CAN 2025 : au Ghana, l'état d'urgence est déclaré

Mal parti dans les éliminatoires de la CAN 2025, le Ghana joue déjà son avenir lors des troisième et quatrième journées lors du rendez-vous FIFA du mois d'octobre. Avant cette double confrontation face à la Sierra Leone, le pays s'inquiète pour ses Black Stars, en déclin depuis près d'une décennie.
Image
CAN 2025 : au Ghana, l'état d'urgence est déclaré (1)
PA Images / Icon Sport
Partager5 minutes de lecture
Et si, pour la première fois depuis 2004, le Ghana n'était pas présent à la prochaine Coupe d'Afrique des Nations ? A l'échelle du football continental, ce serait un coup de tonnerre. Dans le pays anglophone, l'état d'urgence est déjà déclaré alors que se disputent en octobre les troisième et quatrième journées des éliminatoires de l'édition 2025. Éliminées sèchement dès le premier tour des deux dernières CAN, les Black Stars ont débuté leur campagne de qualification par une défaite à domicile contre l'Angola (0-1). Sur leur pelouse (calamiteuse) de Kumasi, les hommes d'Otto Addo ont payé au prix fort une grossière erreur défensive. Puis, alors qu'ils comptaient se relancer face au Niger sur le terrain neutre de Berkane (Maroc), Mohammed Kudus et ses coéquipiers ont raté leur coup, le Mena national ayant réussi à recoller au score dans les ultimes minutes de la rencontre (1-1). C'est dire si les deux rencontres face au Soudan, les 11 et 14 octobre, revêtent des allures de quitte ou double. Et si la situation de l'équipe nationale a tourné à l'affaire d'État du côté d'Accra.

La question du stade d'accueil de la première manche de cette double confrontation contre les actuels deuxièmes du groupe cristallise les tensions. Seule enceinte homologuée du pays à date du mois de septembre, le Baba Yara Stadium de Kumasi s'est vu retirer son agrément par la Confédération africaine de football. Alors que la défaite face à l'Angola avait donné lieu à des débordements du public, mécontent de ce premier revers à domicile en plus de deux décennies, ce sont officiellement des « infractions techniques » qui ont poussé l'instance panafricaine à sévir. « L’équipe de la CAF a identifié plusieurs problèmes, notamment un terrain de jeu jugé impropre aux matchs compétitifs. La pelouse du stade s’était considérablement détériorée, avec des surfaces inégales, un mauvais drainage et une couverture gazonnée inadéquate », a indiqué la Confédération africaine de football dans un communiqué officiel.

Quel stade pour accueillir les Black Stars ?


Face à la perspective de voir son équipe contrainte de recevoir sur terrain neutre, l'administration ghanéenne s'est activée pour rénover les autres grands stades du pays, à savoir l'Accra Sports Stadium situé dans la capitale, Accra, et le Cape Coast Sports Stadium, dans la ville du même nom. Avant que ne soit validée l'une de ces hypothèses, les autorités se veulent rassurantes. « Cape Coast est prêt, Accra est prêt. Nous invitons les responsables de la CAF à inspecter les installations. En l’état actuel des choses, nous sommes prêts et je peux vous assurer que s’ils procèdent à leurs inspections, le match aura lieu au Ghana », a déclaré le président du conseil d’administration de l’Autorité nationale des sports (NSA), Seth Panwum, mercredi devant la Commission parlementaire spéciale des sports, de la culture et du tourisme.

Si cette incertitude sur le planning des deux rencontres du mois n'aide pas Otto Addo à préparer sereinement ce double rendez-vous capital, le sélectionneur paye aussi et surtout une longue dégringolade des résultats comme du travail de détection et de promotion des talents locaux. Rappelé sur le banc ce printemps, le technicien germano-ghanéen incarne à son corps défendant le flou qui règne en maître à la tête des quadruples vainqueurs de la CAN. Nommé une première fois pour succéder au Serbe Milovan Rajevac (son second passage, après celui plus faste de 2010), dans la foulée de l'échec cuisant de la CAN 2021 au Cameroun, cet ancien international avait décroché une encourageante qualification pour le Mondial 2022. Mais il ne souhaitait pas s'inscrire dans la durée au-delà de la phase finale au Qatar, achevé dès le premier tour. Celui qui faisait parallèlement partie du staff du Borussia Dortmund a accepté de reprendre les rênes des Black Stars après un nouvel échec en phase finale de CAN, imputé cette fois à Chris Hughton, chevronné manager de Premier League qui avait pris sa succession aux manettes. Et voilà aujourd'hui Otto Addo à son tour sur un siège éjectable !

Stephen Appiah tire la sonnette d'alarme


Cette instabilité devenue chronique témoigne d'une équipe nationale en perte de repères. Quart-finaliste de la Coupe du monde 2010 malgré l'absence sur blessure de sa star Michael Essien, le Ghana brillait alors par sa force collective. Les Asamoah Gyan, Sulley Muntari et autre Stephen Appiah avaient tous éclos au football dans les meilleurs centres de formation du pays, qui collectionnait les succès dans les catégories de jeunes, de la Coupe du monde des moins de 17 ans en 1995 à celle des moins de 20 ans en 2009. Cette période faste est terminée (les Black Meteors n'ont plus participé aux Jeux Olympiques depuis 2004), et le pays n'a pas su entretenir cette excellence. Les individualités continuent d'émerger mais sont moins nombreuses à parvenir et à durer au plus haut niveau européen. Depuis l'édition 2015, qui le vit s'incliner aux tirs au but en finale contre la Côte d'Ivoire, le Ghana ne cesse de décevoir.

Invité à s'exprimer devant la commission parlementaire des Sports, Stephen Appiah a livré un diagnostic sans complaisance. « Je ne vois pas de leadership dans l’équipe actuelle des Black Stars. Maintenant, je ne vois plus de capitaine diriger l’équipe. Quand cela se produit comme ça, les joueurs penseront qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. En tant que leader, vous devez diriger. Il y a certaines décisions qui ne plaisent pas aux joueurs mais il faut les prendre. Maintenant, je ne vois pas ça dans l’équipe », a lâché l'ancien joueur de la Juventus, avant de pointer un manque de cohésion coupable. « Les joueurs qui viennent en équipe nationale doivent être engagés. Je ne vois pas cela. Ils doivent être engagés parce que sur une population de 30 millions d’habitants, vous faites partie d’un groupe restreint de 23. C’est un honneur. Vous représentez le Ghana et vous devez faire en sorte que cela en vaille la peine. Depuis cinq ans, on a du mal, on ne voit pas ce nécessaire engagement. On peut être un bon capitaine, ça ne veut pas dire qu’on peut gagner des matchs. Quand on a le même objectif avec ses coéquipiers, c’est là qu’on gagne. » Les Black Stars millésime 2024 ont deux matchs pour montrer qu'ils ont retenu la leçon.