Football : Luis Rubiales, un dirigeant habitué des polémiques

Luis Rubiales, le président de la fédération royale de football espagnole (RFEF) est au coeur d'une polémique au retentissement international. Devant les caméras du monde entier, il a embrassé sur la bouche la joueuse Jennifer Hermoso, sans son consentement, à l'issue de finale de Coupe du monde féminine de football. De nombreux acteurs et actrices du football espagnol appellent à sa démission. Il refuse de quitter son poste. Mais le président de la RFEF n'en est pas à sa première polémique.

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Le président de la fédération espagnole de football, Luis Rubiales, à gauche, se tient à côté de l'entraîneur-chef espagnol Jorge Vilda après leur victoire en Coupe du monde au palais de La Moncloa à Madrid, Espagne, le mardi 22 août 2023.

Le président de la fédération espagnole de football, Luis Rubiales, à gauche, se tient à côté de l'entraîneur-chef espagnol Jorge Vilda après leur victoire en Coupe du monde au palais de La Moncloa à Madrid, Espagne, le mardi 22 août 2023.

(AP Photo/Manu Fernandez)
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Après le refus de démissionner du président de la fédération royale espagnole de football (RFEF), Luis Rubiales, ce ne sont pas moins de 11 membres (hommes et femmes) du staff technique de la sélection féminine qui ont pris la décision de démissionner de leurs fonctions. Des démissions en soutien à la joueuse Jennifer Hermos. Ces acteurs du football ne voulaient pas assister à la conférence de presse de Luis Rubiales organisée par la Fédération, le vendredi 24 août. lls auraient été forcés d’assister selon leur communiqué. 

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La Fifa, elle, a annoncé une suspension de 90 jours, et la justice espagnole pourrait décider de prolonger cette période dès lundi 28 août.

Avant de devenir le patron de la fédération de football en 2018, Luis Rubiales a d’abord eu une carrière de footballeur professionnel dès 1997. Luis Rubiales évolue surtout dans des clubs modestes comme Lleida. C’est à Levante qu’il passe le plus gros de sa carrière au poste de latéral droit et prend sa retraite en 2009.

L’année suivante, il devient président de l’un des plus gros syndicats de footballeurs, l’AFE, qu’il présidera pendant 8 ans. En mai 2018, il prend la tête de la Fédération royale espagnole de football (Real Federación Española de Fútbol ou RFEF).

Harcèlement  présumé au syndicat AFE

Au moment où toutes les joueuses décident de se retirer de la sélection en attendant des mesures contre lui, une ancienne employée du syndicat AFE, Tamara Ramos témoigne lors d’une interview accordée à la chaine Telecinco. Elle y fait part de propos humiliants que l’ancien président lui aurait tenus ; propos et comportements qu'elle avait déjà dénoncés en 2017.

Celle qui dit ne pas être surprise de ce baiser non consenti, a révélé de nombreuses humiliations de la part de Luis Rubiales, dont elle dit avoir souffert. 

“Tu es venue ici pour te mettre à genou”, ou encore “De quelle couleur sont tes sous-vêtements aujourd’hui”, c’est le type de propos que Tamara Ramos attribue à son ancien président. Lors de son interview, elle a appelé à plus de femmes aux postes de pouvoir dans le milieu sportif : “J'aimerais lancer un appel aux institutions du football pour qu'il y ait beaucoup plus de femmes aux postes de direction".

Selon RMC Sport, la RFEF a répondu à ces accusations dans un communiqué ce mercredi 23 août. La fédération "regrette et dénonce les accusations extrêmement graves et fausses de Tamara Ramos". De plus, une action juridique “a été engagée, car il est entendu que des propos d'une telle ampleur et si diffamatoires qu'ils ne visent qu'à nuire à l'image de Luis Rubiales en profitant de l'actualité médiatique, ne sauraient être tolérés". Selon la Fédération, l’ancienne employée a maintenu le contact avec Luis Rubiales pendant des années et lui a même demandé “un poste au sein de la Fédération”, ce qui rendrait “irrecevables” ses accusations, pour la RFEF.

Utilisation présumée de l'argent fédéral à des fins privées

En 2022, c’est l’oncle de Luis Rubiales, Juan, ancien chef de cabinet de la Fédération, qui accuse son propre neveu, devant le parquet anti-corruption espagnol, d’avoir utilisé l’argent de la RFEF à des fins personnelles, à savoir l’organisation d’orgies. 

Le quotidien espagnol El Mundo avait révélé les déclarations de l'oncle Juan. Selon l'oncle son neveu a organisé “une fête dans un chalet privé à Salobreña en 2020”, au motif d’un séjour de travail. “Un groupe d’une dizaine de jeunes filles” aurait été invité lors de ce séjour payé “avec la carte d’entreprise” de la RFEF. La fédération ainsi que son président Luis Rubiales ont rejeté en bloc ces accusations toujours selon El Mundo.

