8 milliards d'êtres humains, mais combien de femmes ?

Nous voilà 8 milliards sur Terre ce 15 novembre 2022, selon l'ONU. Entre 50 et 54 ans, hommes et femmes sont à égalité en nombre, mais la population se masculinise inexorablement depuis des années déjà, pour des raisons culturelles, économiques ou sociales. Une carence de femmes qui pourrait mener à un déséquilibre démographique lourd de conséquences.
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bebe ukrainien
©AP Photo
Une infirmière s'occupe d'un nouveau-né dans un hôpital endommagé par un bombardement à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, le mardi 14 juin 2022.
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bebe chinoise
©AP Photo/Ng Han Guan
Le nombre de bébés nés en Chine a continué de diminuer en 2021, selon les données officielles publiées en janvier 2022.
 
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Danica
©AP Photo/Bullit Marquez

Danica Camacho, 7 milliardième être humain sur Terre, dans les bras de sa mère Camille, quelques instants après sa naissance, le 31 octobre 2011 à Manille, aux Philippines.

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Voici déjà plus de dix ans que nous avons franchi la barre symbolique des 7 milliards d'êtres humains sur Terre. Le 15 novembre 2022, nous franchissons la barre des 8 milliards. A ce rythme, il faudra ensuite attendre 2050 pour dépasser celle des 9 milliards, puis 2100 pour dépsser les 10 milliards d'humains sur la planète. Dans ce contexte de constante progression, comment le nombre de femmes va-t-il évoluer ? 

Danica, la 7 milliardième Terrienne, née en 2011

7 milliards d'êtres humains, mais combien de femmes ?
Une du quotidien québécois Le Devoir du 31 octobre 2011 .
©Le Devoir

Celle qui nous avait fait passer le cap historique de 7 milliards d'habitants sur Terre, avait fait, en octobre 2011, la Une des journaux. L'annonce de la naissance de Danica, 7 milliardième habitante de la planète, à Manille, aux Philippines, créait alors la liesse dans son pays.

Et pourtant, statistiquement, il eut été plus probable qu’un petit Bayani ou Dakila (prénoms masculins tagalog populaires aux Philippines) ait vu le jour.

Car s’il y a à peu près le même nombre de femmes que d’hommes sur Terre, ces derniers sont un peu plus nombreux : 102 hommes pour 100 femmes en 2020, selon les chiffres de l'ONU. D'autant qu'il naît aujourd'hui de moins en moins de filles...

Chaque seconde, la population mondiale varie de +2,64 humains.
Chaque jour, la population mondiale varie de +227 995,07 humains.

Voir le décompte en direct du nombre d’habitants sur Terre

Plus précisément encore, sur 1000 personnes, 504 sont des hommes (50,4 %) et 496, des femmes (49,6 %). Il naît un peu plus de garçons que de filles : 106 garçons pour 100 filles. Mais la mortalité est supérieure chez les garçons – dans l’enfance, mais aussi à l’âge adulte.

Il arrive donc un âge où les hommes et les femmes sont en nombre égal : dans le monde, c’est entre 50 et 54 ans. Au-delà, les femmes sont plus nombreuses, l’écart se creusant avec l’âge. Ainsi, en 2020, huit centenaires sur dix étaient des femmes.

espérance âge femmes dans le monde
Carte du monde de l'espérance de vie au féminin. Entre 50 et 54 ans, les hommes et les femmes sont en nombre égal. Au-delà, les femmes sont plus nombreuses.
©ONU

Vers une carence de femmes ?

Ainsi le monde commence-t-il à faire face à une "carence" de femmes en âge de procréer, qui pourrait conduire à des déséquilibres démographiques lourds de conséquences. D’autant que la population globale vieillit, surtout dans les pays dits développés, tout en continuant à croître – d’ici 2050, la Terre devrait compter 9 milliards d’habitants. 
 
L'impact de la Covid-19

"Les chiffres en Chine, en Grande-Bretagne ou en France ont tous illustré une chute importante des naissances durant la pandémie. Quand les personnes se sentent en situation d'insécurité face à l'avenir, ils ne font pas d'enfants. Aux Etats-Unis, le Brooking Institution a même estimé à 300 000 le nombre de bébés qui ne sont pas nés du fait du Covid-19. Depuis, on observe une petite remontée de la natalité, mais il est fort probable que le Covid-19 n'a fait qu'accentuer une tendance durable, celle de la baisse des taux de fécondité. Il faut bien avoir conscience que si la population mondiale continue aujourd'hui à croître, ce n'est pas du fait des naissances, mais parce que les humains ne meurent plus aussi vite qu'avant", estime Darrell Bricker, PDG d'Ipsos Public Affairs, dans L'Express.
La masculinisation de la population varie selon les régions du monde. C’est d’abord en Asie que la proportion de garçons a commencé à augmenter parmi les nouveau-nés au début des années 1980 – au rythme des progrès de la science et des méthodes d’analyses prénatales. C’est en Inde et en Chine, qui représentent 37 % de la population mondiale, que le déséquilibre est le plus inquiétant.
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Les deux pays les plus peuplés au monde souffrent d’une évidente carence de femmes. Depuis plusieurs décennies, la Chine, le pays le plus peuplé du monde, présente un "rapport de masculinité" nettement plus élevé que la moyenne – dans certaines régions, il dépasse 120 garçons pour 100 filles.

