Afghanistan : lynchée pour avoir été soupçonnée de brûler le Coran

Une jeune femme a été lynchée à mort à Kaboul le 19 mars 2015, accusée d’avoir brûlé un Coran. Le gouvernement condamne cet acte, et vient "d’innocenter" cette Afghane. Farkhunda, 27 ans, comme lors de précédentes affaires, fait partie de ces mises à mort pour une cause religieuse. En l'occurrence inexistante...
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Lynchage femme Afghanistan
Des femmes portant le cercueil de Farkhunda, lors de ses funérailles le 22 mars 2015. AP Photo/Massoud Hossaini
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Dimanche 22 mars 2015 à Kaboul, Farkhunda, 27 ans, a été inhumée dans un cimetière au nord de la capitale afghane. Le cercueil a été porté par des femmes, contrairement aux règles de l'islam. Des centaines de personnes ont assisté aux funérailles de la jeune suppliciée, battue à mort par une foule d'hommes le jeudi 19 mars. Le corps de l’Afghane, accusée d’avoir brûlé un exemplaire du Coran près d’une mosquée, avait ensuite été jeté dans le lit du fleuve Kaboul avant d’être enflammé.
 
« C’est un crime contre cette famille, un crime contre une sœur et un crime contre l’humanité », a lancé Bari Salam, un militant des droits humains présent aux funérailles.
La frère de la victime l’assure, sa sœur n’était pas traitée depuis plusieurs années pour des troubles psychiatriques, comme l’avait annoncé la police.  Elle était « profondément religieuse » et « récitait le Coran et priait cinq fois par jour » a ajouté Najeebullah, son frère.
Un acte en  "contradiction avec la charia"Plusieurs membres du Parlement afghan ont assisté à la cérémonie, ainsi que des responsables gouvernementaux. La foule a crié « Dieu est grand » et a demandé à ce que les coupables soient portés devant la justice.

Au lendemain de l’agression, le président Ashraf Ghani, avait fermement condamné cet acte, « clairement en contradiction avec la charia (loi islamique) et le système de justice islamique » selon ses propos.
 
Lundi 23 mars, le ministre de l’Intérieur a quant à lui déclaré que la jeune femme était « innocente », aucune preuve n’ayant été établie des faits pour lesquels elle avait été accusée. « Il est très douloureux que nous n’ayons pas pu protéger une jeune femme pieuse, nous espérons que cela ne se reproduira pas », a t-il ajouté.
 
13 policiers ont depuis été suspendus, dont le chef de la police du quartier où se sont déroulés les faits. Des images du lynchage diffusées sur les réseaux sociaux montrent des policiers en uniformes, n’intervenant pas au moment où la jeune femme a été battue. Une passivité de la police qui a mis en colère les Kabouli. 
Lundi, ils étaient environ 200 personnes a manifesté près des lieux où le corps de Farkhunda a été brûlé. Des femmes portaient des masques de papier représentant le visage ensanglanté de la victime ainsi que des pancartes où était écrit: "Farkhunda a été brûlée dans le feu de l'ignorance" ou "Justice pour Farkhunda". Ce sont aussi des femmes, militantes et membres de la société civile, qui ont tenu à porter le cercueil de la défunte, un fait rare en Afghanistan. Un choix qui fait écho à celui d'autres femmes, en Turquie, qui voilà un mois, avaient porté le linceul d'une étudiante, violée, tuée, brûlée.

Mardi 24 mars, l'Union européenne a réagi, estimant que ce lynchage attestait des dangers encourus par les Afghanes. "Le meurtre de Mlle Farkhunda (...) nous rappelle tragiquement les dangers que les femmes encourent en raison d'accusations fausses et d'un manque de justice en Afghanistan", a déclaré un porte-parole du service diplomatique de l'Union européenne dans un communiqué.
A Kaboul, le même jour, plus d'un millier de manifestants se sont à nouveau rassemblés."C'est la première fois dans l'histoire afghane que nous voyons un tel acte brutal, barbare, inhumain et anti-islamique contre une femme", a déclaré Soraya Parlika, une militante des droits de l'homme, présente dans le défilé. 

Asia Bibi et Meriam Yahia, autres victimes de la dictature religieuse
Mais le cas de Farkhunda n’est pas isolé. Ailleurs, d'autres femmes ont elles aussi été condamnées à mort, en vertu de la suprématie des diktats religieux.
Meriam Yahia Ibrahim Ishag, avait été condamnée en mai 2014 par le tribunal de Khartoum pour apostasie, pour s’être convertie au christianisme. La loi islamique au Soudan, interdit les conversions sous peine de mort. Un mois plus tard, après un tollé en Occident et parmi les organisations de défense des droits de l’homme, la jeune femme avait été libérée.
Asia Bibi, la jeune chrétienne pakistanaise est emprisonnée depuis 2010 pour blasphème, accusée d’avoir insulté le prophète. Sa sentence a été confirmée, elle reste condamnée à mort par les juges de la Haute Cour de Lahore. Elle attend aujourd’hui de connaître son sort, après avoir déposé un recours auprès de la Cour Suprême.
Asia Bibi et Meriam
Asia Bibi (à gauche) et Meriam Yahia Ibrahim Ishag (à droite). TV5 MONDE.

Reportage en Afghanistan
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Journal de la RTS du 23 mars 2015, 12h45.