#Metoo : Christophe Ruggia condamné pour agressions sexuelles contre Adèle Haenel

Le réalisateur Christophe Ruggia est reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans. Il est condamné  à quatre ans de prison – un verdict pour rappeler "qui était l'adulte, qui était l'enfant", selon la procureure.

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Adèle Haenel

Adèle Haenel arrive au palais de Justice de Paris, où la condamnation du cinéaste Christophe Ruggia a été annoncée, le 3 février 2025,. 
 

AP Photo/Aurelien Morissard
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L'affaire avait bouleversé le monde du cinéma et ouvert la voie au #Metoo dans le cinéma en France : après deux jours d'un procès intense, en décembre 2024, le réalisateur Christophe Ruggia, accusé d'avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel quand elle était mineure, a été condamné à quatre ans de prison, dont deux ans fermes sous bracelet électronique – Christophe Ruggia n'ira donc pas en prison, mais il sera prochainement convoqué pour se voir poser un bracelet. 

Le verdict reste proche des cinq années de prison requises le 10 décembre 2024. Le tribunal a jugé Christophe Ruggia coupable, estimant qu'il avait abusé de sa position.

(Re)lire Nouveau procès #Metoo dans le cinéma français : Adèle Haenel en attente de justice

Un autre procès en perspective

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement le 3 février 2025, en présence d'Adèle Haenel, 35 ans, et de Christophe Ruggia, 60 ans, costume gris, qui a contesté jusqu'au bout avoir agressé Adèle Haenel entre ses 12 et 14 ans. Les avocates de Christophe Ruggia, Fanny Collin et Orly Rezlan, ont plaidé la relaxe, même si aux yeux de tous il est déjà "coupable", ont-elles déploré, craignant que le tribunal ne soit tenu "de rendre justice le pistolet sur la tempe". 

Le réalisateur fait appel de cette décision quelques minutes après l'énoncé du verdict, jugé "injustifié" et "dangereux" par ses avocates, qui martèlent qu'il n'a "jamais touché Adèle Haenel". "Dans ces conditions et parce que nous ne pouvons pas nous résoudre à l'injustice, au moment où je vous parle Christophe Ruggia se rend au greffe... pour faire appel de cette décision", a déclaré sa défense. Adèle Haenel va donc devoir affronter un nouveau procès.

Christophe Ruggia

Christophe Ruggia quitte le tribunal de Paris, le 3 février 2025, après avoir été reconnu coupable d'agression sexuelle sur Adèle Haenel au début des années 2000, dans le premier grand procès #MeToo en France.
 

AP Photo/Aurelien Morissard

,L'ex-actrice de 35 ans, costume gris sur une chemise verte, était visiblement tendue avant le jugement. Arrivée en avance dans la salle, elle faisait nerveusement les cent pas en attendant l'ouverture de l'audience. Elle n'a pas réagi à l'annonce du délibéré, esquissant seulement après quelques minutes un sourire de soulagement.

Christophe Ruggia, qui évitait de la regarder, comme pendant le procès, en décembre, n'a pas montré de réaction non plus. Le tribunal a aussi condamné le réalisateur à indemniser Adèle Haenel à hauteur de 15 000 euros pour son préjudice moral, et 20 000 pour ses années de suivi psychologique. A sa sortie de la salle d'audience, Adèle Haenel a été longuement applaudie, et accueillie par des cris de joie et des "bravos".

Soutiens 

Une quinzaine de personnes manifestaient sur le parvis du tribunal avant le rendu de la décision pour soutenir Adèle Haenel avec des pancartes "stop impunité" ou "que les bourreaux tremblent". Parmi elles, l'actrice Judith Godrèche, elle-même devenue figure du mouvement MeToo en France après avoir porté des accusations similaires à l'encontre des cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, et qui avait lancé un appel sur les réseaux sociaux pour venir soutenir Adèle Haenel. 

C'est important d'être là pour soutenir Adèle et toutes les femmes qui essaient de se battre face a une justice qui parfois les abandonne. Judith Godrèche

"C'est important d'être là pour soutenir Adèle et toutes les femmes qui essaient de se battre face a une justice qui, parfois, les abandonne", a déclaré Judith Godrèche avant de rejoindre la salle d'audience, où elle a pris place parmi le public. Après l'annonce de la condamnation de Christophe Ruggia, l'actrice est soulagée : "Ce qui est important, c'est que justice ait été faite. C'est très émouvant pour moi", dit-elle . "Je me réjouis qu'il ait été condamné mais cela reste insuffisant. Il faudrait faire plus pour mettre fin aux violences faites aux femmes", déclare, elle, Marine Gaillard, 25 ans, qui travaille dans le marketing numérique. 

