Les mots sont quasi chirurgicaux mais sans ambiguïté : "Diagnostic: agression. Cause des blessures: agression. Viol." Ce sont ceux de la conclusion du rapport médical (
et dont l'Express a eu connaissance) rédigé quelques heures après les faits qui se seraient produits entre la femme de chambre Nafissatou Diallo et le directeur du Fonds monétaire internationale Dominique Strauss-Kahn. Le personnel soignant, enfin celui ou celle qui tient la plume écrit : "elle est une femme de ménage du Sofitel qui a subi une agression sexuelle par l'occupant d'une chambre et elle se plaint aussi d'une douleur à l'épaule gauche". Ils transcrivent aussi la description que Nafissatou Diallo leur a faite de l'incident "Il m'a poussée vers le bas et m'a enfoncé son pénis dans la bouche." "Confusion, douleurs musculaires, tension.", écrivent-ils encore. Un scanner ultérieur révélera une rupture du ligament.
Ils couchent sur le papier le plus fidèlement possible les mots de la femme en larmes : "L'homme nu aux cheveux blancs verrouille la porte et l'entraîne sur le lit" pour une première tentative, puis au fond du couloir, où il déchire ses collants, saisit "la partie extérieure de sa zone vaginale", "enfonce profondément son pénis dans sa bouche en la saisissant par les cheveux". Jusqu'à l'émission du sperme dont elle décrit le goût et "qu'elle crache sur la moquette".
La dernière page du rapport médical comporte un schéma de la zone vaginale de la victime, un élément standard des formulaires de ce type. La partie inférieure du vagin de la patiente, la "fourchette postérieure", est hachurée au crayon pour marquer l'emplacement d'un traumatisme. A droite sur la page, le praticien a inscrit au stylo rouge "rougeur sur la fourchette". Il précise encore la localisation: "5 and 7 o'clock." Entre "5 et 7 heures", comme sur le cadran d'une montre. La "fourchette postérieure" comporte encore ce commentaire: "Trauma" (traumatisme).
Traumatisme qu'amoindrissent les avocats de Dominique Strauss-Kahn, toujours lancés dans leur stratégie de destruction de la crédibilité de la victime. "L'utilisation par les avocats de la plaignante de ce rapport médical pour confirmer ou renforcer les accusations contre M. Strauss-Kahn est trompeuse et malhonnête", ont-ils commenté. Mais Kenneth Thompson, l'avocat de Nafissatou Diallo poursuit son offensive.
Toujours dans l'Express, il récuse les éléments qui portent atteinte à la crédibilité de sa cliente, en particulier la fameuse conversation avec un détenu : "La presse a livré une petite phrase, prétendument tirée d'une conversation avec un détenu d'une prison d'Arizona, pour démontrer que Nafissatou discutait avec un dealer de drogue du meilleur moyen de rançonner le patron du FMI. Or, je veux le souligner, cette phrase n'existe pas! J'ai dû attendre le 28 juillet pour en avoir la confirmation, en écoutant enfin les enregistrements devant les procureurs, au côté de Nafissatou et d'un interprète en dialecte foulani. Il y a eu, en fait, plusieurs conversations téléphoniques.
Cette phrase est un amalgame délirant produit par des traducteurs incompétents.
Le 15 mai, cet homme l'a appelée trois fois depuis sa prison. Lors du premier appel, sans rien savoir de son histoire, il croit sentir qu'elle n'a pas le moral. Elle lui raconte: "Un homme que je ne connais pas m'a attaquée et a voulu me déshabiller. On s'est battu. Je suis allée à l'hôpital et on l'a arrêté." S'ensuit un récit qui correspond totalement à celui qu'elle a donné à tous ses interlocuteurs depuis le 14 mai. L'homme la rappelle le même jour pour lui dire que Dominique Strauss-Kahn est riche et qu'elle pourrait obtenir de l'argent. Elle l'envoie paître. Elle est déboussolée et lui dit qu'elle doit recevoir pour la première fois la visite de son avocat dans les minutes qui suivent. Le détenu la joint une dernière fois pour parler exclusivement de lui-même et de ses options pour sortir de prison. C'est tout. Cette phrase est un amalgame délirant produit par des traducteurs incompétents."