Comment le Nigeria a replongé dans la crise

Vice-champion d'Afrique, le Nigeria est passé en quelques semaines de l'espoir, suscité par un collectif retrouvé et une finale de CAN, à la sinistrose, revenue suite aux mauvais résultats des éliminatoires de la Coupe du monde 2026 ce mois-ci. Autopsie d'une dégringolade.
Image
Comment le Nigeria a replongé dans la crise (1)
BackpagePix / Icon Sport
Partager 5 minutes de lecture
Le 11 février dernier, le Nigeria disputait la finale de la CAN 2023. Battus à Ebimpé par la Côte d'Ivoire, les coéquipiers de Victor Osimhen devaient laisser le trophée continental à leurs adversaires ivoiriens, mais tout n'était pas perdu. Au contraire, une équipe s'était trouvée le temps d'une compétition. L'avenir s'annonçait souriant pour ce grand d'Afrique. Un peu plus de quatre mois plus tard, les mines sont grimaçantes au pays des Super Eagles. Avec un seul point pris sur six possibles lors des deux journées des éliminatoires de la Coupe du monde 2026, le Nigeria, accroché chez lui par l'Afrique du Sud (1-1) puis battu à... Abidjan par le Bénin (2-1) est à la traîne dans son groupe de qualification. Avec trois petits points en quatre matchs, la perspective de décrocher une des neuf (ou dix) places réservées aux pays africains pour ce premier Mondial à 48 équipes s'est déjà singulièrement compliquée. Mais il n'y a pas de hasard si la réussite de la dernière CAN s'est muée aussi rapidement en flop.

La première étape de cette dégringolade s'est jouée en coulisses. Alors qu'il était en fin de contrat le 29 février, le sélectionneur José Peseiro n'a pas été reconduit à son poste ainsi que les joueurs le souhaitaient. « Je pense que mes coéquipiers sont contents de lui. Atteindre la finale est quelque chose d'important et aussi quelque chose sur lequel nous pouvons bâtir », déclarait dans la foulée de la CAN le défenseur et capitaine William Troost-Ekong. Mais le technicien portugais avait compris qu'il ne faisait pas partie des plans envisagés par la Fédération nigériane de football (NFF) pour l'avenir de son équipe nationale et en avait tiré lui-même les conséquences. Peu après la fin février, des annonces pour le recrutement d'un nouveau coach apparurent sur la plateforme FutbolJobs, qui partage des offres de football, mais aussi le plus généraliste Linkedin.

Finidi George, le fusible a sauté


Si le technicien recherché devait avoir une « mentalité de gagnant », l'exigence n'allait rien avoir de prémonitoire. Après quelques rumeurs sans suite sur l'arrivée d'un étranger sur le banc, ce fut Finidi George qui obtint officiellement le poste le 29 avril. L'ex-ailier de l'Ajax Amsterdam avait passé passé 20 mois en tant qu’adjoint de José Peseiro jusqu’au départ volontaire du Portugais. Ancien membre de la « génération dorée » du Nigeria se voyait alors confier la mission de qualifier les Super Eagles pour la Coupe du monde 2026 à commencer par les matchs contre l’Afrique du Sud à Uyo et le Bénin à Abidjan. On connaît la suite : avec un pauvre match nul, qui s'ajoute à ceux déjà obtenus sous l'égide de Peseiro durant l'automne dernier, et une défaite contre les Guépards du Bénin, qui plus est sur terrain neutre, George et ses joueurs sont loin du compte.

Certes, le Nigeria était alors amputé de ses cadres défensifs Zaidu Sanusi, Ola Aina et Williams Troost-Ekong, mais c'est une autre défection qui allait faire jaser et transformer la crise de résultats en psychodrame. Absent de ce rassemblement du mois de juin, Victor Osimhen a beaucoup manqué à son équipe. Certains propos prêtés à Finidi George, selon lesquels la blessure de l'attaquant du Napoli serait diplomatique, vont mettre le feu aux poudres. « Je ne vais pas forcer Victor Osimhen à jouer pour l’équipe nationale, il choisit ses matchs », aurait lancé le sélectionneur à la presse nigériane. « J’ai perdu tout le respect que j’avais pour cet homme. Parce que je lui ai parlé de ma blessure, je l’ai appelé et lui ai demandé de me permettre de venir au camp et d’être avec les garçons, indépendamment de ma blessure, il a refusé en me disant que je devrais plutôt rester avec ma famille », rétorque sur Instagram le joueur africain de l'année 2023.

La CAN 2023, une parenthèse enchantée ?


Le fusible Finidi George ne va pas résister à cette secousse. Les décideurs nigérians choisissent de le faire sauter. Alors qu'il lui était demandé d’être à nouveau entraîneur adjoint d’un technicien expatrié qui sera prochainement nommé, l'éphémère sélectionneur quitte son poste à son tour. Le banc du Nigeria va donc changer d'occupant pour la deuxième fois en un semestre. Après avoir démenti les informations qui lui prêtaient l'intention de sanctionner Osimhen, la Fédération nigériane de football va devoir se concentrer sur le choix de son futur sélectionneur. Présidée depuis septembre 2022 par Ibrahim Musa Gusau, l'instance suscite une défiance croissante du public, qui lui reproche notamment son manque de transparence dans les recrutements des sélectionneurs.

Alors, la CAN en Côte d'Ivoire ne fut-elle qu'une parenthèse enchantée pour le Nigeria ? On peut le penser. Depuis 2021, le Nigeria n’a plus remporté le moindre match de qualification pour la Coupe du monde. Ironie du sort : dans leur groupe de qualification, les Super Eagles sont pour l'heure dominés par l'Afrique du Sud, qu'ils écartèrent pourtant en demi-finale de la CAN, et le Bénin, dirigée par Gernot Rohr, le dernier coach à avoir eu du temps pour travailler à la tête du Nigeria, avec plus de cinq années de règne et 57 matchs dirigés. Le futur sélectionneur a-t-il des motifs d'espoir ? Ceux-ci sont d'ordre mathématique. 18 points restent à prendre pour rétablir la hiérarchie dans ce groupe C et ne pas manquer une deuxième phase finale consécutive. Pareille mésaventure n'est jamais arrivée aux Super Eagles depuis 1994, date de leur première participation. Et que cela advienne l'année où l'Afrique reçoit pour la première fois neuf tickets qualificatifs entérinerait le déclin durable du Nigeria dans la hiérarchie africaine.