Quatre générations de femmes. De la petite fille observant les talibans depuis sa fenêtre, à l'entrepreneure déterminée, de la cueilleuse d'olives "en sécurité" sous sa burka à la militante pour les droits des femmes, toutes décrivent devant l'objectif de Solène Chalvon-Fioriti « cette nuit qui semble ne jamais finir ». Un témoignage rare qui remonte aux racines de cette course frénétique à l'effacement du féminin en Afghanistan.
« Les enfants ont peur des talibans, les adultes ont peur des talibans, les animaux ont peur des talibans, et même les bébés ont peur des talibans », dit la petite fille à sa fenêtre, observant les talibans qui patrouillent dans la rue de son quartier de Kaboul, armés jusqu'aux dents. Wawrina est la fille de Fariba, la traductrice de Solène Chalvon-Fioriti, une femme avec laquelle elle a sillonné le pays depuis son arrivée en Afghanistan en 2011.
Les enfants ont peur des talibans, les adultes ont peur des talibans, les animaux ont peur des talibans, et même les bébés ont peur des talibans.
Wawrina
« Ces derniers mois, mon amie a changé, elle est inquiète, constamment sur le qui-vive. Depuis le 15 aout 2021 en réalité, date à laquelle les talibans ont repris l'Afghanistan », dit la journaliste en voix off au tout début de son documentaire, sobrement intitulé
Afghanes. Une parole silenciée
C'est la parole des femmes, et le corps des femmes que les talibans confisquent.
« Si une bonne musulmane se couvre intégralement, Dieu la protège des loups affamés », prêche un immam, dont la voix résonne dans les hauts-parleurs d'une mosquée de Kaboul.
Les coutumes afghanes, c’est ce qui fait qu’on a si peu de prise sur les talibans, car même les théocraties islamiques qui entourent l’Afghanistan, le Pakistan, le Qatar, ne se retrouvent pas dans ces coutumes.
Solène Chalvon-Fioriti, grand reporter
« Les talibans ont deux éléments de langage qui justifient selon eux cette sorte de course à l’effacement du féminin à laquelle on assiste malheureusement depuis 18 mois. Il y a à la fois la charia, dans une interprétation extrêmemement rigoriste. Et, ce qui me semble beaucoup plus grave selon moi, c’est la deuxième partie de la phrase 'Selon la Charia, et les coutumes afghanes'.
Les coutumes afghanes, c’est ce qui fait qu’on a si peu de prise sur les talibans, car même les théocraties islamiques qui entourent l’Afghanistan, le Pakistan, le Qatar, ne se retrouvent pas dans ces coutumes. C’est vraiment l’imbrication de ces deux éléments qui forment le système répressif taliban aujourd’hui » , nous explique la journaliste.
"Tout ce qui compte actuellement c'est de savoir si ma tête est couverte, si mon visage est couvert, si j'ai un voile approprié (...) et ma voix ne doit pas être entendue et mes yeux doivent être cachés, et je ne suis pas censée dire quoi que ce soit... Waw ! Vraiment ? C'est ce que nous sommes tous devenus ? Après toutes ces années d'accès à l'éducation ? On en est là aujourd'hui ? ", s'insurge Mahbouba Séhraj, militante de longue date des droits des femmes en Afghanistan. Elle est l'une des intervenantes du documentaire.
Une liste des interdits infinie ?
Depuis deux ans, la liste des interdits qui s'abattent sur les Afghanes s'allonge, des femmes que les talibans veulent faire disparaitre de l'espace public. Interdites de voyager sans chaperon, interdites de parc, interdites de bains publics, interdites de collège, d'université, de conduire une voiture, de travailler dans une ONG ...
Au début, ils nous ont presque endormi, presque rassuré en s’en prenant aux filles qui n’existaient pas vraiment.
