Issues de la haute bourgeoisie ou de milieux commerçants, elles ont été journalistes, écrivaines, politiciennes et femmes de débats. Si la foule à l'origine de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, était en grande majorité masculine, les femmes n'étaient pas très loin. Terriennes s'est plongée dans les archives, à la rencontre de ces femmes qui ont marqué la Révolution française depuis les coulisses de l'Histoire.
On les appelait "Les Amazones de la Révolution"... Les 4 et 5 octobre 1789, quatre mille femmes, en colère, marchent vers le château de Versailles. Ces femmes - les dames de la Halle - travaillent dans les marchés, et sont les premières à subir la rupture d'approvisionnement et la hausse du prix des vivres. De Paris à Versailles, elles réclament le retour du pain et de Louis XVI. C'est l'appel au "Boulanger, la Boulangère et le petit Mitron", épithète désignant la famille royale.
A ce moment là, les dames de la Halle prennent conscience de leur puissance au sein de la Révolution française. En avril de la même année, elles ont déjà déclenché des émeutes dans la Sarthe à cause d'un manque d'approvisionnement en grain. Un maréchal des logis déclare alors voir les femmes
"cri[er] et pass[er] malgré nos menaces, et ont déterminé les hommes à les seconder". Malgré les promesses d'universalisme brandies par la Révolution française, les femmes furent délaissées par la Première République
Malheureusement, malgré les promesses brandies par la Révolution française quant à l'universalisme des droits fondamentaux, les femmes sont délaissées par la Première République. Issues de la haute bourgeoisie, de milieux commerçants ou du peuple, elles vont se battre sans relâche pour être perçues comme des citoyennes à part entière, et pas en tant que femmes réduites à leur rôle de mère, confinées dans la maison familiale.
Olympe de Gouges, réformiste et féministe
1789, les hommes rédigent la Déclaration des droits de l'Homme, ignorant la question de la femme. En 1791, une femme autodidacte et très active politiquement prend sa plume : Olympe de Gouges. Elle rédige
la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Y est revendiqué que la femme doit être libre et égale aux hommes en droits. Cette déclaration ne sera cependant imprimée qu'à cinq exemplaires, faute de moyens. Au début de 1790, dans une pièce de théâtre,
nécessité du divorce, elle demanda l'instauration du divorce. Très cultivée, Olympe de Gouges fréquente pendant cette période des salons et y rencontre de grandes figures comme Condorcet. Également abolitionniste, elle est membre de la Société des amis des Noirs, une association qui a pour but l'égalité des Blancs et des Noirs et l'interdiction progressive de l'esclavage. Elle fréquente aussi la Société patriotique et de bienfaisance des amies de la Vérité, ayant pour vocation de s'occuper de l'apprentissage des petites filles pauvres. Guillotinée en 1793, son buste est aujourd'hui érigé à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Elle représente l'une des figures clés de la Révolution française, et de l'Histoire du féminisme bien qu'elle fasse aujourd'hui
l'objet de controverses.
Anne-Josephe Théroigne et Pauline Léon, les radicales
Si Olympe de Gouges se rapprochea vers la fin du Club des Feuillants, une scission beaucoup plus modérée du Club des Jacobins, d'autres femmes emblématiques de l'époque vont adopter une posture beaucoup plus radicale.
Comme Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt, qui participa aux journées révolutionnaires d'octobre. Nommée "l'Amazone de la Révolution", elle est la cible privilégiée des royalistes, du journal
Les Actes des apôtres, mais aussi des révolutionnaires et des contre-révolutionnaires. En janvier 1790, elle fonde un club mixte : les club des Amis de la Loi, dans lequel elle tient tribune politique. Ce club sera dissout en avril de la même année. Elle réussit à obtenir le droit de s'exprimer avec voix consultative dans son district (à Paris) mais pas à l'Assemblée, qui est le centre du pouvoir.
