Fil d'Ariane
Illustration. Les JO d'hiver 2022 sont placés sous haute surveillance numérique.
Il y a quatorze ans, la Chine profitait des Jeux Olympiques (JO) d'été de Pékin pour afficher aux yeux du monde sa puissance économique et technologique. Aujourd'hui, elle accueille à nouveau les JO, mais ceux d'hiver 2022, du 4 au 20 février. L'heure n'est plus à la séduction pour le gouvernement de Xi Jinping. Pékin n'hésite pas à user de son arsenal de surveillance généralisé, au grand dam de la communauté internationale. Comment la Chine verrouille-t-elle l'un des événements les plus suivis au monde ?
C’est un stress permanent parce que tous les jours on reçoit des mails, tous les jours on nous dit de ne pas oublier de faire ceci, de faire cela.
Romande Miradoli, skieuse alpine française présente aux JO d'hiver de 2022.
La peur d'être testé positif au dernier moment génère de grandes inquiétudes, selon la skieuse alpine française Romande Miradoli. "C’est un stress permanent parce que tous les jours on reçoit des mails, tous les jours on nous dit de ne pas oublier de faire ceci, de faire cela", explique-t-elle.
Quatorze jours avant leur arrivée à Pékin, tous les athlètes doivent installer obligatoirement l’application MY2022 sur leur téléphone portable afin d'y renseigner leurs données médicales. L’application offre également la possibilité d’écrire, d’envoyer des vocaux ou des fichiers à d’autres personnes. Une fonctionnalité jugée douteuse par plusieurs experts de la cyber sécurité.
La Chine espionnerait les athlètes à travers l’application MY2022. C’est ce qu'affirme Citizen Lab, un organisme de surveillance de la cyber sécurité de l’université de Toronto, au Canada, dans son rapport publié le 18 janvier.
Il révèle que l’application contient des "failles", des faiblesses dans son système informatique. Ces dernières permettent, d'une part, de pirater facilement les données des utilisateurs et, d'autre part, de récupérer facilement des fichiers audios partagés entre utilisateurs. L'organisme affirme aussi avoir découvert un fichier permettant de recenser dans l'application une liste de 2 442 mots-clés. Ils sont considérés comme politiquement sensibles en Chine. S’ils sont bien recensés, ils ne sont pas censurés pour le moment, indique le rapport de Citizen Lab.
Le comité d'organisation chinois dément auprès de l'AFP ces accusations. Selon lui, il n’est fondé "sur aucune preuve" et les failles sont "déjà corrigées." De leur côté, plusieurs comités olympiques occidentaux conseillent à leurs sportifs d'utiliser d’autres smartphones, d'autres ordinateurs ou des boîtes courriel différentes pour se protéger.
Une autre accusation vise le pouvoir chinois : elle pointe du doigt la création de fichiers liées aux informations fournies lors de la demande de visa des délégations.
Dans une tribune publiée par le magazine d’information The Diplomat, l’auteur américain Nicholas Eftimiades, affirme que ces données permettent aux autorités de classer les athlètes en deux catégories "Premièrement, ceux qui ont épousé des opinions publiques que le Parti communiste chinois (PCC) juge menaçantes (…). Et deuxièmement, ceux qui ont fait des déclarations publiques de soutien à la Chine, ceux que le PCC appellerait "les amis de la Chine."" Les premiers risquent donc une surveillance plus poussée à leur arrivée.
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Les autorités ont aussi promis que tous ceux qui résident dans le village olympique auront accès un Internet "à l'occidentale." Ils ne seront pas soumis aux restrictions imposées aux communs des Chinois, qui ne peuvent pas consulter Facebook, Twitter ou une partie des médias internationaux.
Mais pour ce faire, les athlètes doivent passer par des services de VPN (réseaux virtuels). Or, les entreprises fournissant ce service, comme iFlytek, sont des sociétés détenues par l'État. De quoi semer un peu plus le doute sur les agissements du gouvernement de Xi Jinping.
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Le message est clair. Le gouvernement n’acceptera pas le moindre écart, en témoigne le sort réservé dernièrement à la joueuse de tennis Peng Shuai. Elle avait disparu après avoir accusé un cadre du régime d'agression sexuelle. Selon Yaqiu Wang, une chercheuse pour Human Rights Watch, "ce qui est arrivé à Peng Shuai est un bon indicateur de ce que les sportifs risquent s'ils prennent la parole."
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