Fil d'Ariane
2022 restera-t-elle comme une année d'avancées en matière de droits des femmes ? Tour d'horizon non exhaustif des faits marquants de cette année écoulée, car si certains évènements positifs ne peuvent que nous réjouir, d'autres sont bien plus inquiétants pour l'évolution de nos sociétés et la progression de la condition féminine dans le monde.
ANNIE ERNAUX, PRIX NOBEL. L'autrice française vient de recevoir le Prix Nobel de littérature. Son œuvre est essentiellement autobiographique, un travail qui imbrique l'intime et l'histoire. Retour sur sa carrière. pic.twitter.com/Ws6Xf2EZVF
— INA.fr (@Inafr_officiel) October 6, 2022
Dans son discours, Annie Ernaux n'a pas manqué non plus de saluer le combat des femmes dans le monde, ces femmes qui luttent pour leur liberté à l'image des Iraniennes, qui depuis la mort tragique de Mahsa Amini se montrent à cheveux découverts, brûlant symboliquement foulards et autres tissus que la loi leur impose de porter pour recouvrir leur crâne.
Mahsa Amini : le nom de cette jeune étudiante iranienne de 22 ans, morte le 16 septembre trois jours après avoir été arrêtée par la police des moeurs à Téhéran pour "port non conforme" du voile, est devenu le symbole de lutte de tout un peuple, allant bien au-delà de la simple question du foulard islamique, et dépassant les frontières de l'Iran.
Partout sur les réseaux sociaux, les femmes, et pas seulement iraniennes, se coupent symboliquement les cheveux pour montrer leur soutien.
Depuis quatre mois, la contestation se poursuit, les prisons se remplissent, et la repression fait rage avec son lot de victimes.
Dernières arrestations en date, celles de Taraneh Alidoosti, célèbre actrice iranienne et ardente militante des droits des femmes, Mohammad Ali Kamfirouzi, l’avocat d’Elaheh Mohammadi, 35 ans, reporter de quotidien Ham-Mihan, et Niloofar Hamedi, 30 ans, photographe du journal Shargh, ces deux dernières sont détenues depuis septembre pour avoir couvert la mort de Mahsa Amini.
Retrouvez notre article ►#MahsaAmini, le nom de la révolte contre les diktats imposés aux femmes en Iran
A brave girl from Afghanistan spray paints #LetHerLearn on a wall to spread a powerful message of resistance against the Taliban's oppressive ban on girls' education. pic.twitter.com/X5TFUsh90j
— Habib Khan (@HabibKhanT) December 21, 2022
No other country in the world bars women & girls from receiving an education...The Taliban’s latest announcement means that women & girls will continue to face enormous difficulties seeking employment to feed their families. pic.twitter.com/Tlr6nIKka9
— Chargé d’Affaires Karen Decker (@USAmbKabul) December 22, 2022
Afghanistan : "On ne peut pas fonctionner sans femmes !", alerte Éric Cheysson, chirurgien et président de l'association la "Chaîne de l'espoir" qui gère un hôpital à Kaboul, alors que les Taliban interdisent les ONG aux femmes. pic.twitter.com/G8OAtBgvwd
— TV5MONDE Info (@TV5MONDEINFO) December 25, 2022
Voilà…. (signé @cocoboer) pic.twitter.com/FgcCIM1GOu
— Virginie Debuisson (@VirgoWhallala) June 24, 2022
Le 5 octobre marquait le 5e anniversaire de la publication dans le New York Times d'une vaste enquête sur des accusations de harcèlement sexuel contre Harvey Weinstein. Désormais, rien ne pourrait plus museler la parole des victimes de violences sexuelles, unies sous une même bannière, un mot-dièse qui proclame #MeToo, "moi aussi".
Pour célébrer cet anniversaire, un film, She Said, retrace le long travail d'enquête réalisé par les deux journalistes à l'origine de ces révélations, Jodi Kantor et Megan Twohey.