Dans de nombreuses régions de l’Inde, ce rapport est aussi nettement supérieur à 105, également depuis des décennies. En dépit d’une amélioration dans les États les plus touchés au Nord-Ouest (Pendjab, Haryana, Rajasthan), plusieurs autres États comme l’Uttar Pradesh ou le Maharashtra, autrefois épargnés, accusent aujourd’hui la même évolution démographique. 

Dans ces deux pays, qui comptent en tout 2,76 milliards d’habitants, il y a environ 80 millions d’hommes de plus que le nombre jugé souhaitable, et plus de la moitié d’entre eux ont moins de 20 ans. "Rien de tel ne s’est jamais produit dans l’histoire de l’humanité", écrivait le Washington Post dans un article paru en avril 2018.

Dans d’autres pays d’Asie, comme le Vietnam, le Népal ou le Pakistan, le nombre de garçons dépasse aussi celui des filles de plus de 10 %. Les populations asiatiques de la diaspora manifestent la même tendance : en Angleterre, on observe 113 garçons pour 100 filles parmi les troisièmes naissances (probablement après deux filles) chez les populations d’origine indienne ; même phénomène signalé en Italie chez les Chinois, en Norvège chez les Indiens, ainsi qu’en Grèce et en Italie chez les immigrés albanais.

Le taux de naissance masculine en constante croissance

Depuis au moins 20 ans, il y naît bien plus de garçons que de filles en Europe aussi, notamment dans le Caucase et les Balkans, où le sexe-ratio à la naissance se situe entre 110 et 117 pour 100 filles – soit davantage que la moyenne en Inde. L’Azerbaïdjan est le deuxième pays au monde après la Chine en termes de déséquilibre des sexes à la naissance. Durant la décennie 2000, on a même décompté en Arménie jusqu’à 185 garçons pour 100 filles parmi les troisièmes naissances, sans aucun doute un record mondial.  En Albanie, au Kosovo, au Monténégro et en Macédoine occidentale, les niveaux avoisinent 110-111 naissances de garçons pour 100 filles, avec une redoutable régularité. 
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Que se passe-t-il ?

Les raisons de ces déséquilibres sont diverses. En Asie, plusieurs facteurs plaident en défaveur des femmes, à commencer par les coutumes, les croyances religieuses ou les considérations économiques. En Inde, mettre au monde une fille est vécu comme un risque pour la famille : destinée à se marier, elle devra remettre, une dot puis se consacrera à sa belle-famille. Un garçon, au contraire, apportera aide et sécurité à ses parents. En Chine comme en Inde on préfèrera, selon sa catégorie socioprofessionnelle, investir dans un examen prénatal et choisir d'avorter plutôt que s’endetter toute une vie pour subvenir à l’éducation et au mariage d’une fille.

En Inde et au Pakistan, où il manque 5 millions de femmes, la pauvreté de nombreuses familles pousse ces dernières à préférer les garçons aux filles ; lors des mariages, la famille de l’épouse doit verser une dot à celle du marié, un coût que tous ne peuvent pas se permettre. Par ailleurs, on estime que les hommes sont plus productifs que les femmes, et en cela plus "rentables" pour les familles les plus démunies.

Il en va de même en Chine. En 1979, l’instauration de la politique de l’enfant unique, en vigueur jusqu’en 2015, ainsi que le développement progressif des techniques d’échographie ont fait beaucoup de tort au genre féminin, les parents préférant bien souvent donner naissance à un fils (les "enfants-empereurs"). Car s’il faut choisir, on garde le garçon qui, dans la tradition confucéenne, peut seul succéder aux parents et perpétuer le culte des ancêtres.

Dans les pays du Golfe (Emirats Arabes Unis, Qatar, Bahreïn, Koweït), où une grande partie de la main d’œuvre est d’origine étrangère, les travailleurs migrants n’ont bien souvent pas la possibilité de faire venir leurs familles. D’où d’énormes déséquilibres statistiques, avec parfois plus de 2000 hommes pour 1000 femmes.
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En bleu foncé : les pays où les femmes sont les plus nombreuses.
En marron : les pays où les hommes sont les plus nombreux.

