Ligue des Champions : le match de l'année du football européen gâché, à qui la faute ?

115 personnes ont été interpellées et 39 placées en garde à vue samedi soir à Paris lors de la soirée de finale de Ligue des champions, émaillée d'incidents autour de l'accès au Stade de France, a indiqué le ministère de l'Intérieur.
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stade de france C1
(AP Photo/Manu Fernandez)
Le Stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions, 28 mai 2022.
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La polémique montait dimanche autour des responsabilités de chacun dans les couacs organisationnels de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, avec des conséquences redoutées en terme d'image à deux ans des Jeux olympiques de Paris.

Coup d'envoi retardé

La prestigieuse finale européenne, accueillie à Paris et remportée samedi par le Real Madrid contre Liverpool (1-0), a été marquée par des scènes de chaos autour du Stade de France. Elles n'ont cependant pas fait de blessé sérieux, selon le bilan des autorités.

C'est une décision rare, sinon inédite, dans l'histoire de la prestigieuse Ligue des champions: le coup d'envoi du match le plus important de l'année, suivi à travers le monde, a été retardé de 36 minutes.

Dans la plus grande confusion, les joueurs du Real Madrid et de Liverpool ont dû regagner les vestiaires alors que le coup d'envoi était prévu à 21h00, tandis que spectateurs et journalistes s'interrogeaient sur les raisons de ce retard.

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Bilan d'une soirée agitée

Cent cinq personnes ont été interpellées et 39 placées en garde à vue samedi soir à Paris lors de la soirée de finale de Ligue des champions, émaillée d'incidents autour de l'accès au Stade de France, selon un nouveau bilan du ministère de l'Intérieur.

Selon le parquet de Paris, une vingtaine de personnes ont été placées en garde à vue, essentiellement pour des violences et des vols sur la voie publique à proximité des "fan zones". L'une des personnes interpellées est entendue pour avoir tenté de vendre des faux billets pour le match. 

Le dispositif sécuritaire – 6.800 policiers, gendarmes et pompiers et de très nombreux agents de sécurité privé - devait servir de test pour la Coupe du monde de rugby, organisée par la France en 2023 et pour les JO de Paris, l'année suivante. 

Car Paris n'avait pas vu autant de supporters de football depuis l'Euro-2016, dont 20.000 "fans" des Reds détenteurs d'un billet pour la finale, le même contingent que celui attribué à Madrid.

La brigade des sapeurs pompiers de Paris a de son côté évoqué "une soirée plutôt calme" en termes de prises en charge. 

En tout 238 personnes ont été prises en charge par les différents services de secours à un moment de la journée, pour des "urgences relatives", allant de l'état d'ébriété ou de petits accidents, y compris des intoxications au gaz lacrymogène, a indiqué à l'AFP un porte-parole des pompiers de Paris. 

Que s'est-il passé ?

A moins d'une demi-heure du début du match, l'ambiance s'est tendue quand au moins un millier de supporters ont été ralentis avant de pouvoir entrer, contenus par les gendarmes. Enervés, ils criaient "open the gate ("ouvrez le portail"), alors que les supporters ne pouvaient passer qu'un à un.

Des supporters présents et des journalistes de l'AFP ont constaté avant le match la présence de bandes de jeunes et de fans de footballs locaux non identifiés tentant de s'introduire dans l'enceinte sans billet.

"Exerçant une pression forte pour pénétrer dans l’enceinte, ces supporters ont retardé l’accès des spectateurs munis de billets. Profitant de cette action, un certain nombre de personnes est parvenu à franchir les grilles protégeant l’enceinte du stade", a ajouté la Préfecture de Police. 

C'est le plus grand match dans le football européen et les supporters ne devraient pas avoir à vivre le genre de scène dont nous avons été témoins ce (samedi) soir

Communiqué du club de Liverpool

La police est intervenue, dispersant la foule et au passage les supporters, dont des familles, au gaz lacrymogène. 

"L’intervention rapide des forces de l'ordre a permis le retour au calme et l'évacuation des perturbateurs hors du parvis du stade de France", a-t-elle complété.

Agents de sécurité et gendarmes se lançaient à leur poursuite, pour les faire aussitôt ressortir. "C'est très mal organisé", lâchait anonymement un agent de sécurité.

Ce jeu du chat et de la souris s'est poursuivi, même une fois le match commencé. Et peu avant 22H00, les forces de l'ordre ont dû charger, provoquant un mouvement de foule.

De quoi mettre en colère des supporters de Liverpool, restés dehors, bien que munis de billets.

L'explication de l'UEFA

Il a fallu attendre quelques minutes avant le coup de sifflet final pour comprendre les raisons de ce chaos, via un communiqué de l'UEFA.

"A l'approche du coup d'envoi du match, les tourniquets (pour entrer au Stade de France) du côté des tribunes réservées à Liverpool ont été bloqués par des milliers de spectateurs qui ont acheté des faux billets qui ne fonctionnaient pas", a expliqué l'instance européenne.

"Cela a créé une accumulation de spectateurs qui essayaient de rentrer dans le stade et en conséquence, il a fallu retarder de 35 minutes le coup d'envoi pour permettre à un maximum de spectateurs munis de billets valables d'entrer dans le stade", poursuit le communiqué.

"Comme le nombre de personnes en dehors du stade continuait à augmenter après le coup d'envoi, la police a dû faire usage de gaz lacrymogène pour les disperser", a expliqué l'UEFA qui a précisé qu'elle procéderait "urgemment" à un audit de ce qui s'est passé avec la police et les autorités françaises, ainsi qu'avec la Fédération française de football (FFF).