Solène Chalvon-Fioriti
« Au début, ils nous ont presque endormi, presque rassuré en s’en prenant aux filles qui n’existaient pas vraiment. C’est à dire qu’ils ont interdit aux Afghanes de conduire. Moi, en 12 ans, j’ai dû voir deux femmes conduire une voiture. Ils ont interdit aux femmes de voyager au delà de 70 km alors que de toute façon, les Afghanes ne voyagent pas seules. Donc on a pensé que c’étaient des mesures un peu cosmétiques, mais après ça s’est fait de plus en plus dur.», confie Solène Chalvon-Fioritti.
« En 18 mois, les interdits se sont faits de plus en plus répressifs, on ne les relaie même plus en France. On ne sait pas par exemple qu’il y a quelques semaines, ils ont interdit aux Afghanes de se rendre dans les centres de soutien scolaire, alors qu’il s’agissait des toutes dernières petites structures permettant d'apprendre à se servir d'un ordinateur ou l’anglais, alors qu’elles ne peuvent plus aller au collège ni à l’université», ajoute-t-elle.
Femmes cloîtrées, l'enfermement psychique
Le récit se conjugue à la première personne, à travers les yeux et la caméra de la journaliste, dans ce pays "qui l'a construite".
Un récit intimiste qui nous emmène à la rencontre de femmes que Solène Chalvon-Fioriti connait depuis des années et qu'elle a vues se fermer peu à peu au monde extérieur, sur elles-mêmes, voire s'enfermer totalement.
"Depuis toute petite on a grandi dans la peur des talibans. (...) La peur du taliban coule dans notre sang, et là d'un seul coup, sous nos yeux ils sont tout puissants", explique Suraya, infirmière, l'une des trois soeurs que la reporter rencontre dans leur maison. Leur mère n'est pas sortie de chez elle depuis un an.
"Pourquoi sommes-nous nées dans ce pays ?", lance à travers ses larmes Sarah, une autre des soeurs. Journaliste, aujourd'hui, elle n'a plus de travail, parce qu'elle est femme.
Ce sont des jeunes filles très très jeunes, qui sont allongées par terre, pratiquement légumifiées, qui ne répondent même plus à vos questions.
Solène Chalvon-Fioriti
« La souffrance psychique des femmes afghanes commence à être mesurée par les Nations Unies, qui estiment que 80% des suicides sont des suicides de femmes aujourd’hui. Il y a quasiment une femme par jour et une par nuit qui se suicide. », précise-t-elle.
« Lorsqu’on prive les gamines d’école, on ne les prive pas seulement d’enseignement, on les prive de sociabilité. Dans un pays qui a connu 40 ans de guerre, un pays à la fois traditionnel et patriarcal, les petites filles ne vivent pas dehors, il n’y a pas d’espace pour les filles, ajoute la journaliste,
Elles se retrouvent enfermées à l’intérieur de leur foyer, on sent comme une immense mélancolie, c’est ce qui me saisit le plus. Ce sont des jeunes filles très très jeunes, qui sont allongées par terre, pratiquement légumifiées, qui ne répondent même plus à vos questions, et ça c’est vraiment terrible à voir ».
L'école, l'espoir d'une résistance
Aujourd'hui, l'Afghanistan est un pays où les filles se cachent pour étudier. Elles seraient plus de 10 000 structures à travers le pays, selon l'Unicef. Des petites écoles clandestines, dans lesquelles les filles apprennent à lire et à écrire, parfois dans des sous-sols, avec une pièce secrète où se retrancher au cas où les talibans débarqueraient.
Les Afghanes ne vont pas désapprendre à lire. C’est comme une vague, elles vont montrer à travers toutes ces écoles secrètes qu’il y a une appétence pour l’éducation, et contre laquelle les Talibans ne peuvent pas ramer.
