Salima Rhadia Mukansanga, pionnière de l'arbitrage féminin africain

La Rwandaise Salima Rhadia Mukansanga est devenue la première femme à arbitrer une rencontre de phase finale de Coupe d'Afrique. Derrière cette avancée historique, la ténacité d'une passionnée de sport venue à l'arbitrage par hasard. Découverte.
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Salima Rhadia Mukansanga est entrée dans l'histoire du football africain le mardi 18 janvier dernier à l'occasion du match entre le Zimbabwe et la Guinée (2-1), à Yaoundé. Ce jour-là, sur la pelouse du stade Ahmadou-Ahidjo, cette Rwandaise de 33 ans est devenue la première femme à arbitrer une rencontre de phase finale de Coupe d'Afrique des Nations masculine. Un match sans histoires pour Mme Mukasanga, mais un match pour l'histoire aux yeux d'Eddy Maillet, directeur des arbitres de la Confédération africaine de football. « Nous sommes extrêmement fiers de Salima car elle a travaillé dur pour être là où elle est aujourd’hui, a déclaré le Seychellois. Nous savons qu’elle a dû surmonter de sérieux obstacles pour atteindre ce niveau et elle mérite qu’on lui accorde du crédit. »

La portée de cette grande première n'a pas davantage échappé aux compatriotes de Salima Rhadia Mukansanga. Présente à la CAN, la journaliste Clarisse Uwimana en témoigne. « Tout le monde au Rwanda est très heureux et fier d'elle, raconte notre consœur. Après son premier match, je me souviens avoir fait une interview avec elle et quand j'ai posté la vidéo, le nombre de réactions a été considérable, jusqu'à l'une des filles du président Paul Kagamé ! Certains Rwandais la connaissaient déjà mais cette CAN l'a fait basculer dans une nouvelle dimension aux yeux de l'opinion publique. » La trajectoire de Salima Rhadia Mukansanga fut tout sauf un long fleuve tranquille. D'abord attirée par le basket, la future « femme en noir » se heurte au manque d'infrastructures. Désireuse de rester dans l'univers du sport, elle se découvre sa vocation au lycée, un jour qu'il manquait un arbitre pour un match de football entre élèves.

Une patiente ascension

Des matchs de deuxième division masculine rwandaise et diverses rencontres féminines lui permettent ensuite de lancer sa carrière. En 2012, elle est promue par la CAF et commence à participer à des rencontres de compétitions continentales, comme arbitre assistante. Deux ans plus tard, une nouvelle étape est franchie : elle est désignée pour la première fois comme arbitre centrale lors d’un match international, un Zambie-Tanzanie comptant pour les éliminatoires du Championnat d’Afrique féminin 2014. La progression de la jeune arbitre continue, et elle devient arbitre centrale lors du Mondial féminin organisé en France, en 2019, puis aux Jeux Olympiques de Tokyo, l'année suivante. Jusqu'à l'aboutissement que l'on connaît, le mois dernier à la CAN.

Pas réapparue ensuite lors du tournoi, Salima Rhadia Mukansanga n'en joue pas moins un rôle important pour le sport féminin, dans toute Afrique comme dans son pays natal. « Ce moment n’est pas seulement pour Salima mais pour chaque jeune fille en Afrique qui a la passion du football et qui se voit comme arbitre dans le futur », estime Eddy Maillet. Un avis partagé par Clarisse Uwimana. « Salima Rhadia Mukansanga peut devenir un modèle pour les jeunes femmes. Parce que tout le monde pense encore que le sport, et en particulier le football, est un jeu d'hommes uniquement, alors quand vous cassez ces barrières comme elle l'a fait, tout le monde commence à réfléchir à deux fois et cela conforte d'autres femmes dans leurs ambitions. » Des ambitions qui ne seront pas de trop pour combler le fossé qui sépare le sport féminin du sport masculin sur le continent en général, et au Rwanda en particulier. « Pour le football féminin rwandais, la situation s'est dégradée, déplore Clarisse Uwimana. Nous avions une équipe nationale et nous n'en avons plus, nous avions un championnat compétitif et c'est aujourd'hui niveau zéro. » Un arbre ne peut pas cacher toute la forêt...