Pour rappel, il faut préciser que c'est la militante africaine-américaine Tarana Burke, qui il y a 16 ans avait lancé le mot dièse MeToo comme moyen pour les victimes de violences sexuelles d'établir une connexion entre elles et de le dire tout haut au monde. Une expression d'empathie devenue mot dièse dans un tweet de l'actrice Alyssa Milano en octobre 2017.
Déjà condamné lors d'un premier procès en 2020 à New York, à une peine de 23 ans de prison, Harvey Weinstein, 70 ans, est de nouveau jugé en novembre devant un tribunal de Los Angeles, accusé par quatre femmes, pour deux viols et cinq agressions sexuelles – entre 2004 et 2013. Il risque jusqu'à 60 ans de prison.
Au tout début 2022, une femme décroche l'Ours d'or de la 72e Berlinale : la cinéaste espagnole Carla Simón pour son film Alcarràs.
À Venise, le Lion d'Or a été décerné à All the beauty and the Bloodshed de Laura Poitras, et le Grand prix du Jury et le prix du premier film à St Omer d'Alice Diop. Le film a été sélectionné dans la catégorie du meilleur film étranger aux Oscars 2023. Il a aussi reçu le prix du meilleur long-métrage au festival international du film à Genève ainsi que le Prix Louis-Delluc 2022, surnommé le "Goncourt du cinéma", ex-aequo avec Pacifiction d'Albert Serra.
Cette fiction s'inspire d'un fait divers et du procès qui avait suivi, celui d'une mère accusée du meurtre de son bébé. "Une femme noire, ça peut être une intellectuelle (...) effectivement, ce ne sont pas des figures qu'on a l'habitude de voir, ce n'est pas là où nous attend, mais c'est aussi là où nous sommes et, en fait, c'est là où je suis".
Alice Diop Lion d’Argent, Grand Prix du Jury de la Mostra de Venise cite Audre Lorde: « Femmes noires, notre silence ne nous protègera pas ».
— Rokhaya Diallo (@RokhayaDiallo) September 10, 2022
Et ajoute un propos de son cru « Nous ne nous tairons plus. » pic.twitter.com/ztqgG1o7nT
Un Oscar d'honneur a été remis à la réalisatrice française Euzhan Palcy le samedi 19 novembre pour récompenser l'ensemble de sa carrière consacrée à la lutte contre le racisme. "Je jubile ! Vous savez quand vous venez d'un petit pays comme la Martinique, où nous sommes peu de cinéastes... Je ne voulais pas être cinéaste pour être une cinéaste comme les autres.", a-t-elle réagi sur Canal Plus. Parmi ses films les plus célèbres : Une saison blanche et sèche et Rue Cases nègres. Première femme noire à réaliser un film de studio, elle succède à Agnès Varda qui était devenue en 2017 la première réalisatrice française à recevoir un Oscar d'honneur. "Quand vous êtes une femme, et de plus noire, pour faire du cinéma, vous devez vous battre", commente l'actrice et réalisatrice afro-américaine Viola Davis, maitresse de cérémonie de cet évènement.
Autre réalisatrice à suivre en 2023, Mounia Meddour dont le nouveau film Houria, sortira au mois de mars en France. La cinéaste algérienne a reçu en décembre le prix Femme de cinéma aux festival des Arcs. Son film Papicha a reçu le prix Alice Guy et deux César en 2020. Un troisième long-métrage sur l’Algérie est en préparation.
Une anti-avortement à la présidence européenne ? Le 18 janvier 2022, le jour de ses 43 ans, la conservatrice maltaise Roberta Metsola est élue présidente du parlement européen. Connue pour son engagement anti-IVG, ses choix suscitent bien des critiques, Malte restant l'un des dernier pays dans l'UE où l'IVG reste complètement illégale. Face à ses détracteurs et aux inquiétudes des mouvements féministes, elle tient dès sa première prise de parole à exprimer son intention d'"aller plus loin pour plus d'égalité hommes-femmes" et "pour garantir et défendre les droits des femmes". Quelques mois avant son élection, elle votait contre un texte qui visait à criminaliser les violences faites aux femmes ... Courant décembre, la présidente du parlement devait affronter un scandale de corruption de grande envergure, le "Qatargate", impliquant entre-autres une femme, la désormais ex-vice-présidente Eva Kaili, écrouée et inculpée après la découverte chez elle d'importantes sommes d'argent en liquide.
