Les députés suisses ont voté une loi interdisant l'affichage public de symboles extrémistes, incitant à la violence et raciste, mais aussi les gestes, paroles, salutations ou drapeaux du même ordre.
Les symboles extrémistes, notamment nazis, jusqu'alors tolérés dans l'espace public en Suisse s'ils n'avaient pas pour but d'inciter à la haine mais d'exprimer une opinion personnelle, ont été interdits mercredi par le parlement.
La chambre basse, le Conseil national, a en effet voté par 133 voix contre 38 en faveur de la prohibition de l'affichage des images à caractère extrémiste, incitant à la violence et racistes. Une telle mesure avait déjà été adoptée en décembre par le Conseil des Etats, la chambre haute.
La Suisse, qui est restée neutre pendant la Seconde Guerre mondiale, a subi des pressions pour s'aligner sur un certain nombre d'autres pays européens en interdisant les symboles nazis, à l'instar de l'Allemagne, de la Pologne et de plusieurs autres Etats d'Europe de l'Est où cette interdiction est totale.
Cela concerne également les gestes, les paroles, les salutations ou les drapeaux.
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Le Conseil national a également voté par 132 voix contre 40 pour que cette nouvelle législation soit introduite par étapes, une démarche soutenue par le gouvernement.
La proscription des symboles nazis, facilement identifiables, pourrait être rapidement mise en œuvre, alors que d'autres symboles racistes et extrémistes pourraient être identifiés et interdits ultérieurement.
"Nous ne voulons pas de croix gammée ou de salut hitlérien dans notre pays, jamais !", a lancé le député écologiste Raphaël Mahaim, selon lequel "il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de bonnes raisons d'arborer une croix gammée ou un autre symbole de l'idéologie nazie, à l'origine des pages les plus sombres de l'histoire de l'humanité".
"Aujourd'hui, en Suisse, il est possible, il est même permis, de déployer un drapeau avec une croix gammée sur son balcon. Il est possible de mettre un drapeau à l'effigie des SS sur le pare-brise de sa voiture. Il est possible de faire le salut hitlérien dans l'espace public", a-t-il ajouté.
"De telles actions ne sont pas punissables si elles n'ont pas pour but de propager cette idéologie, d'attiser la haine, d'atteindre le public mais si elles sont +uniquement+ destinées à afficher une sympathie pour l'idéologie nazie", a poursuivi le député. Avant de juger que "cette situation est intolérable".
"Il y a unanimité, ou presque, sur la question des symboles mortifères de l'idéologie nazie ; en revanche, la question sera beaucoup plus difficile à traiter pour les autres symboles extrémistes. Qu'en est-il par exemple du symbole +Z+ de l'armée d'agression de (Vladimir) Poutine (en Ukraine) ? Qu'en est-il du symbole du Ku Klux Klan ? Qu'en est-il du symbole de la faucille et du marteau ?", s'est-il interrogé.
"Autant de débats délicats que nous devrons avoir, bien sûr, car ce sont des symboles extrémistes qu'il faut aussi traiter dans la loi, mais des débats qui seront plus difficiles", a encore dit Raphaël Mahaim.
Le ministre suisse de la Justice, Beat Jans, a de son côté souligné que si le gouvernement - le Conseil fédéral - avait jusqu'ici misé sur la prévention en tant que principal rempart dans la lutte contre le racisme, il estimait désormais que des dispositions juridiques étaient nécessaires et qu'il fallait en particulier pouvoir infliger des amendes.
Le nombre des "incidents antisémites, en particulier ceux impliquant l'utilisation de symboles nazis", a "fortement augmenté ces derniers temps", a-t-il déploré.
Mercredi, les votes contre et les abstentions sont tous venus de l'Union démocratique du centre (UDC, droite populiste), la formation la plus importante dans la chambre basse.
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La députée UDC Barbara Steinemann a, par exemple, jugé que la Suisse avait réussi à contenir l'extrémisme et que celui-ci se cantonnait à "quelques cinglés insignifiants".
Et de considérer que la symbolique nazie n'y a connu un essor que depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza en octobre dernier sous "l'influence de l'immigration en provenance de cultures non européennes".
Son interdiction n'empêchera pas un antisémitisme "rampant" dans les universités et les "milieux intellectuels", a à cet égard averti Mme Steinemann.