Cameroun : l'été agité de Samuel Eto'o

Objet d'une enquête de la Confédération africaine de football, désavoué par le Tribunal arbitral du sport, Samuel Eto'o a vu cet été les nuages s'amonceler au-dessus de la Fécafoot, la Fédération camerounaise de football, qu'il préside depuis la fin 2021. Retour sur un été passablement agité.
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Zuma / Panoramic
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Au Cameroun sans doute encore plus que n'importe où ailleurs en Afrique, la vie à la tête d'une Fédération de football est tout sauf un long fleuve tranquille. Président de la Fécafoot, depuis la fin 2021, Samuel Eto'o le constate chaque jour à ses dépens depuis lors. Mais si donc la polémique n'est jamais loin autour de l'ex-double vainqueur de la Ligue des Champions, les choses se sont accélérées et ont pris une dimension particulièrement périlleuse pour l'ancien joueur durant cet été 2023. A tel point que « SE9 » se retrouve aujourd'hui pris entre deux feux, politiques et judiciaires : le premier a été allumé par la Confédération africaine de football, saisie par plusieurs parties prenantes du football camerounais, le second par le Tribunal arbitral du sport, qui a invalidé l'Assemblée générale de la Fécafoot grâce à laquelle Eto'o avait assis son pouvoir. Rembobinons.

La CAF ouvre une enquête... et le feu

Le mois de juillet avait déjà été passablement agité, suite à la publication d'un enregistrement vidéo tendant à démontrer que l’ancien buteur serait intervenu pour favoriser la montée du club de Victoria United en première division. Le 9 août, un communiqué de la Confédération africaine de football mettait le sport roi camerounais en ébullition. « La CAF a reçu des demandes écrites venant de plusieurs parties prenantes du football camerounais pour l’examen et l’enquête de certains comportements inappropriés présumés de M. Samuel Eto’o, président de la Fédération Camerounaise de Football (…). La CAF examine ces demandes conformément aux Statuts et Règlements de la CAF », annonçait l’instance. « Bien que les allégations soient à première vue sérieuses, M. Samuel Eto’o est présumé innocent jusqu’à ce qu’une instance judiciaire appropriée conclue le contraire », lisait-on encore.

Le communiqué n'en dit alors pas davantage sur l’origine précise de cette saisine de la CAF, ni sur le champ exact des investigations à venir, mais difficile de ne pas faire le rapprochement l'affaire susmentionnée de Victoria United, qui avait alors poussé l’Association des clubs de football amateur du Cameroun (ACFAC) à aviser la FIFA et à demander la démission immédiate de Samuel Eto'o. Le 11 août, soit quarante-huit heures après l'annonce fracassante de la Confédération, la Fécafoot, par le biais de son comité exécutif, réagissait enfin officiellement. Dans un communiqué partagé sur ses médias sociaux, l'instance présidée par Eto'o se disait alors « surprise et outrée par une telle démarche » de la CAF, qui n'aurait pas jugé utile de la saisir officiellement. » Selon le comex, qui réaffirmait sa « totale confiance » et son « soutien indéfectible » à Samuel Eto'o mais jamais n'évoquait le fond, la Confédération n'aurait pas respecté les formes requises : « une telle attitude s'inscrit en violation des principes du contradictoire, du respect de l'équité et de l'éthique sportive, indispensables dans la résolution des litiges. »

Le TAS porte un nouveau coup

Si donc un premier foyer était allumé par cette enquête de la CAF, un second allait se déclarer quelques jours plus tard, entretenant l'atmosphère de règlements de comptes au sommet du football camerounais. Le 15 août, le Tribunal arbitral du sport rendait en effet un avis défavorable à Samuel Eto'o en invalidant l'Assemblée générale de l'instance tenue le 27 août 2022. Mis à l'écart du comité exécutif de la Fécafoot, l'ex-représentant de la région de l'Extrême-Nord du pays, Guibaï Gattama, avait saisi la juridiction sportive indépendante, conjointement avec d'autres acteurs et la Ligue professionnelle du football du Cameroun (LFPC), dissoute à l'occasion de ladite Assemblée générale (et remplacée par un Conseil Transitoire du Football Professionnel placé sous l'autorité de la Fécafoot, ndlr). Pour le président Eto'o, le coup est rude : en déclarant toutes les décisions prises à l'occasion de la fameuse AG « nulles et de nul effet », le TAS a de facto effacé un an de mandature.

Au cours de ce conclave très contesté, le mandat du président de la Fécafoot (de Samuel Eto'o, donc) avait été porté à sept ans, contre quatre jusqu'alors. Les principes fondateurs de l'instance avaient également été retouchés. Ainsi l'un des articles les plus importants du code d'éthique avait été retiré : celui qui permettait à la commission d'éthique de s'autosaisir de certains dossiers. Consolation de taille, Samuel Eto'o n'est toutefois pas (encore ?) menacé directement en tant que président de la Fédération. « À défaut d'une décision de l'assemblée générale extraordinaire de la Fédération Camerounaise de Football sur cette question, les conditions pour que le Tribunal arbitral du sport puisse constater la vacance de la présidence ne sont, en l'état, pas réunies », peut-on lire dans la sentence finale du TAS. Samuel Eto'o et ses partisans vont néanmoins devoir tirer les conséquences de cette décision défavorable du TAS, en revenant à la situation ex ante.

Un personnage clivant, une ligne disruptive

Débuté dans une douce euphorie à la fin de l'année 2021, porteur de l'espoir de mettre fin aux divisions qui minent le football camerounais en remettant le sportif au centre des enjeux, le mandat de Samuel Eto'o à la tête de la Fécafoot s'est peu à peu enlisé dans les polémiques et les contentieux. Condamné par le TAS à payer 1,6 million d'euros à l'ex-sélectionneur Toni Conceiçao, viré après la CAN 2021, en litige avec son ancien équipementier Le Coq Sportif, accusé de se servir de son image pour promouvoir des paris sportifs (en contravention avec les règles de la FIFA), sans parler de la mise à l'écart d'André Onana en équipe nationale, l'ancien Pichichi avait vu le mois dernier son ancien troisième vice-président à la Fecafoot, Henri Njalla Quan Jr, se répandre, dans les colonnes du quotidien sportif espagnol Marca, en accusations de mensonge, de manipulation et de détournement de fonds.

Clivant, diversement apprécié par les institutions internationales (les relations avec la CAF sont tendues, quand le climat est plus apaisé avec la FIFA d'Infantino) comme nationales (le ministre des Sports Narcisse Mouelle Kombi est son ennemi juré, alors que des proches du chef de l'Etat le soutiennent), Samuel Eto'o ne craint pas de bousculer ceux qui se mettent au travers de son chemin, quitte à s'affranchir de certains usages. Cette ligne disruptive est-elle encore tenable ? Ce n'est pas le moindre des enjeux des semaines à venir, durant lesquelles les Lions Indomptables joueront, sur un match couperet contre le Burundi, leur qualification pour la prochaine CAN.