Royaume-Uni: six espions bulgares au profit de Moscou devant le tribunal

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Des policiers devant la cour criminelle Old Bailey de Londres, le 30 septembre 2021

Des policiers devant la cour criminelle Old Bailey de Londres, le 30 septembre 2021

AFP/Archives
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Six Bulgares, quatre hommes et deux femmes, membres d'un réseau surnommé "Les Minions", ont comparu mercredi devant un tribunal londonien où ils risquent plusieurs années de prison pour espionnage au profit de la Russie.

Vanya Gaberova, 30 ans, Katrin Ivanova, 33 ans, Tihomir Ivanov Ivanchev, 39 ans, Orlin Roussev, 47 ans, Biser Dzhambazov, 43, et Ivan Stoyanov, 34 ans, encourent jusqu'à 14 années de prison et connaîtront leur peine lundi à l'issue de plusieurs jours d'audience devant la cour criminelle de l'Old Bailey.

Entre 2020 et 2023, ils ont mené des opérations d'espionnage au Royaume-Uni, en Autriche, en Espagne, en Allemagne et au Monténégro, visant en particulier des dissidents du Kremlin et des journalistes.

L'un des membres avait surnommé le groupe "Les Minions": à l'image des petits personnages jaunes de la série d'animation qui travaillent pour le méchant Gru, eux ont mené leurs opérations au profit du GRU, le service de renseignement militaire russe.

Cette photo prise en 2017 et diffusée par la police montre l'homme d'affaires autrichien Jan Marsalek, ancien PDG de la société de paiement allemande Wirecard

Cette photo prise en 2017 et diffusée par la police montre l'homme d'affaires autrichien Jan Marsalek, ancien PDG de la société de paiement allemande Wirecard

Police Munich/AFP/Archives

Les trois premiers accusés, qui avaient contesté les charges retenues contre eux, ont été jugés coupables début mars à l'issue d'un procès de plusieurs semaines.

Les trois autres (Roussev, Dzhambazov, Stoyanov) ont reconnu les faits et n'ont pas eu de procès. Durant l'audience mercredi, la représentante du bureau du procureur, Alison Morgan, s'est ainsi concentrée à détailler leur participations à différentes opérations et à démontrer qu'ils avaient conscience d'espionner pour la Russie.

Sur les six, deux étaient présents au tribunal, tandis que les quatre autres comparaissaient par lien vidéo depuis leur lieu de détention.

Durant son enquête, la police a pu reconstituer six opérations, grâce à l'analyse de plus de 100.000 messages retrouvés sur la plateforme Telegram utilisée par Orlin Roussev, qui dirigeait les opérations du groupe depuis son domicile de Great Yarmouth (est de l'Angleterre).

Il prenait ses consignes de l'Autrichien Jan Marsalek, ancien diecteur des opérations du fleuron déchu de la finance numérique Wirecard, et dont l'enquête a montré qu'il agissait comme "intermédiaire" avec les services russes.

Depuis sa fuite d'Allemagne en 2020 où il est recherché par la justice, Jan Marsalek se trouverait à Moscou sous une fausse identité, selon une investigation journalistique internationale parue en 2022.

"Echelle industrielle"

Orlin Roussev avait ainsi reçu plus de 200.000 euros pour financer ses activités. Après l'arrestation du groupe en février 2023, les enquêteurs ont retrouvé chez lui de nombreux équipements d'espionnage, comme des micros et caméras cachés dans une cravate, une pierre ou une peluche, ainsi que des logiciels, ou encore un kit de fabrication de faux passeports.

Dans les messages qu'il a échangés avec Jan Marsalek, "M. Roussev affirme qu'il trouvera les ressources" pour satisfaire d'éventuelles demandes russes, par exemple pour enlever tel opposant, a souligné la représentante du procureur mercredi.

"C'est une affirmation claire de ce qu'il était prêt à faire pour (...) que les Russes soient satisfaits", a-t-elle fait valoir.

Le groupe a notamment visé le journaliste d'investigation bulgare Christo Grozev, qui a enquêté sur le renseignement russe. Ainsi que Roman Dobrokhotov, un journaliste russe et dissident basé au Royaume-Uni, fondateur du site The Insider.

Ils ont aussi ciblé Bergey Ryskaliev, un ancien homme politique kazakh ayant obtenu le statut de réfugié au Royaume-Uni.

La porte principale du quartier général du Commandement des forces des Etats-Unis en Europe (EUCOM) à Patch Barracks à Stuttgart, dans le sud de l'Allemagne, le 29 juillet 2020

La porte principale du quartier général du Commandement des forces des Etats-Unis en Europe (EUCOM) à Patch Barracks à Stuttgart, dans le sud de l'Allemagne, le 29 juillet 2020

AFP/Archives

Ils ont également surveillé la base militaire américaine de Patch Barracks à Stuttgart, en Allemagne, pensant que des soldats ukrainiens y étaient formés à l'utilisation du système de défense aérienne Patriot.

Le groupe pratiquait "l'espionnage pour la Russie à l'échelle industrielle", a déclaré le commandant en chef de l'unité antiterroriste de la Metropolitan Police Dominic Murphy à l'issue du procès.

Le ministre britannique à la Sécurité Dan Jarvis a affirmé que ce procès envoyait "un avertissement clair à ceux qui souhaitent nuire au Royaume-Uni".

Les relations entre Londres et Moscou sont particulièrement tendues depuis l'invasion de la Russie contre l'Ukraine, en février 2022. Les deux pays s'accusent régulièrement d'espionnage, ce qui se traduit par de fréquentes expulsions croisées de diplomates.

Au Royaume-Uni, la justice a été saisie de plusieurs affaires d'espionnage présumé impliquant Moscou. Un homme de 64 ans, Howard Michael Phillips, accusé d'assistance envers le service de renseignement russe, doit notamment être jugé en juillet.