Fil d'Ariane
L’édition 2023 de la CAN s’achève dimanche 11 février 2024. La compétition a été marquée par des moments riches en émotion, aussi bien sur le plan sportif que culturel et politique. Tour d’horizon
Les supporters de l'équipe nationale de Côte d'Ivoire célèbrent la victoire face au Sénégal lors des huitièmes de finale de la Coupe d'Afrique des Nations. Lundi 29 Janvier 2024.
Dès le premier tour, des grandes nations de football se sont retrouvées le bec dans l'eau.Frank Simon, rédacteur en chef du site 2022mag.com et spécialiste du football africain
Rapidement baptisée “la CAN du siècle” sur les réseaux sociaux, cette édition a rassemblé des milliers de supporters venus en Côte d’Ivoire pour assister aux matchs. Un succès populaire qui n’a rien d'étonnant pour Frank Simon, rédacteur en chef du site 2022mag.com et spécialiste du football africain. “Les Ivoiriens sont des passionnés de football”, assure l’intéressé, qui salue “un tournoi extrêmement festif, un tournoi où on a eu plus de supporters et de spectateurs dans les stades que lors des éditions précédentes”. En dehors du stade, les supporters ont fait la fête dans les rues ou les fan zones d’Abidjan.
Preuve en est de cette ambiance hors catégorie : le challenge “Surveillez le cours du fleuve”. Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, l'humoriste originaire de la RDC Herman Amisi se moque de ses voisins de la République du Congo, qui n’ont pas pu se qualifier pour la phase finale de la compétition. "Pendant notre absence, les Brazzavillois, surveillez le cours du fleuve”, leur intime-t-il. “Puisque vous ne verrez rien, on vous demande de surveiller le fleuve", a appuyé Herman Amisi, faisant référence au fleuve Congo, éponyme des deux pays et qui délimite leurs frontières. Cette phrase est devenue virale sur les réseaux sociaux. Elle a même inspiré des challenges sur TikTok, Facebook ou encore X (ex-Twitter).
Au-delà de l’ambiance (très festive, donc), cette CAN est celle qui a enregistré “le plus de buts comparé aux éditions précédentes”, souligne encore Frank Simon. “Il y a eu peu de matchs sans but. Ça aussi, c'est un plus pour les supporters comme pour les gens qui regardent les matchs à la télé, on s'ennuie un peu moins quand il y a autant de buts !”
Les grandes équipes (...)sont tombées sur des équipes très bien préparées.Frank Simon, rédacteur en chef du site 2022mag.com et spécialiste du football africain
“On a eu le Sénégal aussi sorti en 8e de finale de la Coupe d'Afrique des Nations, ” rappelle Frank Simon. Les Lions de la Teranga, tenants du titre de champions d’Afrique, ont échoué aux portes des quarts de finale face au pays hôte au terme d’une session de tirs aux buts. “On attendait de toutes ces grandes équipes qu'elles aillent plus loin dans le tournoi. Et là, pour le coup, elles sont tombées sur des équipes très bien préparées.” Une vraie surprise.
En retour, des pays comme la Guinée équatoriale, le Cap-Vert ou encore la Mauritanie ont pu se qualifier ou sortir en tête de leur groupe à l’issue des phases de poule. “On assiste à un sacré bouleversement”, analyse Frank Simon. Le parcours des Ivoiriens durant la compétition, lui aussi, tient du miracle. Les Éléphants se sont qualifiés in extremis pour les huitièmes de finale à l'issue d'une phase de poules désastreuse.
La nation hôte abordait les matches à élimination directe avec un triste bilan : deux défaites pour une seule victoire et cinq buts encaissés contre deux marqués, et une raclée monumentale contre la Guinée équatoriale (4-0) lundi 22 janvier. Bilan de ce parcours chaotique : un changement de staff, marqué par la mise à l'écart du sélectionneur Jean-Louis Gasset, écarté et remplacé par Emerse Faé, ancien adjoint, promu numéro 1. Grâce à lui, la Côte d’Ivoire a forcé son destin, réussissant à se hisser jusqu'en finale.
Un geste symbolique de l'équipe de foot congolaise avant la demi-finale à Abidjan le 7 février 2024 a aussi marqué la compétition. Pendant que résonnait l'hymne national de la République Démocratique du Congo, en amont de la rencontre face à l’équipe nationale ivoirienne, les Léopards avaient une main sur la bouche, un ou deux doigts de l'autre main pointés sur la tempe. Un geste pour signifier "on nous tue et le silence règne".
Repris par les joueurs de l'équipe de football de la République démocratique du Congo lors de cette compétition, le geste s'est répandu jusque dans le gouvernement. Il a été mimé par le porte-parole, ministre de la Communication et des médias, Patrick Muyaya. Un geste, et des brassards noirs portés par les joueurs, en signe de solidarité avec les victimes des violences armées dans l'Est, en particulier dans la province du Nord-Kivu. La région est en proie à une rébellion soutenue, selon les autorités congolaises et un rapport de l'ONU couvrant une période allant de 2021 à 2022, par le Rwanda voisin.
Impossible de mentionner les temps forts de cette édition sans parler du phénomène du “Coup du marteau”. Véritable titre phare de la CAN, il est signé du jeune artiste ivoirien Tam Sir. Tout juste âgé de 25 ans, il est devenu en quelques jours l’auteur de l’hymne officieux de la CAN. Le clip a dépassé les 20 millions de vues sur YouTube en l’espace de 48 heures. Détrônant, au passage, la chanson officielle de la CAN, “Akfwaba”, du groupe Magic System.
Un titre et un succès à l’image de la Côte d’Ivoire. “Je n'avais absolument aucun doute sur la qualité d'hospitalité de la Côte d'Ivoire”, remarque Frank Simon. “C’est un pays de partage, d'échanges. Comme on dit en Côte d'Ivoire, 'on gagne ou on perd, de toutes les façons, on fait la fête'. La Côte d'Ivoire avait déjà gagné cette compétition par le passé. Là, elle a gagné la compétition de l'organisation et du partage”, commente encore Frank Simon.