La France, en la personne de son plus haut représentant, le président de la République, fait le choix de désigner une femme Première ministre. Ce n'était pas arrivé depuis Edith Cresson, il y a trente ans. Elisabeth Borne devient donc la deuxième femme de l'histoire de la république française à prendre ses logements à l'hôtel Matignon. Le 16 mai, cette proche d'Emmanuel Macron et ex-ministre du Travail, et de l'Ecologie et des Transports remplace Jean Castex. Une consécration pour cette "X", diplômée de Polytechnique, et pupille de la nation.
Échanges avec les femmes du centre d'hébergement de la @CroixRouge qui trouvent ici le soutien pour reconstruire leur avenir.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) December 21, 2022
Nous leur devons de les aider à se réinsérer grâce à un logement adapté et durable. C’est le sens du Plan Logement d’Abord 2 qui sera bientôt présenté. pic.twitter.com/QijI0nP8N2
Au cours de l'année 2022, une autre femme va venir occuper les fonctions de cheffe de gouvernement, cette fois au Royaume Uni, et pour quelques semaines seulement ... Liz Truss, conservatrice parmi les conservatrices, succède à Boris Johnson. Contestée au sein même de sa majorité, plus impopulaire que jamais dans l'opinion, elle sera remplacée par Rishi Sunak après avoir remis sa démission au nouveau souverain Charles III. Elle était la troisième femme à occuper ce fauteuil et aimait s'inscrire dans le sillage de la Dame de fer, Margaret Thatcher.
C'est justement quelques jours après avoir été nommée Première ministre du Royaume Uni que Liz Truss doit faire face au deuil d'une nation, avec la disparition de la reine Elizabeth II, le 8 septembre 2022.
Née fille, rien ne prédestinait la petite Elizabeth à monter un jour sur le trône mais, faute de frère, elle devient, étant l'aînée, officiellement héritière du trône à l'âge de 10 ans. À 15 ans, elle est nommée colonel en chef des Grenadiers Guards. Dès l’âge de 18 ans, contre l'avis de son père, elle s'enrôle dans le Service Territorial Auxiliaire, une branche féminine de l’armée britannique pour y suivre une formation de chauffeur et de mécanicien. À ce jour, elle est la seule femme de la famille royale à avoir servi dans l’armée. En 1945, elle décide de rejoindre l'Auxiliary Territorial Service (ATS), un service de femmes volontaires de l'armée de terre du Royaume-Uni, pour servir lors de la Seconde Guerre mondiale.
En 2013, elle fait changer la loi sur l'ordre de succession qui devient désormais fixé par stricte primogéniture, sans préférence masculine. Ainsi l'enfant le plus âgé du souverain hérite du trône.
En soixante-dix ans de règne - le plus long règne de l'histoire de la monarchie britannique surpassant ainsi sa trisaïeule, la reine Victoria - "The Queen" en a vu passer des hommes aux rênes du gouvernement. Elle a connu 15 Premiers ministres, de Winston Churchill à Boris Johnson, en passant par Tony Blair, David Cameron et trois femmes : Margaret Thatcher, Theresa May et Liz Truss.
Chez elle, sur ses terres de Balmoral en Ecosse, elle aimait conduire seule sa voiture, sans pour autant avoir jamais passé le permis. L'anecdote veut qu'elle avait surpris le roi Abdallah en prenant le volant de son 4X4, à l'époque les Saoudiennes n'avaient pas le droit de conduire.
Autant de raisons pour Olivia Colman, l'actrice qui l'incarne à l'écran dans la série The Crown, diffusée sur la plateforme Netflix, de la qualifier de féministe "ultime".
À ce jour, Margrethe de Danemark est, à 82 ans, la dernière reine régnante au monde.