Les résultats officiels sont tombés jeudi 28 octobre 2011, quatre jours après le scrutin historique. 49 femmes siègeront au sein de l’assemblée constituante. Elles représenteront 22,25 % des élus. C’est deux fois plus que les estimations qu’avaient réalisées avant les élections
l’association tunisienne des femmes démocrates : « On avait tablé sur 10% de femmes élues », se rappelle Meriem Zighidi, membre du bureau. La veille du scrutin, les militantes des droits des femmes en Tunisie étaient relativement pessimistes. Certes, elles avaient obtenu la loi sur la parité obligeant les forces politiques à présenter autant de candidates que de candidats. Mais elles avaient aussi pris conscience des limites du dispositif législatif qui n’imposait aucune obligation paritaire au niveau des têtes de liste. Une place pourtant stratégique dans le cadre d’un scrutin proportionnel au plus fort reste. « En amont des élections, on n’a pas arrêté de faire du travail de lobbying auprès des partis pour qu’ils mettent plus de femmes en tête de listes mais pour eux c’était un trop gros risque. On n’a pas été entendu, reconnaît, amère, Meriem Zighidi. Il n’y a eu que 5% de femmes têtes de liste. » Conclusion, pour Soukeina Bouraoui, directrice du
Centre de la femme arabe basé à Tunis (CAWTAR), « la loi, ça ne suffit pas. Il faut travailler sur les mentalités ».
COMPARAISON EUROPENNE Au regard de la situation européenne, la Tunisie a fait tout de même un score correct en matière de représentation des femmes en politique. En moyenne, dans les chambres basses des pays européens,
les femmes représentent 24,2 % des élus. A Malte, pays très catholique, elles sont 8 % et en Suède 46 %. Ce sont les deux extrêmes de l'Union européenne.
42 ELUES ENNAHAD Mais parmi les 49 Tunisiennes élues, 42 sont d’Ennahda, le parti vainqueur des élections. Quelle ligne ces femmes tiendront-elles au sein de la formation islamiste ? Cela reste encore une inconnue. Pour l’instant, les cadres d’Ennahda se veulent rassurants. Ils ont promis de ne pas appliquer la charia ni de forcer les femmes à quitter leur travail. Ils se sont également engagés à ne pas toucher au statut du code personnel qui garantit le droit au divorce et interdit la polygamie ainsi que la répudiation. Il faut dire que les islamistes sont en pleine négociation. N'ayant pas décroché la majorité absolue, ils sont dans l'obligation de s'allier avec des forces politiques positionnées plus à gauche pour pouvoir gouverner la future assemblée. Malgré tout, la méfiance persiste. « Les islamistes évoquent sans cesse le modèle turc et sa laïcité. Mais la Tunisie n’est pas la Turquie. Nous n’avons aucun principe de séparation entre le religieux et la politique et je n’ai pas l’impression qu’Ennahda soit prêt à accepter l’idée que l’islam ne soit pas source de droit » explique, remontée, Nadia Chaabane, candidate du Pôle démocratique moderniste (coalition de gauche) élue par les Tunisiens de France, qui s’est engagée à défendre les libertés individuelles et les droits fondamentaux au sein de la constituante.
MENACES SUR LES DROITS DES FEMMES Mais si Ennahda revenait sur ses déclarations, le parti risquerait de perdre toute crédibilité. « Les islamistes se sont engagés à respecter l’opposition et l’alternance politique. Ce n’est pas dans leurs intérêts de faire une constitution anti-démocratique et de s’attaquer aux droits des femmes », analyse l’universitaire Soukeina Bouraoui. En fait, ce que les militantes redoutent le plus, c'est l'apparition dans certains quartiers populaires et villages des formes d’intimidation pour empêcher les femmes de circuler librement ou de porter les vêtements de leur choix. Des attaques qui s'avéraient plus pernicieuses car moins visibles. « Un retour en arrière reste possible. C’est pour cela que nous restons vigilantes, confie Meriem Zighidi. Mais je sais que la société tunisienne ne se laissera pas faire. »