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Témoignages

Adèle Haenel avait joué le rôle principal du film de Christophe Ruggia Les Diables en 2001, une histoire de fugue perpétuelle d'un frère et d'une soeur qui tourne à l'inceste, avec des scènes de sexe entre les enfants et de longs gros plans sur le corps nu d'Adèle Haenel. Elle avait 11 ans quand elle a été castée. Plusieurs adultes sur le plateau avaient dit leur "malaise" face au comportement "déplacé" du réalisateur, alors presque quadragénaire, envers son actrice et le fait qu'Adèle Haenel avait été "progressivement isolée" de son entourage pendant le tournage.

Il continuait d'exercer son autorité de réalisateur sur une enfant qui n'était pas en mesure de s'opposer ni de s'extraire de cette emprise. Extrait du jugement

Le président du tribunal a rappelé ces témoignages d'un comportement "inadapté" à l'heure du verdict. Les avocats de l'ex-actrice, Yann Le Bras et Anouck Michelin le soulignent : "Celles et ceux qui ont suivi le procès savent objectivement que Christophe Ruggia n'est pas condamné sur la foi de l'unique parole d'Adèle Haenel", ont rétorqué ses avocats . "Si quelque chose a été broyé, c'est plutôt l'enfance de cette très jeune actrice". 

Les agressions sexuelles qu'a dénoncées Adèle Haenel – publiquement sur le site d'investigation Mediapart en 2019, déclenchant #Metoo dans le cinéma français – auraient débuté chez le réalisateur, après le tournage du film sous couvert de préparation de sa promotion. Elles se seraient poursuivies quasiment tous les samedis après-midis pendant les années de troisième et quatrième de l'adolescente. Des années pendant lesquelles Christophe Ruggia avait "adopté des attitudes et gestes sexualisés, prolongement de l'attirance" que lui avait "inspiré" Adèle Haenel pendant le tournage. Et ce "alors que l'enfant" sur laquelle "il continuait d'exercer son autorité de réalisateur, n'était pas en mesure de s'opposer ni de s'extraire de cette emprise", a aussi estimé le tribunal dans son jugement.

Il a fait le choix d'agresser sexuellement. Il avait toute sa conscience d'homme, d'adulte pour agir autrement. Camille Ploch, procureure

A la barre, l'actrice, qui s'est mise aujourd'hui en retrait du cinéma, a décrit le processus toujours identique des agressions. Elle assise sur le canapé, lui qui vient "se coller" l'air de rien au fil de la conversation parce que "ma puce (t'es) vraiment trop drôle". Puis les mains qui passent sous le T-shirt, dans son pantalon. Après le "goûter", il la ramenait chez ses parents. 

Droite comme un i à l'audience, le visage régulièrement pris de spasmes nerveux, Adèle Haenel avait cherché les mots pour décrire l'impossibilité de sortir de cet engrenage, face à un homme qui disait l'avoir "créée", qu'il n'avait "pas eu de chance de tomber amoureux d'elle", cette "adulte dans un corps d'enfant".

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"Défense absurde"

L'actrice, qui avait péniblement contenu sa rage face aux dénégations répétées de Christophe Ruggia, se contentant de le fixer d'un regard noir qu'il évitait, avait fini par exploser la seconde après-midi de procès. Bondissant de son siège et dans un cri venu de loin, elle avait hurlé "mais ferme ta gueule !", frappant des mains sur la table devant elle, figeant pendant quelques secondes la salle d'audience.

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Le réalisateur était en train d'expliquer qu'il avait tenté de la protéger des retombées du film dans la vraie vie, lui suggérant notamment qu'elle prenne "un nom d'emprunt". Elle avait ensuite quitté la salle, comme en écho à son départ de la cérémonie des César en 2020 après l'annonce du prix du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski, accusé d'agressions sexuelles et de viols par plusieurs femmes. Ce geste avait érigé Adèle Haenel en symbole des féministes.

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Soutenant qu'elle avait une "sensualité débordante" à 12 ans, Christophe Ruggia a pourtant assuré n'avoir "jamais" été "attiré" par l'actrice. Les accusations portées contre lui ? Une "vengeance" car il aurait refusé de la faire jouer à nouveau. Et puis, "il fallait lancer un #Metoo français, et c'est tombé sur moi".

Un procès pour rappeler l'interdit

Une "défense absurde", avait balayé la procureure Camille Ploch. "Il a fait le choix d'agresser sexuellement. Il avait toute sa conscience d'homme, d'adulte pour agir autrement". "Cette audience doit rappeler l'interdit, qui était l'adulte, qui était l'enfant", a martelé la magistrate, disant n'avoir "aucun doute" sur la réalité des agressions, décrites de manière "constante" par Adèle Haenel.

Vous avez profité de l'ascendance que vous aviez sur la jeune actrice. Le président du tribunal

"Après en avoir délibéré, et longuement délibéré", a dit le président du tribunal en appelant Christophe Ruggia à la barre, "le tribunal vous a déclaré coupable des faits qui vous sont reprochés". "Vous avez profité de l'ascendance que vous aviez sur la jeune actrice" après le tournage du film Les Diables. Il a néanmoins réprimé les quelques débuts d'applaudissements dans la salle comble : "non, pas de manifestation d'opinion".