Ses cinq médailles sont faites d'or et d'argent. Quentin Fillon Maillet est d'une confiance granitique et d'une volonté de fer. Deux atouts qui l'ont porté vers une consécration tardive, à rebours des diamants bruts Martin Fourcade et Johannes Boe, brillants dès leurs débuts.
Le premier Français cinq fois médaillé dans les mêmes Jeux depuis près d'un siècle a dû attendre ses 29 ans pour monter sur la première marche d'un podium d'une grande compétition. C'était le 8 février après son sacre dans l'individuel devant les tribunes clairsemées de Zhangjiakou.
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Certains athlètes, comme Martin Fourcade, ont été très précoces et dès le début ont fait des choses extraordinaires. Moi, j'éclos peut-être un peu plus tard que certains", reconnaît-il, dans un entretien à l'AFP. "
En tout cas, je pense qu'il y en a beaucoup qui envient mon palmarès et mon statut d'aujourd'hui."
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Son "
statut", son envie répétée d'"
écrire l'histoire": quand la plupart diraient prendre les courses les unes après les autres, lui ne cache pas ses ambitions. "
Il ne faut pas que ça passe pour de la prétention mais bien entendu que j'y ai pensé (au Grand Chelem)", lâchait-t-il à la veille du relais.
La clef du succès de Quentin Fillon Maillet se niche dans cette soif affichée, ses "
pourquoi pas six sur six ?" ou "
quitte à casser les records, autant les faire monter".
Un désir de plus, déstabilisant parce que livré sans retenue. Pas que le Jurassien plastronne. "
QFM" arbore seulement la confiance et la pointe de fierté de ceux arrivés par la force de l'effort jusqu'où les autres ne l'attendaient pas.
(Re)lire : JO Pékin 2022 : Quentin Fillon Maillet entre dans la légende du sport français"Pas le meilleur en juniors"
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Quentin, ce n'était pas forcément le meilleur en juniors", rappelle Simon Desthieux, un des quatre médaillés d'argent du relais hommes. "
Ce n'était pas celui qui dominait tout. Il montre qu'à force de persuasion, d'objectifs, d'ambition, il ne faut pas se poser de limites."
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C'est aussi beaucoup dans la tête, reconnaissait l'intéressé après son titre en poursuite. Je ne lâche rien jusqu'au bout." Cette hargne aiguë lui a valu dès ses débuts, plutôt anonymes, en Coupe du monde en 2013, le surnom de "
Morbac".
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Une fois qu'il était dans les skis d'un très bon à cette période-là, il ne lâchait pas, décrypte Simon Desthieux. C'est pour ça qu'on l'appelait comme ça."
Si son profil de teigne s'est dessiné très tôt, les résultats ont été plus longs à venir. L'homme de Saint-Laurent-en-Grandvaux (Jura) ne comptait que six succès en Coupe du monde avant cette saison et n'avait connu la consécration dans une grande compétition que sur le plan collectif (deux titres mondiaux en relais en 2020 et en relais mixte en 2016).
Quitte à casser les records, autant les faire monter
Quentin Fillon Maillet
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Quentin, c'est l'un des rares athlètes qui pousse son potentiel au maximum", juge Martin Fourcade auprès de l'AFP. "
Il n'a pas les qualités de Johannes Boe, mais on voit aujourd'hui que grâce au travail, il a la faculté de tout maîtriser."
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QFM" raconte avoir longuement évoqué les performances de Fourcade et de Johannes Boe avec son entraîneur de toujours Nicolas Chouard il y a environ cinq ans en les regardant dominer le circuit.
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C'étaient les meilleurs du monde. Ils étaient trente secondes devant tous les autres, se souvient-il. Derrière, ça s'échelonnait et moi je faisais partie des quinze ou vingt meilleurs skieurs de la planète."
Ce fossé l'intriguait, est-ce qu'il serait capable un jour de "
les concurrencer, ou prendre leur place" ? "
En tout cas, j'ai toujours espéré atteindre ce niveau", assure-t-il.
(Re)lire : JO Pékin 2022 : Marco Odermatt l'avènement d'un skieur funambule"Prêt à travailler jour et nuit"
Et le Jurassien était prêt à un labeur acharné pour y parvenir. "
Si pour un moment comme celui-ci, lâche-t-il en attrapant sa médaille d'or, il faut travailler jour et nuit pendant un an, je travaillerai jour et nuit pendant un an."
Ce n'est pas tout à fait un hasard si Fillon Maillet brille dans les conditions éprouvantes de Zhangjiakou: sa neige lente qui oblige à plus, son froid polaire qui anesthésie, ses 1.700 mètres d'altitude et enfin ses rafales de vent qui donnent des sensations de manque d'oxygène. Un environnement où la force mentale est déterminante.
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Comme le dit souvent Vincent Vittoz (entraîneur des biathlètes français)
, ce sont ceux qui le veulent le plus qui réussissent, témoigne Emilien Jacquelin. Et Quentin, tous les jours, est celui qui en veut le plus."
Porte-drapeau français à la cérémonie de clôture
Ses exploits permettront au biathlète, double champion olympique (individuel et poursuite) et quintuple médaillé, sera le porte-drapeau de la France à la cérémonie de clôture des JO-2022 dimanche soir à Pékin.