Fil d'Ariane
Le droit à l'avortement a été l'un des sujets au coeur de la bataille électorale de la présidentielle américaine. Qu'en est-il depuis l'élection de Donald Trump ? Les associations qui fournissent des soins de santé aux femmes s'inquiètent de voir leurs financements gelés par la nouvelle administration.
Manifestation pour le droit à l'avortement devant la Cour suprême à Washington, le 2 avril 2025.
Après les paroles, les actes. L'administration Trump a bel et bien lancé un vaste plan de réduction de budget - à hauteur de plusieurs dizaines de millions - de Planned Parenthood, l'organisation américaine de planning familial. Une décision qui pourrait, selon elle, causer des "ravages" pour les patientes bénéficiant de ses services, contraception, tests de grossesse ou dépistages du cancer.
Début avril, neuf antennes de Planned Parenthood ont reçu des notifications, les informant que leur financement était "temporairement suspendu", cela concerne notamment le programme fédéral "Title X", en vigueur depuis 55 ans. La perte de ces ressources risque d'engendrer de lourdes conséquences pour la santé des femmes : "des cancers non détectés, un accès largement réduit à la contraception et une aggravation de la crise des MST", alerte dans un communiqué la présidente de l'organisation, Alexis McGill Johnson.
L'une des filiales touchées, Planned Parenthood of Great Northwest (Hawaï, Alaska, Indiana et Kentucky), gère 33 centres de santé dans six États. Sa directrice, Rebecca Gibron, a déclaré dans une interview que "les patientes souffriront" si le financement n'est pas rétabli, précise un article publié dans POLITICO. "Réduire le financement des organisations affiliées à Planned Parenthood (Titre X) ne fera qu'augmenter les coûts de santé", prévient-elle.
Cela ressemble à ce que nous observons depuis l'investiture de Trump : un milliardaire dirige le gouvernement fédéral et prend des décisions qui impactent la vie des gens. Rebecca Gibron, Planned Parenthood Great Northwest
D'autres prestataires du programme fédéral de planification familiale ont reçu des notifications semblables. Essential Access Health, qui distribue les fonds Title X aux cliniques de Californie, a déclaré à POLITICO que sa subvention avait tout simplement été suspendue.
"L'objectif est de créer le chaos, la confusion et l'anxiété, ajoute Rebecca Gibron. Cela ressemble à ce que nous observons depuis l'investiture de Trump : un milliardaire dirige le gouvernement fédéral et prend des décisions qui impactent la vie des gens."
L'actuel vice-président américain, JD Vance, avait annoncé au cours de la campagne présidentielle que Donald Trump, s'il était élu, cesserait de financer le planning familial, estimant que "les contribuables ne devraient pas payer pour les avortements tardifs". Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump, ouvertement opposé à l'avortement, s'est attelé à tailler dans les dépenses publiques, avec l'aide de la commission pour l'efficacité gouvernementale dirigée par Elon Musk.
Cette administration met une fois de plus la vie des femmes en danger et prive celles dont les moyens sont plus limités d'un accès à la santé reproductive de base. Patty Murray, sénatrice de l'Etat de Washington
"Le président Trump et Elon Musk imposent un agenda politique dangereux, privant les gens partout dans le pays d'un accès aux soins, sans se soucier un instant des ravages qu'ils vont causer", fustige Alexis McGill Johnson. "Cette administration met une fois de plus la vie des femmes en danger et prive celles dont les moyens sont plus limités d'un accès à la santé reproductive de base", regrette de son côté la sénatrice de l'Etat de Washington Patty Murray.
Trump et l'avortement : constance et inconstance
Sur la question du droit à l'avortement, épineuse aux Etats-Unis, Donald Trump affiche des positions changeantes et ambiguës ces vingt-cinq dernières années, se disant d'abord favorable "au choix", avant de devenir l'un des présidents américains les plus conservateurs de l'histoire en la matière."Je suis fortement pour le choix", déclare-t-il en 1999, se disant opposé à l'interdiction de l'avortement, mais en confessant qu'il "déteste le concept d'avortement et tout ce qu'il représente".
Cependant, lors de sa campagne présidentielle de 2016, il courtise les voix des chrétiens évangéliques, en grande partie opposés à l'IVG, en appelant à "une certaine forme de punition" pour les femmes voulant avorter.
Depuis l'annulation, en 2022, de la garantie fédérale du droit à avorter par la Cour suprême américaine, dont Donald Trump fut l'architecte, chaque Etat américain a retrouvé la liberté de légiférer sur le sujet. Le républicain a semblé, pendant sa dernière campagne, écarter la possibilité d'une interdiction de l'IVG à l'échelle nationale, en renvoyant cette responsabilité aux Etats. L'avortement est interdit dans une vingtaine d'Etats américains.
De son côté, l'Etat de Caroline du Sud suspend le financement l'organisation de planning familial Planned Parenthood. Un dossier remis entre les mains de la Cour suprême américaine à majorité conservatrice.
En cause, une décision en 2018 du gouverneur républicain, Henry McMaster, excluant Planned Parenthood du programme d'assurance santé publique Medicaid en raison de sa participation à des interruptions volontaires de grossesse. L'organisation gère deux cliniques dans l'Etat où elle fournit des soins aux personnes à bas revenu grâce au financement de Medicaid, tels que des examens médicaux, des dépistages de cancer ou de maladies chroniques comme le diabète, l'anémie ou l'hypertension. Ces établissements pratiquent également des avortements, dans les strictes limites autorisées en Caroline du Sud.
Planned Parenthood et une femme souffrant de diabète ont attaqué en justice la décision du gouverneur et obtenu gain de cause, faisant valoir qu'elle violait une loi fédérale autorisant un patient à être soigné par le prestataire de santé compétent de son choix. La loi interdit à l'Etat "d'exclure un prestataire de Medicaid pour une raison sans rapport avec ses compétences médicales, comme il essaye de le faire ici", défend l'avocate de Planned Parenthood, Nicole Saharsky. "L'Etat doit garantir aux individus le choix de leur médecin", renchérit la juge progressiste Elena Kagan.
Mais plusieurs juges conservateurs se sont montrés plus réceptifs aux arguments de la Caroline du Sud. L'un d'entre eux, Brett Kavanaugh, a ainsi exprimé son souci de parvenir à une décision apportant "la clarté qui permettra d'éviter des contentieux représentant un énorme gaspillage de ressources pour les Etats, les tribunaux, les prestataires, les bénéficiaires de l'aide médicale et le Congrès". La décision est attendue d'ici le terme de la session actuelle de la Cour, fin juin.
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