CAF-Arabie Saoudite, les dessous d’un accord historique

La Confédération africaine de football a signé un accord de coopération et de développement avec la Fédération saoudienne de football. Ce partenariat d’une durée de cinq ans témoigne à la fois des besoins financiers de la CAF et des ambitions diplomatiques de la puissante monarchie pétrolière.
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AI / Reuters / Panoramic
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L'Afrique, terrain d'exercice du « soft power ». Après le Qatar, c'est aujourd'hui au tour de l'Arabie Saoudite de déployer son influence sur le continent. Le samedi 13 mai dernier, le président de la Confédération africaine de football (CAF), Patrice Motsepe, et le président de la Fédération saoudienne de football (SAFF), Yasser Al Misehal, annonçaient la signature d'un accord historique de coopération et de développement d'une durée de cinq ans.

Destiné à favoriser « les opportunités de croissance pour le football africain et saoudien », ce partenariat doit se concentrer « sur des initiatives relatives au développement technique et footballistique au niveau des clubs et des équipes nationales », tout en s'intéressant également « au football de base, au football féminin, à la détection des talents, aux compétitions, aux matchs amicaux et aux opportunités commerciales. » Glissée dans le communiqué officiel, une phrase du président Motsepe ne manque pas depuis d'interroger. « Il y a également des domaines spécifiques pour des partenariats mutuellement bénéfiques dont nous discutons et des annonces seront faites en temps opportun », déclare alors le dirigeant sud-africain, sans en dire davantage.

Le difficile financement de la future Super Ligue africaine


Dans l'immédiat, le communiqué conjoint de la CAF et de la SAFF évoque l'organisation conjointe d'ateliers et de séminaires destinés aux officiels de matchs, et des échanges de bonnes pratiques sur des domaines tels que « l'organisation de matchs, le marketing, les médias, l'arbitrage et la sécurité. » Mais, comme le sous-entendait le successeur d'Ahmad Ahmad, un tel « deal » ne saurait se résumer à si peu. Vendredi, le très sérieux quotidien britannique The Guardian faisait était de pourparlers entre les deux entités signataires, l'Arabie Saoudite et la Confédération africaine de football autour du financement de la future Super Ligue africaine.

Supposée débuter l'été prochain, cette nouvelle compétition semi-fermée pensée initialement pour rassembler 24 équipes demeure entourée d'un certain flou. La Confédération africaine de football, qui a déclaré une perte de plus de 40 millions de dollars dans ses derniers comptes audités, avait choisi de commencer plus petit, avec huit équipes seulement. Dans l'enquête publiée par le Guardian, les journalistes Ed Aarons et Romain Molina évoquent un possible report d'une année, soit au début de la saison 2024-2025, le temps d'en finaliser le financement par des fonds saoudiens.

Un échange de bons procédés ?


Reculer pour mieux sauter, en somme. Financièrement parlant, le jeu en vaudrait la chandelle pour la Confédération africaine de football, en quête urgente d'oxygène pour ses finances depuis la rupture unilatérale en 2019 du contrat qui la liait à l'agence française de marketing sportif Lagardère Sports. Au lieu des 100 millions de dollars prévus au départ pour la dotation de Super Ligue, les Saoudiens injecteraient le double. En échange, la Confédération africaine de football soutiendrait une future candidature de la monarchie absolue islamique à l'organisation de la Coupe du monde.

Certaines rumeurs prêtent aujourd'hui à L'Arabie Saoudite l'intention de présenter un dossier « tricontinental » avec l'Egypte et la Grèce en vue de l'édition 2030, mais le ministre égyptien des Sports a déclaré le mois dernier que son pays ne prévoyait pas de se joindre à ce « ticket » avant la date limite de juin. Postuler pour l'édition 2030 se heurte à deux autres obstacles : du point de vue de la FIFA, l'ordre tacite d'attribution des Coupes du monde destine celle de 2030 à l'Europe ou à l'Afrique. Du point de vue de la CAF, se ranger derrière l'Arabie Saoudite dès 2030 conduirait à revenir sur le soutien déjà apporté au Maroc, officiellement candidat pour cette même édition aux côtés de l'Espagne et du Portugal, ses voisins européens. Aussi, l'Arabie Saoudite considèrerait désormais 2034 comme une option plus réalisable et compatible avec ses divers engagements diplomatiques.