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Mais que fait la police

Par précaution, la Préfecture de police avait déployé 6.800 policiers, gendarmes et pompiers. 

Prévue à Saint-Pétersbourg qui sera finalement exclu, la finale a été rapatriée à Paris qui a dû gérer l'afflux notamment de 60.000 supporters de Liverpool, alors qu'un contingent de 20.000 billets a été dévolu aux supporters des "Reds", comme à ceux du Real.

Une source policière a précisé à l'AFP que les autorités françaises avaient dès le départ alerté sur la difficulté de gérer plusieurs milliers de supporters sans billet.

"Il y a eu des bousculades, des mouvements de foule, nous avons apporté des réponses en terme de sécurité (...) Nous avons renforcé la sécurité à l’intérieur du stade", souligne cette source.

Un autre source policière a estimé pour sa part que c’était "un peu facile" de critiquer la police, alors que celle-ci a pointé du doigt dès le début la difficulté que pouvait représenter de canaliser autant de supporteurs sans billet.

La préfecture de police de Paris a confirmé dans un communiqué qu'avant la rencontre "de nombreux supporters sans billets pour le match ou détenteurs de faux billets ont perturbé l’accès au stade de France, au niveau du périmètre de sécurité extérieur".

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Le tweet accusateur de Darmanin

Dès la fin du match, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a pointé du doigt samedi soir l'attitude de "milliers de +supporters britanniques sans billet ou avec des faux billets qui ont forcé les entrées" du Stade de France.

Dans un tweet, accompagné d'une photo de lui et de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, au PC de sécurité du Stade de France, le ministre de l'Intérieur fait valoir que "des milliers de +supporters+ britanniques, sans billet ou avec des faux billets ont forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers".

"Merci aux très nombreuses forces de l’ordre mobilisées ce soir dans ce contexte difficile", a ajouté M. Darmanin alors que débute une polémique sur les conditions dans lesquelles la France a géré cette finale, remportée par le Real Madrid, deux ans avant l'organisation des Jeux olympiques de Paris.

Liverpool demande une enquête

En leur faisant porter la responsabilité des échauffourées, le ministre de l'Intérieur Gerald Darmanin s'est attiré l'ire des supporters et des autorités anglaises. 

"Nous sommes extrêmement déçus des problèmes d'accès et des violations du périmètre de sécurité qu'ont subis les supporters de Liverpool", a expliqué le club anglais dans un communiqué.

"C'est le plus grand match dans le football européen et les supporters ne devraient pas avoir à vivre le genre de scène dont nous avons été témoins ce (samedi) soir. Nous avons officiellement demandé une enquête pour déterminer les causes de ces problèmes inacceptables", a-t-il regretté.

Entre les charges policières avant et après le match et ces accusations jugées infondées, les supporters de Liverpool, qui ne sont plus jugés problématiques depuis trente ans, ont été ulcérés par l'accueil parisien. 

Des supporters anglais "exemplaires"

La police britannique de Merseyside-Liverpool présente au stade a évoqué sur Twitter des "circonstances choquantes" et défendu le comportement "exemplaire" des supporters des Reds pendant la rencontre, "la pire" à laquelle elle dit avoir jamais eu à faire en terme d'organisation.

Aux abords du stade de France, ou dans la fan zone de l'est parisien où ils étaient des dizaines de milliers à suivre la retransmission, les supporters britanniques n'ont pas posé de problème sécuritaire, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Et dans cette zone, pourtant à haut risque, la gestion des flux s'est déroulée sans incident, l'ambiance restant tout le long festive et bon enfant. Après la défaite et malgré 12 heures de liesse, parfois très alcoolisés, la marée de supporters en rouge a quitté les lieux, certes dépitée, mais sans incident. 

Marqués au fer rouge par le drame du Heysel en Belgique - 39 morts en 1985 - les supporters de Liverpool n'ont aujourd'hui plus une réputation de hooligans vraiment problématiques.  

Évacuation des fans zone sans incident selon la préfecture

Concernant l'attitude des supporters, la préfecture de police de Paris a relevé dans un tweet samedi soir que l'évacuation des deux "fan zones" distinctes - pour les supporters du Real Madrid à Saint-Denis et pour ceux de Liverpool dans l'est de Paris - s'était déroulée "sans incidents majeurs", évoquant pour ces rassemblements une "bonne physionomie" générale de la soirée.

Un périmètre sécurisé avec écrans géants, boisson et animations avait été organisé par la préfecture sur le Cours de Vincennes pour accueillir les quelques 40.000 supporters anglais des "Reds" non munis de billet. 

Malgré la défaite, l'évacuation de ce périmètre à haut risque s'est déroulé sans incident, a constaté une journaliste de l'AFP. Les lendemains de cette finale pas comme les autres seront tristes à Liverpool, mais peut-être aussi tendus entre Londres et Paris.

Une "humiliation mondiale"

"Une humiliation mondiale pour la France, dont l'image ne cesse de se ternir!", a réagi dans un tweet, le président par intérim du Rassemblement national, Jordan Bardella (extrême droite), en parlant de "hordes sauvages qui pourrissent systématiquement le moindre événement". 

"Il faut rappeler le contexte. Cette finale aurait dû se tenir en Russie" et la France l'a organisée "en à peine trois mois", a plaidé sur RMC la député LAREM-Renaissance, Aurore Bergé.

Mais "il n'y a pas eu de difficultés dans les fan zones", a t-elle assuré, appelant à "regarder à froid ce qui s'est passé", pour ne pas tirer de conclusions erronées sur les faiblesses organisationnelles potentielles des autorités françaises avant les grandes échéances sportives à venir.