Gynécides : des millions de non-nées

En 2016, le centre asiatique pour les droits de l’homme a évalué à environ 1,5 million le nombre de foetus féminins éliminés chaque année. En Chine, 35 années de politique de l’enfant unique ont causé la disparition de millions de filles par avortements sélectifs ou infanticide. Même chose pour l’Inde où ces pratiques ont considérablement réduit la population féminine, essentiellement dans le nord du pays. Difficile de naître fille en Asie.
 
Adoptée par un  couple belge, la photographe d'origine chinoise Youqine Lefèvre exposait au festival Les femmes s'exposent à Hougate en juin 2022. Elle nous invite en "terre promise", une série intimement liée à son histoire personnelle :

Si, un temps, l’infanticide au féminin – la mise à mort des nouveaux-nés filles – était couramment pratiqué dans ces pays, la science a depuis progressé, rendant ce "gynécide" plus facile et contrôlable. Le développement de l’insémination artificielle permet de sélectionner avant la naissance le sexe de l’enfant. Les échographies déterminent de plus en plus tôt si le bébé à naître est un garçon ou une fille, pouvant conduire à l’avortement sélectif. Pour les raisons culturelles et/ou sociales évoquées plus haut, les familles préfèrent avoir un ou plusieurs garçons. 

Les dangers du déséquilibre

La Chine et l’Inde accusent actuellement un déficit global de femmes d’environ 160 millions. Le nombre de "femmes manquantes" devrait même atteindre les 225 millions en 2025. A terme, si la proportion de filles par rapport aux garçons se maintient ainsi, c’est tout un pan de la population qui ne pourra pas être renouvelé. 

Des études montrent déjà que 94% des célibataires de 28 à 49 ans en Chine sont des hommes qui, pour la plupart, n’ont pas terminé leurs études secondaires. Or il se peut qu'une masculinisation trop importante de la société chinoise n’entraîne une hausse nette de la violence et du crime.

On assiste aussi à une augmentation des mariages par correspondance, notamment en Chine. Beaucoup de Chinois se tournent vers l'étranger et notamment la Birmanie pour trouver une femme, parfois via un mariage arrangé.

Pour des raisons socio-économiques, il faut aussi s’attendre à un ralentissement du taux de natalité dans les pays concernés d’ici vingt à quarante ans. D’où un vieillissement de la population et, à terme, un net ralentissement de ces économies pour l’instant très dynamiques. 
Carte ONU monde fertilité
En bleu, les pays où le taux de fertilité va de 5 à 6,5. En vert, de 3,5 à 5. En jaune, de 1,5 à 2,5 enfants par femme. 
©ONU

Des solutions à long terme

Certains pays ont anticipé ces impasses en prenant des mesures. La Corée du Sud, par exemple, qui, au début des années 1990, présentait l’un des sexe-ratio les plus déséquilibrés du monde – près de 1200 hommes pour 1000 femmes – l’a fait baisser jusqu’à 106 garçons pour 100 filles actuellement. Ce "retour à la normale" s’explique tant par l’amélioration du statut des femmes que par les mesures prises par le gouvernement pour enrayer les avortements sélectifs et une importante campagne de communication autour du danger d’une disproportion hommes/femmes. 
 
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Des campagnes similaires ont été lancées en Inde : devant le nombre des familles recourant à l’avortement sélectif en fonction du sexe pour choisir les garçons, le gouvernement a adopté une loi interdisant le dépistage du fœtus et ce type d’intervention. En Chine, un assouplissement de la politique de l’enfant unique, notamment dans les campagnes, pourrait amener à rétablir un semblant d’équilibre des sexes dans le pays. Cependant il faudra attendre une vingtaine d’années avant que les premiers effets de ces politiques se fassent sentir. Actuellement, notamment en raison de la crise sanitaire qui a éclaté en 2020, le nombre de naissance ne cesse de diminuer en Chine. 

En Europe du Sud et dans le Caucase, de récents efforts de compréhension du phénomène sont plus le fait d’une mobilisation internationale que d’une prise de conscience de la population, et ils n’ont pas encore débouché sur des mesures concrètes.  Mais alors, où sont les femmes ? En Europe orientale : les pays de l’ancienne Union soviétique, comme la Russie, la Lituanie ou la Lettonie sont majoritairement féminins, car l’espérance de vie des hommes y est plus faible qu’ailleurs. 
 

7 milliards de Terriens ?

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