Fil d'Ariane
Devenu champion d'Afrique pour la première fois il y a deux ans, le Sénégal se présentera en Côte d'Ivoire avec l'ambition de conserver le trophée conquis au Cameroun. Cela ne s'annonce pas simple, tant cet objectif est difficile à atteindre en Afrique, a fortiori quand, comme les Lions de la Teranga, on s'apprête à évoluer dans un groupe très difficile.
La CAN au Sénégal, c'est une affaire d'État. Enfin presque. L'objectif pour cette trente-quatrième édition a été assigné aux Lions de la Teranga par le président de la Fédération. « Nous allons en Côte d’ivoire avec l’ambition de conserver notre trophée. Mais en sachant que nous serons très attendus par les 23 autres nations », a déclaré Augustin Senghor, avant d'évoquer la nécessité de « réussir cette mission importante. » Aliou Cissé et ses hommes savent à quoi s'en tenir. Fort de dernières sorties réussies notamment face au Brésil (4-2) et devant la bête noire (et le futur adversaire) du Sénégal, le Cameroun (1-0), le sélectionneur et ses hommes ont des raisons d'y croire.
D'autant que ces bons résultats ne se limitent pas aux matchs de gala. Après une très présentable campagne de Coupe du monde qui les vit franchir le premier tour malgré l’absence de son maître à jouer (Sadio Mané), les champions d'Afrique avaient terminé les qualifications invaincus. De quoi renforcer la confiance des supporters. Cet optimisme n'est pas forcément justifié par la consultation des statistiques. Depuis l'Égypte, qui réalisa le triplé lors des éditions 2006, 2008 et 2010, aucun tenant du titre n’est allé plus loin que les huitièmes de finale de l’édition suivante. Le Sénégal entend mettre fin à cette malédiction. Mais cela ne s'annonce pas facile.
Si chacun des six groupes de cette CAN 2023 contient son lot de pièges voire de chausse-trappes, un seul mérite le qualificatif redouté de « groupe de la mort », et c'est celui du Sénégal. Logée à Yamoussoukro, cette poule C réserve aux champions d'Afrique en titre un choc fratricide contre la Gambie, son voisin qui reste sur une excellente dynamique après le coup d'essai magistral d'il y a deux ans (les hommes du Belge Tom Saintfiet avaient atteint les quarts de finale), le Cameroun, demi-finaliste sortant et déjà vainqueur de la CAN 1984 en terre ivoirienne, et enfin la Guinée, valeur sûre d'Afrique de l'Ouest.
« Je pense que c'est un groupe très difficile, je suis moitié gambien-moitié guinéen en plus. Le Cameroun est là aussi, ce sera très compliqué. Nous allons tout faire pour passer ce premier tour », avait déclaré lors du tirage, Sadio Mané, conscient d'avoir eu la main lourde pour son équipe. Sacrés au Cameroun malgré une mise en route des plus laborieuses (2 matchs nuls, 1 victoire, 1 seul but au cours du premier tour), les hommes d'Aliou Cissé auront cette fois intérêt à éviter tout retard à l'allumage face à des adversaires du calibre des Scorpions, des Lions Indomptables puis du Syli national.
Afin de réussir la passe de deux, le sélectionneur n'a pas changé une équipe qui a beaucoup gagné. Sur sa liste des 27, une quinzaine de joueurs sacrés champions d’Afrique en 2022, au premier rang desquels Sadio Mané, Kalidou Koulibaly et Edouard Mendy, tous partis en Arabie Saoudite l’été dernier. Auteur du même choix de carrière, d'abord mis en doute puis accepté par le sélectionneur, l'avant-centre Habib Diallo incarne également cette continuité, comme les grands anciens Idrissa Gana Gueye et Cheikhou Kouyaté ou encore les désormais habitués Abdou Diallo ou Nampalys Mendy.
La nouveauté est plutôt à chercher du côté de l'attaquant Abdallah Sima, très prolifique cette saison avec les Glasgow Rangers, de son homologue Nicolas Jackson (Chelsea) ou encore du milieu de terrain Lamine Camara (Metz), vainqueur du CHAN 2022 et de la CAN des moins de 20 ans 2023. Présenté comme l'avenir radieux des Lions, ce grand espoir devra sans doute patienter un peu pour prendre le pouvoir en équipe A. Cette édition ivoirienne du tournoi continentale s'annonce comme le dernier combat du groupe patiemment forgé par celui que le public sénégalais aime appeler "El Tactico".
« On ne maîtrise jamais assez la CAN. C’est une compétition très difficile. Les CAN se suivirent et ne ressemblent pas. Maintenant, c’est vrai, j’en suis à ma troisième CAN. On a donc emmagasiné de l’expérience dans toutes les sorties de l’équipe nationale, y compris en Coupe du monde. Mais nous sommes conscients que les réalités seront autres en Côte d’Ivoire », a expliqué, humble, Aliou Cissé, passé maître dans l'art de conjuguer expérience et méfiance, comme s'il redoutait une forme de routine dans la tanière.
« Il va falloir se remobiliser, se remettre en question et faire son autocritique pour bien aborder cette CAN. Il ne faudra pas l’aborder avec légèreté ou avec arrogance. Il faut surtout l’aborder avec énormément de confiance, tout en étant conscient des difficultés qui nous attendent. Ce groupe sait que rien n’est encore acquis. » Accrochés et sévèrement secoués par le Togo (0-0) en éliminatoires du Mondial 2026, moins de deux mois avant la CAN, les Lions de la Teranga auront-ils entendu la mise en garde de leur coach ? Le Sénégal ne tardera pas à le savoir.