Fil d'Ariane
Violoniste, autrice et chroniqueuse à la radio et à la télévision, Marina Chiche, est née un 10 novembre, en 1981, à Marseille. Trois ans plus tard naît une histoire d'amour qui n'a fait que se renforcer au fil des ans pour devenir fusionnelle, celle de Marina Chiche et de son violon. Ensemble, ils sillonnent la planète. Elle ne se sépare plus de son instrument patiné, qu'elle transporte dans un étui rose décoré par ses soins d'un motif à la Miró.
Marina Chiche remporte de nombreuses distinctions et enseigne la musique. En soliste, elle se produit avec de nombreux orchestres dans les salles les plus prestigieuses à Paris, Berlin ou Tokyo mais aussi en récital, invitée des grands festivals internationaux.
Il ne devrait plus y avoir un seul panel 100 % masculin. C'est une question d'éthique, un engagement au quotidien.
Marina Chiche
Mais pour la jeune quadragénaire, "Les gens ont besoin de partage, et ça passe par l'Art. La musique classique est une réponse", disait-elle au micro de France Inter. Si la jeune feme a à coeur de promouvoir l'égalité et la diversité dans la musique classique, elle veut aussi mettre à la portée de tous un art qui souffre encore d'une image rébarbative et élitiste. Alors elle porte la musique classique à la radio, à la télévision, et même dans les stades de football, comme ce 17 octobre 2021 au Stade Vélodrome : elle y joue We are the champions lors du match FC Lorient contre l'olympique de Marseille en Ligue 1 de football.
En 2021, Marina Chiche publie Musiciennes de légende, un livre qui remet en lumière de grandes artistes oubliées du XIXe et XXe siècles. Elle rappelle cette phrase de l'historien Patrick Boucheron, qui trouve chez elle une résonance particulière : "L'histoire, c'est l'art de se souvenir de quoi les hommes et les femmes ont été capables. J'adore cette phrase, dit-elle, car ce sont les hommes... et les femmes," reprend-elle dans un éclat de rire.
Difficile, pourant, d'exhumer des archives sur ces grands talents de la musique tombées aux oubliettes de l'histoire : "J'ai dû travailler de façon très empirique, souvient-elle. Moi qui était formée pour procéder de manière académique et universitaire, j'avais envie de faire des choses de façon très ordonnée et systématique. Or il m'a fallu créer l'ordre dans le chaos, partir en quête d'indices au fin fond de Youtube, écouter les conversations, poser des questions tous azimuts et mener l'enquête. Je suis ainsi parti sur des pistes qui, parfois, ne menaient nulle part, et d'autre fois menaient à des merveilles."
Tristement, Ginette Neveu a été invisibilisée jusque dans sa mort, occulté par celle de Marcel Serdan dans le même accident d'avion.
Marina Chiche
Parmi toutes ces femmes de musique qu'elle a voulu remettre en lumière, elle se dit incapable d'en choisir l'une ou l'autre : "C'est comme si j'avais découvert toute une troupe d'amies. Des collègues féminines avec qui dialoguer à travers le temps."
"La grande figure de la musique féminine qui m'a lancée sur la voie des musiciennes de légende est Ginette Neveu, explique Marina Chiche de sa voix douce aux accents graves et rieurs. Si l'on connaît son nom, c'est parce qu'elle a tragiquement disparu dans un accident d'avion, celui du Constellation, à bord duquel voyageait également Marcel Cerdan, champion de boxe et amant d'Edith Piaf, qu'il allait rejoindre. Après l'accident, on a énormément parlé de Marcel Cerdan, dont la disparition a occulté celle de notre plus grande violoniste française, qui n'avait que trente ans et partait faire une immense tournée aux Etats-Unis. Tristement, Ginette Neveu a été invisibilisée jusque dans sa mort." Marina Chiche tient beaucoup à la faire vivre dans les coeurs et les mémoires : "Elle est notre 'role model', la figure qui nous porte et nous donne envie de marcher sur ses traces."
Quand elle s'intéresse à cette grande figure du violon français qu'était Ginette Neveu, Marina Chiche se rend compte qu'il y a une foule d'interprètes femmes avant elles, et après, dont l'histoire n'est pas inscrite dans la postérité. L'histoire de Ginette Neveu est la partie immergée de l'iceberg.
Nous avons l'impression que la question de l'égalité ne se pose plus au présent, alors que les chiffres de l'association française des orchestres montrent tout le contraire.
Marina Chiche
Un iceberg qui tarde à fondre, explique la violoniste : "C'est très impressionnant, car nous avons l'impression que la question ne se pose plus au présent, alors que les chiffres de l'association française des orchestres montrent tout le contraire : les femmes sont sous-représentées, que ce soit les compositrices dans les programmations, les cheffes d'orchestre – 5 % seulement – et même les femmes interprètes, instrumentistes et solistes, ne sont que 30 % dans les orchestres. Et pourtant, souligne la violoniste, les filles représentent 50 % des élèves dans les conservatoires où, dans certaines classes, elles sont plus nombreuses que les garçons."
@FemmesdeCulture Marina Chiche violoniste et femme de culture 2022 rend hommage à la musicienne Ginette Neveu, disparue en même temps que Marcel Cerdan dans l’accident du Constellation mais qui se souvient d’elle ? pic.twitter.com/UCWiQVnqrB
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) October 17, 2022
En France, pense Marina Chiche, la prise de conscience de l'inégalité doit être une priorité : "Dans les milieux de la culture, beaucoup n'ont même pas conscience que la question de la représentativité, l'égalité, la mixité et la diversité se pose au présent." Pour la violoniste, c'est une décision politique : "Il ne devrait plus y avoir un seul panel 100 % masculin. C'est une question d'éthique, un engagement au quotidien."
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