Solène Chalvon-Fioritti
Selon Solène Chalvon-Fioritti,
« Les Afghanes ne vont pas désapprendre à lire. C’est comme une vague, elles vont montrer à travers toutes ces écoles secrètes qu’il y a une appétence pour l’éducation, et contre laquelle les Talibans ne peuvent pas ramer. C’est trop tard. Il y a eu trop de filles formées, particulièrement dans les villes.» Les jeunes fille continuent de s’éduquer dans de toutes petites structures communautaires en accord avec le patriarche du quartier, comme l'explique la réalisatrice du documentaire,
« C’est pour ça que le rôle des hommes est très important. Dans ce cas précis, c'est le patriarche qui rassure la population en s’engageant à ce qu’aucun garçon ne vienne dans cette structure, et du coup les voisins autorisent leurs filles à venir. Et quand c’est le cas, souvent les talibans ne font rien. » Le film nous emmène à la rencontre d'une militante qui résiste elle-aussi, à sa manière, au sein de la petite entreprise lancée sous l'ancien régime, lui aussi très conservateur. Sa société n'emploie que des femmes et a donc pu continuer ses activités sous les talibans. Elle coud et fabrique des serviettes périodiques en tissu, lavables. "Leur attitude et leurs regards étranges cherchent à vous faire croire que quelque chose ne tourne pas rond en vous. Et que le problème est à l'intérieur de vous", confie l'entrepreneure, qui a pu obtenir les papiers autorisant sa société grâce à son père qui s'est lui même rendu chez les talibans pour les obtenir.
La jeune femme dit ne pas avoir peur et prête à sacrifier sa vie pour les femmes d'Afghanistan, car si elle doit mourir, ce sera avec
« dignité et fierté ». Toutes n'ont pas ce courage ni cette force, et pour cause, plongées dans la misère, difficile pour les plus démunies de s'opposer et de résister. « Ce qui est le plus terrible c’est qu’ils s’en prennent d’abord aux femmes pauvres, Quand ils leur interdisent de travailler dans des ONG, vous pensez bien qu’en fait les femmes qu’ils privent de nourriture sont les femmes les principales bénéficiaires de ONG. Quand ils interdisent aux femmes d’aller dans les bains publics, ce ne sont pas les bourgeoises, les femmes des classes moyennes ou supérieures qui se lavent dans les bains publics, mais les femmes pauvres. Quand ils interdisent la mendicité, évidemment, ce sont les femmes pauvres qui sont visées. », s'indigne la grand reporter.
300 euros, le prix d'une vie
Après des décennies de guerre, et de guerilla dans les montagnes,
« Ils se cherchent des épouses !». Les familles vivent dans la peur de voir leur fille mariée de force avec un taliban. Dans certaines provinces, des drapeaux flottent sur les maisons pour indiquer qu'une fille célibataire y vit.
Face à la pauvreté, en province, des familles vendent leurs petites filles.
Comme Jamail, maman de six enfants, elle a vendu trois de ses filles. La plus jeune a deux ans, elle va rester avec ses proches jusqu'à sa puberté lorsqu'on viendra la chercher. Son prix ? 30 000 afghanis, soit l'équivalent de 300 euros.
« Je ne dors plus du tout, j'ai fait ça parce que je n'avais pas d'autre choix », raconte-t-elle. Son témoignage prend aux tripes. La mère ramène son foulard sur le visage pour cacher ses larmes lorsqu'elle entend sa fille dire qu'elle a peur de cette famille qu'elle ne connait pas. Une fois là bas elle s'enfuira, lance la petite fille. À la fin du film, on apprendra qu'une ONG est en passe de faire annuler deux de ces ventes.
Retrouvez notre article ►Afghanistan : des fillettes vendues pour survivre
Il y a un apartheid sexuel qui est décidé par le régime en place qui ôte tous les droits basiques fondamentaux, de se nourrir, de se laver, de s’éduquer .
Solène Chalvon-Fioriti
Pour Solène Chalvon-Fioriti, naître fille aujourd’hui en Afghanistan, est une malédiction. Dans une maternité, les mots d'une sage-femme résonnent comme une menace implacable. « Toi petite fille, tu as détruit la vie de ta maman », dit-elle s'adressant à un nouveau né, de sexe féminin, la traitant même de "mocheté". Des bébés filles condamnées dès leur première minute de vie. « C’est simple, avoir une fille ou un garçon, ça signe deux vies qui seront aussi différentes que le jour et la nuit. Il y a un apartheid sexuel qui est décidé par le régime en place qui ôte tous les droits basiques fondamentaux, de se nourrir, de se laver, de s’éduquer », ajoute la journaliste.
