Fil d'Ariane
Comment conjuguer sa carrière sportive et celle de maman ? A l'heure du coup d'envoi de l’Euro 2025 féminin en Suisse, qui se déroulera jusqu’au 27 juillet prochain, un constat : les grossesses deviennent de plus en plus fréquentes chez les joueuses malgré une protection sociale encore incomplète dans certains pays.
La Lyonnaise Amel Majri ici avec sa coéquipière Melchie Dumornay, lors de la Ligue des champions féminine au stade Arsenal, à Londres, le samedi 19 avril 2025.
"J'ai de la chance car ma famille m'accompagne partout. Elle sera en Suisse et cela me donne de la tranquillité et de la force, je suis heureuse", confie Irene Paredes, capitaine de l'Espagne. Son fils était déjà présent à ses côtés lors de la Coupe du monde en 2023 en Nouvelle-Zélande et en Australie.
Sur le stade de Clairefontaine, où s'entraînent les Bleues, deux petites filles regardent leurs mamans : la milieu française Amel Majri et la gardienne Constance Picaud.
Au cours de l'Euro en Suisse, les deux joueuses pourront voir leurs filles quand elles le souhaitent en dehors des temps collectifs obligatoires comme les repas, les réunions et les entraînements.
Pour les joueuses françaises, toute la partie "logistique" est prise en charge par la FFF : transports, hébergements, frais de restauration pour l'enfant et pour l'accompagnant, explique une source proche de la fédération.
En revanche le salaire de l'accompagnant n'est pas couvert.
A travers le monde, un certain nombre de fédérations donnent l'exemple, et ont mis en place des conditions qui facilitent la conciliation entre vie professionnelle et maternité.
Nous essayons d'être aussi flexibles que possible afin de répondre aux besoins des mères avec enfants, ce qui peut inclure un soutien dans la logistique du voyage de la famille, l'hébergement pendant le tournoi, ainsi que la garde des enfants. Fédération islandaise (KSI)
En Suède et en Islande, le soutien financier inclut la rémunération d'une nounou ou d'une baby-sitter. "Nous essayons d'être aussi flexibles que possible afin de répondre aux besoins des mères avec enfants, ce qui peut inclure un soutien dans la logistique du voyage de la famille, l'hébergement pendant le tournoi, ainsi que la garde des enfants", a assuré la fédération islandaise (KSI) à l'AFP.
Autre exemple : le Danemark, qui couvre également les frais de l'enfant et de l'accompagnateur de la mère. D'ailleurs, la fille de la footballeuse Rikke Marie Madsen, Frida, et son compagnon Martin seront "dans le camp de base" de l'équipe nationale en marge des matchs de l'Euro en Suisse, précise la fédération danoise.
L'Allemagne, championne d'Europe à huit reprises en 13 éditions, prend également en charge "les frais d'hôtel, de repas et de déplacement des enfants et de leur accompagnateur".
De son côté, l'Angleterre championne d'Europe en titre ne compte aucune mère dans son effectif.
En mai 2024, la Fifa a approuvé un renforcement des mesures de protection de la maternité dans le football, encourageant les pays à faciliter l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Seules 2% des joueuses déclaraient avoir un enfant en 2017, date de la dernière étude du syndicat mondial des joueurs (Fifpro) sur le sujet, parmi les 3.500 joueuses des principaux championnats interrogées. 47% d’entre elles ont déclaré qu’elles abandonneraient leur carrière plus tôt pour fonder une famille, citant le manque de dispositions de prise en charge comme l’une des raisons importantes expliquant ce départ à la retraite.
Seules 8% d'entre elles avaient reçu une allocation de maternité de leur club ou de leur fédération.
En tant que joueuses, nous avons besoin de ce type de dispositions et de protections afin que personne n’ait à choisir entre fonder une famille et poursuivre sa carrière de footballeuse, comme certaines ont dû le faire par le passé. Gabriela Carton, footballeuse argentine
Depuis 2021, la Fifa a instauré un nouveau cadre réglementaire avec "une période minimale de 14 semaines de congés payés, dont au moins huit doivent être prises après la naissance de l'enfant", assortie d'une obligation de rémunérer la joueuse "aux deux tiers" de son salaire, a minima.
Gabriela Garton, gardienne argentine et membre du Conseil Mondial des Joueurs de la FIFPRO s'était réjouie de ces nouvelles mesures : "En tant que joueuses, nous avons besoin de ce type de dispositions et de protections afin que personne n’ait à choisir entre fonder une famille et poursuivre sa carrière de footballeuse, comme certaines ont dû le faire par le passé".
"Les joueuses ont fait pression pour obtenir ces améliorations, et c’est une bonne chose de constater que la FIFA a écouté leur voix", réagissait de son côté Jonas Baer-Hoffmann, secrétaire général de la FIFPRO.
En janvier 2023, l'Islandaise Sara Bjork Gunnarsdottir avait révélé qu'elle avait subi une baisse de salaire pendant sa grossesse, quand elle jouait pour l'OL. Ce qui n'avait pas vraiment facilité son retour à la compétition.
Je veux m'assurer que personne ne subira plus jamais ce que j'ai subi. Sara Bjork Gunnarsdottir, footballeuse islandaise
Depuis, elle a remporté son procès contre le club français devant le tribunal du football de la Fifa. La joueuse a pu récupérer la partie non payée de son salaire. Une affaire que la footballeuse avait souhaité médiatiser.
"Je veux m'assurer que personne ne subira plus jamais ce que j'ai subi", a-t-elle posté sur son Instagram.
Elle est la première joueuse à obtenir gain de cause devant la chambre de résolution des litiges de la Fifa pour salaire non versé pendant la grossesse, obtenant ainsi plus de 82 000 euros. L'OL a finalement payé ce qu'elle lui devait, la FIFA ayant menacé d'interdire le club d'enregistrer de nouveaux joueurs si la somme n'était pas versée sous 45 jours.
En 2024, elle a participé à la création du guide de retour à la compétition post-partum de la Fifpro.
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Les fédérations ont tout à gagner en faisant avancer les choses pour améliorer les conditions de vie et de compétition des joueuses, maman ou non.
Amanda Gutiérrez, présidente du syndicat espagnol des footballeurs FutPro en est convaincue : "Les tournois, c'est une plus grande vitrine, qui donne une grande visibilité. C'est un bon moyen de montrer si nous avons progressé par rapport à d'autres pays".
Encourager les fédérations membres à permettre aux mères et aux pères d'emmener leurs enfants aux camps d'entraînement est une mesure très importante. Sarai Bareman, responsable du football féminin à la Fifa
Une ligne partagée par Sarai Bareman. "Lors d'une Coupe du monde (ou d'un tournoi continental), les joueurs et joueuses sont éloignés de leur famille pendant cinq ou six semaines. Cela peut causer de graves dommages psychologiques à ces joueuses et à leurs enfants. Encourager les fédérations membres à permettre aux mères et aux pères d'emmener leurs enfants aux camps d'entraînement est une mesure très importante", estime la responsable du football féminin à la Fifa.
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