Fil d'Ariane
Vendredi 1er avril, les huit groupes du premier tour de la Coupe du monde de la FIFA 2022 ont été constitués par tirage au sort. Parmi les 32 équipes qualifiées, il y a cinq nations africaines : le Sénégal, le Maroc, la Tunisie, le Cameroun et le Ghana.
Dispersées dans cinq groupes différents, les équipes du continent africain devront faire face à des configurations inégales pour espérer obtenir une place en huitièmes de finale du Mondial, prévu du 21 novembre au 18 décembre 2022 au Qatar. Pour Patrick Juillard, journaliste chez Fooball 365 et spécialiste du football en Afrique estime que s'attendre à voir une équipe africaine se hisser en demi-finale, ce serait trop « optimiste et osé ». « Si on a déjà un quart de finaliste, ça serait déjà un beau résultat pour l’Afrique. »
Même si les dés sont jetés, un facteur pourrait venir rebattre les cartes de ce Mondial 2022. Entre le 21 mars et le 27 septembre 2022 doivent se tenir les matchs de qualification pour la Coupe d’Afrique des Nations de 2023. « Ça peut enclencher des dynamiques chez certaines équipes », suppose-t-il. « On peut avoir des licenciements de sélectionneurs pour mauvais résultats entre temps », poursuit le journaliste. À sept mois du coup d’envoi de la Coupe du Monde, les cartes peuvent encore être rebattues.
Groupe A : Qatar, Equateur, Sénégal, Pays-Bas.
« Le Sénégal est logé dans la poule du pays organisateur, donc ça veut dire qu’il y aura une attention plus forte. C’est un paramètre qu’il faudra gérer. Mais globalement, le Qatar reste de loin la plus faible des huit têtes de série, sur le papier en tout cas. Les Pays-Bas sont une équipe très spectaculaire, qui a une grosse puissance de feu offensive. C’est une équipe qui a des cycles très marqués et qui est sur une pente ascendante. Donc méfiance.
Ce groupe me paraît tout à fait à la portée des hommes d’Aliou Cissé. Patrick Juillard, journaliste spécialiste du football en Afrique
L’Équateur est une équipe du chapeau 4, donc ce n’est pas la plus forte, mais pas la plus faible non plus. Mais le Sénégal aurait pu tomber sur un deuxième pays européen, comme la Serbie ou le vainqueur du barrage continental. Ce tirage reste donc relativement accessible : le Sénégal peut regarder l’Équateur dans les yeux en termes de talents et de qualités. Il peut largement rivaliser avec cette équipe qui n’a pas de repères récents en Coupe du monde.
Le Sénégal est quand même sur une dynamique très porteuse : vainqueur de la CAN, qualifié en battant son rival de la finale une deuxième fois et puis l’inauguration du stade du Sénégal - Abdoulaye Wade près de Dakar. Il y a quelque chose qui porte en ce moment le football au Sénégal. Donc pourquoi pas poursuivre cette belle dynamique à la Coupe du monde. Ce groupe me paraît tout à fait à la portée des hommes d’Aliou Cissé.
Groupe D : France, Danemark, Tunisie et Pérou ou Australie ou Emirats arabes unis.
La Tunisie, équipe qui était déjà présente en 2018, était déjà tombée sur une poule avec deux pays européens : l’Angleterre et la Belgique, donc c’était quand même une poule relevée. Là, la France et le Danemark, c’est aussi relevé. La France est championne du monde sortante, numéro 2 du classement FIFA et le Danemark, demi-finaliste de l’Euro, c’est du très costaud pour la Tunisie. Elle doit se baser sur ses qualités défensives pour peut-être faire douter l’équipe qu’elle va rencontrer.
La Tunisie n’a pas un immense réservoir offensif, il faut qu’elle ait tous ses joueurs sous la main. Patrick Juillard, journaliste spécialiste du football en Afrique
Il ne faudra pas rater le premier match car il est déterminant. On se rappelle qu’à la Coupe du monde 2018, la Tunisie avait tenu longtemps l’Angleterre en échec avant de céder, donc ça avait un petit peu plombé son premier tour. Il faudra espérer que la Tunisie ait tous ses joueurs offensifs valides. La Tunisie n’a pas un immense réservoir offensif, il lui faut tous ses joueurs sous la main.
Il y a aussi le paramètre du match contre la France. C’est toujours particulier pour une équipe africaine de jouer la France, en particulier en Coupe du monde. Ça n’a pas toujours réussi à la France. En 2002, elle avait été battue par le Sénégal. En 2006, elle a été mise en difficulté par le Togo et elle a été battue par l’Afrique du Sud en 2010.
Ce premier tour sera difficile pour la Tunisie, car la France et le Danemark sont au-dessus et si c’est le Pérou qui sort vainqueur du barrage, ce sera un troisième adversaire très coriace. Elle a tout de même des atouts à faire valoir.
Groupe F : Belgique, Canada, Maroc, Croatie.
