Coupes d'Afrique : le carton plein des clubs marocains
Les clubs marocains ont réussi cette année le carton plein en Coupes d'Afrique. Après la RS Berkane, victorieuse de la Coupe de la Confédération, le WAC Casablanca a remporté cette semaine la Ligue des Champions. Une éclatante réussite qui est tout sauf une heureuse coïncidence. Explorons les différentes dimensions de ce succès continental.
Le bilan annuel des Coupes africaines ne laisse aucune place à l'ambigüité : le cru 2022 est 100% marocain. Après la Renaissance sportive de Berkane, victorieuse de la Coupe de la Confédération, le Wydad Casablanca a remporté lundi la Ligue des Champions, en battant le double tenant du trophée, les Egyptiens d'Al-Ahly (2-0), sur la pelouse du complexe Mohammed V, devant un public très majoritairement acquis à sa cause. Acquis grâce au doublé du talentueux Zouheir El Moutaraji, ce troisième sacre du WAC en C1 permet aux Rouges de rejoindre leur rival local du Raja au palmarès de l'épreuve, en même temps qu'il confirme l'actuelle supériorité continentale des clubs marocains. Quels sont les ressorts de cette réussite éclatante ? Voici quelques éléments de réponse.
Des techniciens à l'expertise tout terrain
La RS Berkane est entraîné par le Congolais Florent Ibenge, riche de son expérience à la tête de l'AS Vita Club et des Léopards de RDC,quand le Wydad Casablanca a confié les rênes au Franco-Marocain et ancien Lion de l'Atlas Walid Regragui, qui a fait ses armes au FUS de Rabat, puis à Al-Duhail (Qatar), avant de conduire le Wydad avec succès. Parfois tenté de faire appel à des techniciens européens, les deux clubs ont misé sur une expertise locale, voire mondiale, Ibenge comme Regragui ayant exercé en Asie et mené leur carrière de joueur en Europe. « Walid Regragui a bien mené sa barque, mais il n'est pas arrivé au Maroc du jour au lendemain, souligne Jamel Aït Ben Idir, milieu de terrain du WAC entre 2015 et 2019. Quand René Girard a débarqué ici en 2018, je lui ai dit qu'il y avait d'abord un contexte à comprendre, celui du joueur marocain. Si vous vous contentez de plaquer ici un modèle français, cela ne peut pas fonctionner. Et ça n'a pas fonctionné pour René Girard. Walid Regragui, lui, connaissait le contexte marocain. Il a vite compris ce qu'il fallait mettre en place. »
Interrogé par RFI, l'intéressé ne dit pas autre chose. « Je me suis adapté à ce que j’avais, car dans un club comme le Wydad, le résultat importe plus que la manière, et ceci tous les week-ends, raconte l'ancien joueur de Grenoble. Ce qui n’est pas simple pour un entraîneur. En plus, nous avons eu des pépins au club cette saison, on a eu beaucoup de joueurs blessés, on a été interdit de recrutement par la FIFA et on a perdu des joueurs importants car on a eu des soucis financiers. Donc je suis parti sur autre chose pour mettre en place une identité de jeu : la notion de groupe, la notion de bloc équipe et de « grinta », de se battre sur tous les ballons et les joueurs l’ont accepté, accepté de ne pas avoir le ballon. Et quand on a l’adhésion de tous les joueurs, c’est beaucoup mieux que n’importe quel choix tactique. Ça aide un entraîneur et à l’arrivée, en Europe on a eu l’exemple du Real Madrid, quand il y a un bon groupe, que tout le monde croit au projet, on est capable de renverser des montagnes et on est champions. »
Formation et professionnalisation
Cela paraît presque simple, mais cette réussite ne serait pas possible sans des joueurs de qualité et des condition de travail épanouissantes. « C'est à l'image du championnat, qui est vraiment professionnel et bien organisé. Cela porte ses fruits », estime Issoufou Dayo, le défenseur international burkinabé de la RS Berkane, club présidé par Fouzi Lekjaa, qui est à la tête de la Fédération marocaine de football depuis 2014. Sous sa houlette, les clubs de Botola (la première division marocaine) se sont structurés sur le plan administratif et ont été soumis à un contrôle de gestion, avec en contrepartie l'octroi de subventions annuelles, de primes de performance et d'aides pour leurs déplacements en Coupes d'Afrique. Cet effort de professionnalisation est également passé par l'amélioration des infrastructures, avec la construction de nouveaux stades (couplée à l'abandon des terrains synthétiques), et de la détection des jeunes talents.
L'Académie Mohammed VI, ouverte en 2009, a donné plusieurs internationaux au pays, à commencer par Youssef En-Nesyri (FC Séville) et Nayef Aguerd (Rennes). Un maillage serré a été instauré afin de valoriser le réservoir local. « L'accent a été mis sur la formation des cadres, techniciens. Le talent a toujours été là, mais il y a maintenant de meilleurs formateurs et de meilleures structures, explique Jamel Aït Ben Idir. Un gros effort est fait sur la détection des joueurs. Le modèle français a été calqué, avec des centres régionaux, des tournois interrégionaux et pour les meilleurs éléments un passage au niveau national. » Tout n'est pas encore parfait, bien sûr, entre l'instabilité chronique des staffs techniques et les choix de carrière parfois douteux des joueurs et de leurs conseillers, enclins à céder trop vite aux sirènes du Golfe persique, mais le football marocain, de ses clubs à son équipe nationale, qualifiée pour son deuxième Mondial consécutif et lauréate des deux derniers CHAN, respire ces temps-ci la bonne santé.