Toujours selon El Mundo, Juan Rubiales, ancien salarié de la fédération et limogé en juillet 2022, a également accusé son neveu de lui avoir demandé de se servir dans la caisse de la RFEF pour “apporter de l’argent à son père”. 

Toujours selon les déclarations de Juan Rubiales, le président de la RFEF aurait utilisé les services d’un détective privé, rémunéré par la fédération, pour effectuer une enquête privée sur David Aganzo, président du syndicat AFE, que Rubiales a présidé dans le passé. Là aussi, la fédération a nié toute utilisation de son budget à ce genre d’activités.

Mais ce ne sont pas les seules affaires pour lesquelles la justice espagnole a Luis Rubiales dans son viseur. 

Interférences pour la Supercoupe d'Espagne

L'une de ses principales réformes a été le très lucratif changement de format de la Supercoupe d'Espagne, désormais transformée en tournoi quadrangulaire se déroulant en Arabie Saoudite, mais qui a été éclaboussée par une polémique autour de paiements présumés à Kosmos, une entreprise de l'ancien joueur du FC Barcelone Gerard Piqué.

En avril 2022, des enregistrements audios fuitent dans la presse espagnole (El Confidencial). On y entend la voix du président de la Fédération, Luis Rubiales en grande discussion avec l'ancien joueur Gerard Piqué discuter d'une commission. Gérard Piqué possède une société, Kosmos, dans la gestion des droits sportifs et la promotion d'évenement sportifs. L'Arabie saoudite veut accueillir et organiser la Supercoupe d'Espagne. L'Arabie saoudite doit verser 240 millions d'euros sur huit ans à la Fédération royale espagnole de football. Une partie de cet argent, soit 24 millions sur huit ans, a été versé à la société de Gerard Piqué. Le média espagnol El Confidencial parle d’un bénéfice de 24 millions d’euros aux dépens de la RFEF, en commission “dissimulée” pour la société de Kosmos.

"Piqué a eu un rôle décisif dans les négociations pour que la Supercoupe d'Espagne soit organisée en Arabie Saoudite, et a profité tout au long de ce processus d'un traitement de faveur de la part de Rubiales, pour des raisons encore à déterminer. Un porte-parole de Piqué a nié le fait qu'il ait pu bénéficier d'un quelconque traitement de faveur", écrit El Confidencial.  Contacté par l'AFP, Kosmos n'a pas réagi.

Une "procédure préliminaire pour le délit présumé d'administration déloyale et de corruption dans les affaires", a été ouverte suite à la plainte de l'Association Transparency de Miguel Galan, le 30 mai 2022, après cette polémique provoquée par la diffusion de ces audios.

Mais d'autres accusations datent même de son passage au syndicat de joueurs, AEF. Alors qu’il venait de prendre poste à la RFEF, en 2018, une plainte avait également été déposée après que plusieurs médias espagnols aient accusé Luis Rubiales "d'avoir tenté de faire financer des travaux dans sa maison par le syndicat des joueurs qu'il présidait".

C’est la radio espagnole Cadena SER qui avait révélé l’information. Une enquête préliminaire avait été ouverte par un tribunal de Valence, après une plainte déposée par Miguel Angel Galan, ancien candidat à la direction de la RFEF.

Rubiales, endetté par des travaux à son domicile, aurait payé une partie de sa dette personnelle avec l’argent du syndicat qu’il présidait alors. 

L’AFE avait nié avoir "financé de travaux personnels de M. Luis Rubiales", dans un communiqué.

Après Rubiales, le sélectionneur Jorge Vilda dans la tourmente ? 

Pendant la finale de la Coupe du monde féminine de football, le sélectionneur Jorge Vilda a été filmé en train de toucher la poitrine d'une employée du staff technique. De nombreux internautes ont posté la vidéo de ce moment sur les réseaux sociaux, dans laquelle on voit Jorge Vilda la main sur le sein d'une membre de son staff. Ce geste aurait eu lieu après le but espagnol face à l'Angleterre lors de la finale.

Jorge Vilda est arrivé à la tête de la sélection féminine espagnole en 2015. En septembre dernier, quinze joueuses internationales avaient reconcé à porter le maillot de la Roja tant qu'il reste le sélectionneur. Dans un courrier envoyé individuellement à la Fédération, elles demandaient des changements radicaux, notamment concernant ses méthodes, jugées trop brusques et un comportement "dictatorial" vis-à-vis du groupe. Douze joueuses ont refusé de rejoindre la sélection. Elle ont manqué la dernière Coupe du monde victorieuse pour l'Espagne. La Fédération avant la Coupe du monde a toujours soutenu l'entraineur.

La presse espagnole révèle qu'au retour d'Australie, Jorge Vilda serait allé voir les proches de Jenni Hermoso pour lui demander de participer à la vidéo d'excuses du président de la fédération. 
Après la démission de 11 employés de son staff, Jorge Vidal a expliqué regretter les actes de Luis Rubiales, sans pour autant démisssionner.