Lorsqu'une femme ne suit pas les règles, c'est son père, son frère qui sera convoqué par les talibans, « Il faut bien comprendre la perversité du système. C’est une façon de perpétrer un climat de terreur civile.»
« Elle vit encore, frappez plus fort ! »
La société afghane est une société patriarcale et conservatrice. Dans l'ombre des maisons, les femmes sont victimes de violences, et cela s'est accentué sous les talibans.
Quand la guerre vous a pris vos terres, dépossédé de votre autorité, quand vous évoluez dans un cadre de violence telle, la dernière possession symbolique qui vous reste, c’est votre femme.
Solène Chalvon-Fioriti
« Pour les femmes victimes de violences à l’intérieur de leur foyer, il y a une violence qui se retourne à l’intérieur contre elles. Quand la guerre vous a pris vos terres, dépossédé de votre autorité, quand vous évoluez dans un cadre de violence telle, la dernière possession symbolique qui vous reste, c’est votre femme.», explique la journaliste. Le fléau des violences conjugales fait des ravages dans le pays. Rares sont les femmes qui osent porter plainte. Moins de 2% des plaignantes sont des femmes,
"celles qui osent sont donc très courageuses", dit la voix off.
On découvre aussi les témoignages d'une autre violence, taboue et tue, celle que les femmes affligent à d'autres femmes. « Si les belles-mères sont si méchantes, c'est parce qu'elles-mêmes ont beaucoup souffert et qu'elles s'en sont sorties », analyse dans le film la militante des droits des femmes.
« Beaucoup d’antropologues et sociologues ont travaillé sur cette question de la violence à l’intérieur des foyers envers les femmes et les enfants qui est sidérante, et qui peut aussi être l’oeuvre des femmes vis à vis des femmes, des belles mères vis à vis de leur belle fille », précise Solène Chalvon-Fioritti.
(Re)lire notre article ►Afghanistan : la double peine pour les femmes victimes de violences domestiques
Les procès se déroulent dans un tribunal islamique, et une justice uniquement dirigée par des hommes. Un taliban défend la charia face à la culture tribale, qui offre plus de droits aux femmes,
"ce qu'elles ne savent pas"...
Mais la charia prévoit aussi des chatiments d'une extrême cruauté, comme la lapidation,
"c'est la loi", explique simplement ce juge taliban, l'un des seuls hommes à s'exprimer dans le film.
Quand on entend ça, tous ces hommes qui jettent ces pierres, on n’est pas dans l’application de la charia, on est dans la volonté de détruire les femmes, et on comprend très bien à travers cette scène, que la femme est une sorte d’exutoire de la violence.
Solène Chalvon-Fioriti
Suivent alors les images insoutenables d'une lapidation, dans un trou creusé dans la terre, une jeune femme, condamnée pour avoir fui un mariage forcé, crie sous les coups. Les faits remontent à 2015.
« Elle vit encore, elle respire encore. Frappez plus fort ! » . On ne verra pas la suite, mais sur des images des montagnes afghanes, on entendra en effroyable fond sonore, les invectives des bourreaux, ponctuées du bruit des pierres qui s'entrechoquent en s'abattant sur le corps de la condamnée.
« L’image de la lapidation est insupportable. Ce que je trouve inouï dans cette scène, c’est le son et notamment les paroles d’un taliban qui dit 'détruisez là, achevez son âme', rapporte la journaliste,
Quand on entend ça, tous ces hommes qui jettent ces pierres, on n’est pas dans l’application de la charia, on est dans la volonté de détruire les femmes, et on comprend très bien à travers cette scène, que la femme est une sorte d’exutoire de la violence. C’est ce que j’ai essayé de montrer dans le film, la violence elle cerne les Afghanes de partout, elle n’est pas seulement l’oeuvre des talibans. »
Sous la burka, des sourires
Comme pour contrer l'horreur absolue, le film cherche à nous montrer quelques sourires malgré tout. Des sourires de femmes qui se dévoilent devant la caméra de la reporter, nous plongeant dans l'intimité de ces femmes qui se cachent au quotidien sous la burka. Un "uniforme" qui peut parfois être perçu et ressenti comme une protection rassurante, comme le confie Nasrin, au ton léger et enjoué.