Il se retrouve dans un groupe assez dense. La Belgique est une équipe qui a de grosses ambitions. Elle a un peu loupé le coche lors du dernier Euro et elle a été frustrée par la France à la dernière Coupe du monde. C’est une libération dorée pour les Belges, dont c’est peut être une des dernières chances de faire un grand résultat. C’est un match qui va être très fort en enjeux pour le Maroc et la Belgique. En plus, il y a de nombreux joueurs binationaux, en particulier dans l’équipe marocaine. Donc ça ajoute un piment supplémentaire.
La Croatie est une équipe qu’on a toujours un peu de mal à situer avant les phases finales. On a l’impression qu’elle tourne toujours autour des mêmes joueurs stars un peu vieillissants. Lukas Modrić par exemple a largement dépassé la trentaine. Il arrive souvent à donner le meilleur une fois le tournoi lancé.
Il y a une autre incertitude quant à l’avenir du sélectionneur du Maroc.Patrick Juillard, journaliste spécialiste du football en Afrique
Il faut également se méfier du Canada. L’équipe n’est pas référencée, n’a pas joué la Coupe du monde depuis 1986, mais elle a terminé première de la zone Concacaf en jouant un très bon football. Donc attention à ne pas se dire que ce sera facile. Ce serait être très présomptueux.
Il y a une autre incertitude quant à l’avenir du sélectionneur du Maroc. Vahid Halilhodžić est protégé par ses résultats, malgré une sortie par l’Egypte à la CAN. Il est très impopulaire. Il s’est privé d’Hakim Ziyech, ce qui était un choix risqué. Il se met certains joueurs à dos. Il y a une zone d’incertitudes en plus dans la préparation de l’événement, ce n’est pas forcément évident à gérer.
Groupe G : Brésil, Serbie, Suisse, Cameroun.
C’est aussi un groupe assez dense pour les Camerounais parce que le Brésil, on ne le présente plus. C’est un éternel favori de la Coupe du monde. L’équipe n’est peut-être pas forcément aussi brillante que le Brésil idéal qu’on a en tête, mais reste respectable. Il passe toujours le premier tour, donc une place est quasiment déjà prise. Il ne faut pas se tromper sur le reste. On a vu pendant l’Euro que la Suisse avait franchi un pallier, notamment mental, lors des phases finales.
La Serbie est une équipe dure à manier. Le Cameroun devra être à son meilleur niveau. Il pourra compter sur son efficacité. Autant de nombreuses équipes africaines peuvent avoir de la difficulté à concrétiser ou à bonifier les temps forts, autant le Cameroun y parvient. La préparation va beaucoup compter. Les deux dernières Coupes du monde que le Cameroun a disputées étaient en 2010 et 2014, ça avait été absolument catastrophique.
Plus de chances pour l’Afrique en 2026 ?
En 2014, le Cameroun avait déjà joué contre le Brésil et avait été balayé par les Brésiliens. Il faudra être humble, bien préparer l’événement et peut-être que l’esprit compétiteur des Camerounais, leur permettra de faire de bons résultats. Mais à priori, ils ne partent pas avec les faveurs du pronostic.
Groupe H : Portugal, Ghana, Uruguay, Corée du Sud.
C’est un groupe intéressant parce que le Ghana va jouer contre l’Uruguay. C’est peut-être le match le plus attendu et incroyable du premier tour pour les équipes africaines. Rappelons-nous : le 2 juillet 2010 à Johannesburg, la main de Suarez qui sort le ballon du but et qui prive le Ghana d’un but de qualification, qui leur offre un penalty, raté par Asamoah Gyan. Ce fut un traumatisme terrible pour le Ghana tout entier. Cette revanche, avec certains des acteurs qui sont encore présents dans les deux équipes douze ans après, c’est quelque chose de fantastique. Il faut espérer que le Ghana aura fait le nécessaire avant ce match.
Est-ce que ce sera le Ghana complètement dans le flou qu’on a vu à la CAN, ou est-ce que ce sera un Ghana remis sur pied par le sélectionneur ?Patrick Juillard, journaliste spécialiste du football en Afrique
Le Portugal, c’est une grosse équipe. La star Cristiano Ronaldo veut terminer sa carrière en Coupe du monde sur une belle note. Il sera donc redoutable dès le premier tour. Il y a une jeune génération qui commence à prendre ses marques dans cette équipe donc qui ne manque pas de ressources.
Il n’y a pas besoin de les motiver pour jouer l’Uruguay, ils le sont déjà.Patrick Juillard, journaliste spécialiste du football en Afrique
La Corée du Sud est peut-être l’équipe asiatique la plus régulière en Coupe du monde. Elle ne passe pas toujours le premier tour. Je n’ai pas vraiment d’indications, mais le Ghana ne doit pas avoir peur de la Corée du Sud. Après, est-ce que ce sera le Ghana complètement dans le flou qu’on a vu à la CAN, ou est-ce que ce sera un Ghana remis sur pied par le sélectionneur ? Si Otto Addo arrive à créer un bon mix entre jeunes talents et anciens joueurs, il y a de l’espoir. En tout cas, il n’y a pas besoin de les motiver pour jouer l’Uruguay, ils le sont déjà. »