Selon Annie Duprat, historienne et spécialiste d'histoire de la Révolution française, au printemps 1793,
"le sort de Théroigne reflète l'excès des opinions". "Elle prend la défense de Brisson, qui est girondin, alors qu'elle n'est pas girondine, mais de ce fait, elle va s'attirer la violence des dames de la Halle", poursuit-t-elle. Elle perd la raison suite à une "fessée patriotique" infligée par celles-ci. Théroigne de Méricourt sera internée à la Pitié-Salpêtrière, où elle restera et finira ses jours en 1817, dans un dénuement total.
Toute aussi radicale, Pauline Léon n'a que 21 ans lorsque la Révolution éclate en 1789. En mars 1792, à l'Assemblée, munie d'une pétition signée par 300 femmes, elle réclame leur droit de porter des armes. On sent la guerre approcher, et Pauline Léon ne souhaite pas être tenue à l'écart. Elle est à ce moment là à la tête d'un groupe appelé "Les Républicaines révolutionnaires" et co-fonde en juillet 1973 la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires. Celle-ci ne sera ouverte qu'aux femmes. Elles prennent le parti des prostituées, chose inédite à l'époque. Selon Annie Duprat,
"l'idée des révolutionnaires n'est pas de regarder les choses d'un point de vue moral" mais d'un point de vue sociologique, comme on le dirait aujourd'hui. Cette société constituera un outil de lutte pour les femmes révolutionnaires et elles se rapprocheront du courant des Enragés.
Les Tricoteuses, les "sans-culotte" au féminin
Outre ces femmes très actives et politiques, d'autres, plus anonymes, ont joué un rôle crucial lors de cette période révolutionnaire. On les connait sous le nom de "Tricoteuses".
En mai 1795, les Tricoteuses transforment les tribunes de la Convention en foyer de résistance populaire pour soutenir les derniers Montagnards
Au printemps 1792, la France est en guerre contre l'Autriche. Issues du peuple, ces "Jacobines, habituées des tribunes", commencent à confecter des costumes militaires, en tricotant, tout en assistant aux séances de la Convention nationale. Exclues de toute entité politique officielle, ces femmes ne peuvent pas faire valoir leurs droits, mais elles sont présentes, formant la sans-culotterie féminine. Pendant les séances, elles n'hésitent pas à interrompre bruyamment les orateurs. À chaque fin de séance, elles rédigent un compte-rendu qu'elles font parvenir aux sections parisiennes. Formant un véritable moyen de contrôle des institutions, elles se font porte-parole des républicains extrémistes.
Preuve qu'elles n'étaient pas de simples spectatrices, en mai 1795, les Tricoteuses transforment les tribunes de la Convention en foyer de résistance populaire pour soutenir les derniers Montagnards. Les députés les chassent à coups de fouet. Et l'échec de l'insurrection leur interdira d'entrer dans les tribunes. Mais leur volonté de débattre ne s'éteignit pas à cet épisode. Les clubs féminins continuent d'exister, initiant de nombreuses femmes aux manoeuvres de la politique. Entre 1789 et 1793, on compte en France 56 clubs féminins.
Peut-on qualifier ces femmes de féministes ? Pour beaucoup d'historien.ne.s, elles expriment avant tout leur volonté citoyenne et républicaine. Malgré la tentative de quelques figures comme Pauline Léon et Olympe de Gouges, la conscience féministe semble encore loin d'apparaître. Pour Annie Duprat, ce qui les reliaient était avant tout leur "passion de la révolution". Et ce qui les séparaient :
"le moyen d'accéder et d'obtenir leurs idéaux révolutionnaires".
Malgré leurs dissensions, les femmes, qu'elles soient bourgeoises, aristocrates ou populaires, ont fait bouger les lignes au même titre que les hommes au cours de cette période. Point de genre dans la révolution, comme on le constate aujourd'hui dans bien des rebellions.