La Chambre basse du Parlement suisse a voté, mercredi 17 avril, l’interdiction des symboles extrémistes, notamment nazis. Ils étaient, jusque-là, acceptés dans l’espace public s’ils n’incitaient pas à la haine.
Un migrant entre dans un foyer pour réfugiés à Waltrop, dans l’ouest de l’Allemagne, taggué d’une croix gammée, en 2015.
Les images à caractère extrémiste ont été interdites dans l’espace public, par le Parlement suisse, mercredi 17 avril. Après le vote du Conseil des États, Chambre haute du Parlement, qui a entériné la loi en décembre, le Conseil national, la Chambre basse, a voté par 133 voix contre 38 et 17 abstentions la prohibition de ces symboles, notamment nazis, qui incitent à la violence.
La Suisse les tolérait, jusqu’à présent, tant qu’ils relevaient de l’opinion personnelle de l’auteur et qu’ils n’appelaient pas à la haine. « Aujourd'hui, en Suisse, il est possible, il est même permis de déployer un drapeau avec une croix gammée sur son balcon, a déploré le député écologiste Raphaël Mahaim, qui intervenait lors de la séance au Conseil national. Il est possible de mettre un drapeau à l'effigie des SS sur le pare-brise de sa voiture. Il est possible de faire le salut hitlérien dans l'espace public. » Le ministre de la Justice, Beat Jans, a expliqué l’importance de cette réforme en évoquant « l'utilisation de symboles nazis » qui a « fortement augmenté ces derniers temps ».
« Nous ne voulons pas de croix gammée ou de salut hitlérien dans notre pays, jamais ! », a lancé Raphaël Mahaim, qui a rappelé qu’« il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de bonnes raisons d'arborer une croix gammée ou un autre symbole de l'idéologie nazie, à l'origine des pages les plus sombres de l'histoire de l'humanité ».
Le Conseil national a également voté, à 132 voix contre 40, pour que cette nouvelle loi soit introduite par étapes. L’objectif : faciliter l’identification des signes à caractère extrémiste, parmi lesquels on compte les images, insignes, drapeaux, gestes, paroles, saluts, chants et slogans. Le Conseil fédéral, organe exécutif, devra se charger de la délimitation précise des symboles à proscrire.
Si ceux à caractère nazi sont déjà identifiés, certains signes racistes et extrémistes sont plus « difficiles à traiter », selon le député écologiste. « Qu'en est-il par exemple du symbole Z de l'armée d'agression de (Vladimir) Poutine (en Ukraine) ? Qu'en est-il du symbole du Ku Klux Klan ? Qu'en est-il du symbole de la faucille et du marteau ? », se questionne-t-il.
Dans son éditorial daté du 17 avril, le quotidien suisse Le Temps rappelle qu'un rapport du Département fédéral de justice et police (DFJP) sorti en 2022 tentait de rédiger une liste non exhaustive de symboles extrémistes. "Sur 20 pages, celle-ci comprend, à l’extrême droite, croix nazie, salut hitlérien, rune de Tyr (le logo du mouvement d’extrême droite alémanique Junge Tat) ou drapeau de guerre du Reich. Tandis que la faucille et le marteau, le A cerclé d’«anarchie» ou le symbole de la Rote Armee Fraktion s’alignent à l’extrême gauche. Un grand nombre de numéros à double sens complète la liste." Reste que l'exercice pose problème selon ce journal francophone de Genève. "L’inconvénient d’une telle interdiction est cependant pluriel. La liberté d’expression protégée par la Constitution en prend un coup, et la liste pourrait bien s’allonger éternellement, démesurément", prévient Le Temps.
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L’ensemble des votes contre et des abstentions, mercredi, provenait des députés de la formation d'extrême droite l’Union démocratique du centre (UDC). Manfred Bühler, député de ce parti, s’interrogeait : « Les communistes n’ont-ils pas fait autant, voire plus de morts que les nazis ? » La députée UDC Barbara Steinemann a également avancé que la prohibition des symboles nazis n’empêcherait pas un antisémitisme « rampant » dans les « milieux intellectuels » et les universités.
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Pour Laurent Selvi, président de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), cette loi est essentielle. « Il fallait faire quelque chose », confie-t-il à la Radio Télévision Suisse. « On a parfaitement conscience que l’extrémisme grimpe », explique-t-il avant d’ajouter « qu’il faut savoir y répondre par des mesures de ce type ».