"Je me sens protégée", dit-elle,
"la burka je la portais avant les talibans, je continue de la porter". Parfois, en voiture, elle s'offre même une sieste, à l'insu des regards, cachée sous sa tenue, avoue-t-elle en riant.
Ces femmes là, j’en ai rencontrées beaucoup, se sentent en sécurité à travers les traditions, par ces vêtements qui peuvent les rassurer car elles n’ont jamais été exposées au regard des hommes, hormis ceux de leur famille.
Solène Chalvon-Fioriti
Des millions de femmes en Afghanistan n’ont pas eu accès aux progrès de ces dernières années, rappelle Solène Chalvon-Fioriti,
« Elles n’ont pas connu autre chose, seules les villes ont profité des aides de la coalition internationale. Les femmes des campagnes vivent leur tradition avec un respect qui fait qu’elles se contentent de leur mode de vie. Tout ce qu’elles souhaitent, c’est la paix. Ces femmes là, j’en ai rencontrées beaucoup, se sentent en sécurité à travers les traditions, par ces vêtements qui peuvent les rassurer car elles n’ont jamais été exposées au regard des hommes, hormis ceux de leur famille. Ce n’est pas vraiment des discours que l’on a l’habitude d’entendre ».S'ensuivent des scènes heureuses de cueillette d'olives.
« Nous sommes libres ici ! », s'enthousiasme Nasrin. Une vision de la liberté dont le témoignage bouscule nos critères occidentaux et nos préjugés, commente la réalisatrice en voix off.
Les droits des Afghanes, instrument politique
Des images d'archives peu connues nous donnent à voir un Afghanistan oublié, comme presque rêvé, dans les années 60. Les mannequins marchent avec élégance sur les podiums de défilé de mode, des chanteuses se déhanchent en robe et coiffure sixtie's, des écolières en uniforme marchent sur la route des classes, des adolescentes sans voile jouent au volley ...
C'était sous le règne de Zaher Shah, un roi libéral qui se voulait réformiste. En 1964, les Afghanes votent pour la première fois.
« Il y avait des femmes au parlement, au cabinet ministériel », rappelle Tajouar Kakar, ancienne ministre du droit des femmes, un ministère aujourd'hui disparu.
« Nous avions des jupes. (...) il y avait du respect pour les femmes », se souvient-elle. Puis en 1973, est instaurée la république afghane, communiste, avec un seul mot d'ordre "La liberté pour tous". Mais sous ce slogan se cache une volonté d'instrumentaliser les femmes, au prétexte d'un "idéal de la femmes soviétique". Les femmes contestataires seront alors violemment réprimées, emprisonnées, torturées.
Guerre des moudjahidines, régime taliban des années 80, intervention occidentale, d'avancées en recul de leurs droits, à travers ces dernières décennies, les femmes deviennent, malgré elles, instrument politique. Aujourd'hui,
« elles agonisent et le monde les a oublié », regrette Mahbouba Séhraj, la militante des droits des femmes. L'oubli. Le silence. Un silence auquel les talibans contraignent leurs soeurs, mères, filles, épouses.
Pendant des années, on s’est contenté de totems, et je voulais, moi, donner la parole à des femmes non masquées pour renvoyer à l’humanité de leur visage.
Solène Chalvon-Fioriti
Un silence que Solène Chalvon-Fioriti a justement voulu briser :
« Ne pas donner la parole aux hommes, le moins possible, c’était mon choix. Je voulais 75 minutes de parole de femmes sur quatre générations. J’avais envie de ça, car l'Afghanistan a tellement été raconté par les hommes, en littérature, etc... On a du mal à appréhender la parole des femmes afghanes, on se contente de les représenter avec la burka. On oublie de dire que sous ces burkas, il y a des avocates, des dentistes ... Pendant des années, on s’est contenté de totems. Je voulais donner la parole à des femmes non masquées pour renvoyer à l’humanité de leur visage ».