La photo du député écologiste français Denis Baupin, rouge aux lèvres pour la journée de la femme, avait libéré leur parole. Un an plus tard, quatre des femmes qui l'accusent de harcèlement et d'agression sexuelle posent devant le même photographe pour "interpeller élus et candidats" sur les violences sexuelles.
Après la parole, c’est l’image qui se libère. Souvenez vous. Cette photo d’élus français, lèvres maquillées de rouge. C’est elle qui avait fait sauter la soupape de plomb. Juste insupportable pour ces femmes, à la vue d’un certain Denis Baupin, qu'elles accusent d'agression sexuelle.
Mettez du rouge
Ce cliché avait été posté dans le cadre de la campagne numérique «
Mettez du rouge », qui appelait les hommes à poser avec du rouge à lèvres et poster leur photo sur la Toile en signe de soutien aux droits des femmes. Denis Baupin y avait participé aux côtés des élus Jacques Krabal (Parti radical de gauche), Christophe Borgel (Parti socialiste) et Benoist Apparu (Les Républicains).
C’est donc cette photo qui avait tout déclenché, et c’est avec une autre photo, qu’elles ont décidé un an après, de "remettre le couvert". Histoire de rappeler aux mémoires défaillantes, combien il est difficile quand on est femme, de briser le silence quand on est victime de violences et le milieu politique n'échappe pas à cette loi.
14 voix égale 140 femmes
Sandrine Rousseau, Elen Debost, Isabelle Attard et Annie lahmer; derrière elles 10 femmes de dos : 14 au total, comme le nombre de témoignages recueillis lors de l'enquête, et cette question en bandeau "14 voix égale 140 femmes", (#14voix140femmes), car, en France, seulement 10 % des femmes victimes de violences osent en parler.
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Cette image est une façon d'élargir notre histoire à celle de toutes les victimes et d'interpeller les élus et les candidats à l'élection présidentielle pour que leur parole soit prise en compte", explique Sandrine Rousseau. A quelques jours de la Journée internationale des femmes, le 8 mars, il était aussi question de "
rétablir une justice", précise-t-elle. "
Il n'était pas normal que la photo de l'an passé soit l'emblème d'une lutte contre les violences faites aux femmes", a-t-elle indiqué à l'AFP.
Toutes les quatre ont ainsi posé devant le photographe de la campagne "
Mettez du rouge", Laurent Friquet, le même qui avait notamment mis en scène Denis Baupin et sept autres députés l'an passé.
Un an après, notre photo est celle de la décence
« Cette photo, c’est un clin d’œil au cliché qui avait tout déclenché », confie à Terriennes Isabelle Attard.
« Cela nous avait révoltées et nous sommes sorties de notre silence », poursuit la députée.
Interpeller les candidats à l'Elysée
Cette photo, réalisée à quelques jours de la
Journée internationale pour les droits des femmes, le 8 mars, a aussi pour objectif d’interpeller les candidats à l’élection présidentielle de 2017.
"Une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon", rappelle Isabelle Attard. "
Qu’est-ce que proposent les candidats là-dessus ? Qu'il s'agisse de crime mais aussi de sexisme ordinaire, de harcèlement, d’agressions sexuelles, il faut que les femmes puissent en parler".
Parler, c'est l'enjeu qui reste aujourd'hui encore l'étape la plus difficile. Sur ces 14 femmes, quatre seulement posent sur cette photo à visage découvert. Ce n'est pas un détail. Les autres ont préféré rester de dos. Pourquoi ?
"Il n'est pas facile de témoigner ouvertement. Le faire, c'est aussi risquer d'être accusée de tirer un profit médiatique de cette affaire", conclut Isabelle Attard. Un scandale derrière le scandale : les femmes, qu'elles parlent ou qu'elles se taisent, seraient donc toujours coupables de quelque chose ?
Visé par plusieurs plaintes pour harcèlement et agression sexuelle - la plupart portant sur une période couverte par la prescription -, le député écologiste nie toutes les accusations. Le parquet de Paris a terminé son enquête préliminaire fin décembre 2016 et sa décision est attendue.