrants disparus en mer.
La ville, qui compte entre autres les communautés juives et musulmanes parmi les plus importantes de France, est dotée depuis 1990 d’une instance regroupant autour du maire des représentants des principales religions. “Marseille espérance” a pour but de favoriser le dialogue et de désamorcer les éventuelles tensions.
“Le principe fondateur de cette ville (Marseille, NDLR), c’est un alliage entre les gens d’ailleurs et les gens d’ici”, rappelle Thierry Fabre, fondateur des “Rencontres d’Averroès”. Depuis trente ans, ces rencontres rassemblent à Marseille artistes et intellectuels pour “penser la Méditerranée des deux rives.” Elle a accueilli successivement (et sans exhaustivité) des Grecs, des Italiens, des Juifs d’Europe centrale ou d’Afrique du Nord, des Maghrébins, des Comoriens, et plus récemment des Ukrainiens et Africains “sub-sahariens”.
La cité phocéenne compte des quartiers parmi les plus pauvres d’Europe, souvent à forte population d’origine étrangère. Célébrée pour ses valeurs “d’ouverture et de brassage”, Marseille traîne aussi une “mauvaise réputation” de violence, relève Stéphane Mourlane, maître de conférence en histoire contemporaine à l’Université d’Aix-Marseille.
Vous arrivez dans cette ville, vous aimez cette ville, très vite vous êtes Marseillais, vous pouvez être fiers de l’être.
Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille
“Tout le monde sait que dans l’identité il y a toujours un facteur d’altérité”, estime Jean-Marc Aveline, l’archevêque de Marseille, qui a lancé l’invitation au pape. Lorsque “vous arrivez dans cette ville, vous aimez cette ville, très vite vous êtes Marseillais, vous pouvez être fiers de l’être, et tant pis si vous n’avez pas vos papiers, vous les aurez plus tard, raconte-t-il. Vous avez une identité, et ça, ça compte.”