Afghanistan : silence radio pour les femmes avec la suspension de Radio Begum

L'Afghanistan bâillonne encore un peu plus les femmes. Après une perquisition dans les locaux de la station de radio pour femmes Radio Begum, à Kaboul, le ministère de l'Information des talibans annonce la suspension de la diffusion.

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scène de rue à Kaboul

Scène de rue à Kaboul

capture d'écran documentaire Arte
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"Des officiers de la Direction générale des renseignements, assistés par des représentants du ministère de l'Information et de la Culture, ont fait une descente dans les locaux de Radio Begum à Kaboul", annonce sur ses ondes la radio ce 4 février 2025. Elle appelle à la libération des deux employés arrêtés par les autorités d'Afghanistan, où les femmes sont soumises à un "apartheid de genre" selon l'ONU.

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La radio précise que des ordinateurs, disques durs et téléphones ont été saisis, et que les personnes arrêtées sont deux hommes "sans rôle de direction". Elle ajoute qu'elle ne fera pas plus de commentaires par peur des conséquences pour ses deux confrères, demandant aux autorités de "prendre soin de nos collègues et de les relâcher le plus tôt possible".

Des liens avec Begum TV, à Paris

Le ministère de l'Information annonce sur X que la diffusion de la radio est suspendue, affirmant qu'"en plus de commettre de multiples infractions, la radio fournissait du matériel et des programmes à une télévision basée à l'étranger... En raison de la violation de la politique de radio diffusion et de l'utilisation inadéquate de l'autorisation (fournie par le ministère, ndlr), la radio a été suspendue ce jour afin que les documents (saisis, ndlr) puissent être soigneusement examinés et une décision définitive prise", ajoute le ministère.

De fait, depuis mars 2024, la chaîne de télévision Begum TV par satellite, depuis Paris, des émissions éducatives et de divertissement dans les foyers de femmes vivant sous le régime strict des talibans.

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Médias bâillonnés

Dans un message sur X, Reporters sans frontières (RSF) exige "la levée immédiate de l'interdiction". L'organisation de défense de la liberté de la presse affirme que les autorités talibanes ont fermé au moins 12 organes de presse en 2024. En décembre de l'année dernière, les autorités talibanes ont fermé la station afghane Arezo TV et arrêté sept employés. Les autorités accusait la chaîne de trahir les valeurs islamiques, soutenue par des médias basés à l'étranger, fortement restreints et critiqués par les autorités talibanes.

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Les rares femmes qui apparaissent encore à la télévision sont entièrement couvertes par leur vêtement, à l'exception de leurs yeux et de leurs mains. De nombreuses stations de radio ont cessé de diffuser des voix de femmes.  

Au service du peuple et des femmes 

Radio Begum se défend de tout activisme politique, se disant "engagée au service du peuple afghan et plus spécifiquement des femmes afghanes". Elle a été fondée en 2021, le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, cinq mois avant que les talibans ne prennent le pouvoir en renversant le gouvernement soutenu par les États-Unis.

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Radio Begum diffusait des programmes pour les femmes, par les femmes, y compris des émissions éducatives, des lectures de livres et des conseils téléphoniques. C'est la fondatrice suisse-afghane de Radio Begum, Hamida Aman, qui, en 2024, a aussi lancé Begum TV pour diffuser des programmes éducatifs depuis Paris et aider les filles et les femmes afghanes à poursuivre leur éducation. Des milliers de vidéos couvrant le programme national afghan ont également été téléchargées sur un site web associé, disponible gratuitement.

Effacement de l'espace public

Depuis leur retour au pouvoir, les talibans ont promulgué plusieurs lois inspirées de leur vision ultrarigoriste de l'islam qui ont progressivement exclu les femmes de l'espace public. L'Afghanistan est le seul pays au monde où les filles et les femmes n'ont pas le droit d'aller à l'école secondaire ou à l'université, et sont exclues de certains types d'emplois. En outre, les Afghanes ne peuvent plus aller dans les parcs, les salles de sports, ni quasiment sortir de chez elles sans chaperon. Un effacement qui a poussé l'ONU à dénoncer un "apartheid de genre".

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