Déclaration de Chancel Mbemba en zone mixte, après le match Maroc-RD Congo, le 21 janvier 2024.
Fil d'Ariane
On pensait qu’il serait difficile de faire plus étouffant que la fin de match entre le Maroc et la République Démocratique du Congo au stade Laurent Pokou de San Pedro. Pourtant, la tension est montée encore un peu plus d'un cran avec une échauffourée entre les membres de chaque équipe au coup de sifflet final, donnant lieu à une polémique sur fond d'accusations de racisme. Un match nul pour les équipes, mais une défaite pour le football.
Fin de match houleuse entre les joueurs du Maroc et de la République démocratique du Congo, au stade Laurent Pokou de San Pedro, en Côte d'Ivoire, le dimanche 21 janvier 2024.
Le Maroc-République démocratique du Congo en guise de premier match de la journée de phase de poules du dimanche 21 janvier avait tout d’une rencontre alléchante sur le papier. Mais la chaleur étouffante, combinée aux 80% d’humidité, a visiblement rapidement eu raison des joueurs.
Après une partie peu rythmée, la fin de match est hachée, houleuse. Les Marocains qui, malgré le score de parité, restent premier de leur groupe, tentent de gérer. Le rythme est lent, et on le comprend aisément au vu des conditions climatiques.
Dans les dernières secondes, le capitaine congolais, Chancel Mbemba, gagne quelques précieuses secondes pour son équipe, mais cela n’est pas du goût du sélectionneur marocain Walid Regragui qui lui fait remarquer.
Au coup de sifflet final, ce dernier se dirige vers Chancel Mbemba et tente une accolade, mais s’énerve en voyant le capitaine congolais détourner le regard. S’ensuit un échange houleux entre les deux acteurs, avant un attroupement des deux équipes. Dans le tunnel, le gardien de but marocain Yassine Bounou retient de peu Youssef En-Nesyri qui veut en découdre avec Chancel Mbemba.
— SOCCER212 (@SCCR_212) January 21, 2024
L’image est terrible pour les deux équipes, pour les deux fédérations… et pour les deux pays.
La tension redescendue, en conférence de presse, Walid Regragui joue la carte de l’apaisement. "J'ai beaucoup de respect pour Mbemba. Peut-être que c'est l'adrénaline qui l'a fait répondre comme ça. Mais il n'y a pas de souci", a dit le sélectionneur marocain.
Même son de cloche pour le sélectionneur de la RDC : "Il y a eu un peu de frustration des deux côtés mais il ne faut pas relever ces points-là", a-t-il dit soulignant le fait que "c'est parfois normal qu'il y ait des petits moments de tensions".
On pense alors la page tournée, mais c’est sans compter sur les réseaux sociaux et leur potentiel pouvoir de nuisance. Si en zone-mixte, Chancel Mbemba a laissé planer le doute sur les propos échangés lors de son altercation avec le sélectionneur marocain, en déclarant ne pas avoir "besoin de balancer". Le défenseur central de l’Olympique de Marseille n’a pas été beaucoup plus loin.
Déclaration de Chancel Mbemba en zone mixte, après le match Maroc-RD Congo, le 21 janvier 2024.
Pourtant, les internautes n’auront attendu que quelques instants pour interpréter les propos du capitaine de la RDC comme étant une allusion à des insultes racistes.
Les insultes fusent. "Regragui est un raciste" pour certains. Pour d’autres, "les Marocains sont tous des racistes" ou encore, "les Arabes ne sont pas nos frères".
De l’autre côté, on accuse Chancel Mbemba d’être "un menteur qui cherche la discorde". Certains remontent même jusqu’à une publication du 30 mai dernier, sur le compte Instagram du défenseur, pour cracher leur haine du joueur, des Congolais, mais aussi parfois, des Noirs. Le point de non retour est atteint.
Plus tard dans la soirée, l'affaire ne cesse d'enfler et Walid Regragui se sent obligé de revenir une nouvelle fois sur l’incident. Cette fois, il le fait dans le détail, chez nos confrères du quotidien français l’Equipe.
"J’ai dit à Desabre (sélectionneur de la RDC) : "Ramène-le moi, il pète un câble, il raconte n’importe quoi. Je n’ai pas aimé ça car il insinue beaucoup de choses. Avant que j’aille lui serrer la main, il nous a pris à partie, moi et mon adjoint, sur le bord de touche avant la fin du match, il nous a mal parlé. Et Desabre le sait (...) Comme il ne parle que de religion dans son discours, qu’il soit un peu honnête avec lui-même", a affirmé Walid Regragui. De quoi peut-être mettre fin aux rumeurs, mais pas à la tension.
C’est finalement le capitaine marocain, Romain Saïss qui se charge de le faire en appelant à l’unité sur ses réseaux sociaux : "On est tous fiers de représenter l'Afrique, fiers d’être Africains peu importe nos origines. Ne nous divisons pas pour des bêtises cela reste du foot, restons unis pour montrer le meilleur visage dans cette can et la fraternité qui unit notre continent. Africa united. #StopAuRacisme".
Romain Saïss sur Instagram, après le match Maroc-RD Congo, le 21 janvier 2024.
L’excès pour des supporters des deux équipes, dans une compétition qui oppose les nations, mais les rassemble également sous une même bannière, africaine. Un déchaînement de haine qui part d'une altercation, comme il peut y en avoir très souvent dans le sport de haut niveau, où les organismes des joueurs sont poussés jusque dans leurs retranchements.
Dans ce marasme, il ne faut surtout pas oublier ceux qui appellent depuis plusieurs heures à la fraternité. Ils ne sont pas mis en avant par les algorithmes, mais ils sont ceux qui représentent le plus les valeurs du football.
La vraie image de ce match 🌍 pic.twitter.com/4LL5uMGGHT
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