Afifeh Abedi, l'une des rares candidates aux législatives en Iran

Plus de 61 millions d'Iraniens sont appelés aux urnes ce 1er mars pour élire le Parlement et l'Assemblée des experts. Alors que les conservateurs devraient renforcer leur emprise, quelques femmes, pourtant, tentent de proposer une alternative. Afifeh Abedi, chercheuse en études eurasiennes à Téhéran, est l'une d'elles.

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Afifeh Abedi

Afifeh Abedi

Capture d'écran, Twitter
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Dans une mosquée d'un quartier défavorisé du sud de Téhéran, une cinquantaine de personnes sont réunies par un après-midi frisquet pour écouter Afifeh Abedi, rare femme et rare candidate réformatrice à se présenter aux législatives de vendredi.

Agée de 44 ans, la chercheuse en sciences politiques porte un tchador noir, comme la plupart des femmes présentes dans la mosquée. Elle tient meeting dans une salle de prière ornée de bannières noires chiites, de photos délavées de "martyrs" de la guerre Iran-Irak (1980-1988) et d'un portrait du général Ghassem Soleimani, tué par une frappe américaine à Bagdad en 2020.

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En préambule, Afifeh Abedi reconnait avoir conscience de "la déception" des personnes présentes face à "la situation" actuelle du pays, et du "désintérêt" pour les élections. "Je sais bien que les problèmes économiques vous ont tous épuisés. Mais je me présente pour faire entendre vos protestations auprès des autorités", promet-elle. L'auditoire, plutôt âgé, l'applaudit poliment avant de lui demander de détailler son "plan pour résoudre ces problèmes".

Avec cinq autres femmes, Afiheh Abedi figure sur la liste "La voix de la nation", une alliance de 30 candidats de divers courants politiques.

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Ils ont décidé de concourir malgré le refus de la principale coalition de partis réformateurs, le Front des réformes, de participer à ces "élections dénuées de sens". Les opposants en Iran et de la diaspora ont pour leur part appelé à un boycott total du scrutin.

Sur ses chances d'être élue, la candidate reste prudente. Notamment parce que "la participation des partisans des réformateurs ne devrait pas être très élevée". Mais peut-être qu'une "vague" se déclenchera dans "les derniers jours et heures" avant le scrutin, espère-t-elle.

La liste "La voix de la nation" a été initiée par l'ancien député de Téhéran Ali Motahari, critique du pouvoir et fils de l'ayatollah Morteza Motahari, un influent théoricien de la révolution de 1979 et proche fidèle de l'ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique. "Restaurer la confiance dans le système", "s'opposer au blocage de l'internet" et "ne pas être strict sur le port du voile" font partie des principales mesures de son programme.

Le voile en question

Sur les 290 membres de l'actuel Parlement, seuls 16 sont des femmes, dont quatre élues de Téhéran. Et, en dépit des promesses prises par plusieurs présidents, elles n'ont pu être présentes au Conseil des ministres qu'une seule fois en 2009. Les femmes "n'ont accès qu'à des postes de second plan, comme conseillères ou vice-ministre chargée des Affaires féminines", déplore Afifeh Abedi.

Ce sont les hommes qui prennent les décisions, même lorsqu'elles concernent les femmes. Afifeh Abedi

L'une de ses priorités sera donc de renforcer la place des femmes qui, "bien que très actives dans la société, ne détiennent qu'une très faible part du pouvoir... Ce sont les hommes qui prennent les décisions, même lorsqu'elles concernent les femmes".

Pour Afifeh Abedi, "la question des femmes était au coeur de la vague de contestation" déclenchée par la mort en septembre 2022 de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée par la police pour non-respect du strict code vestimentaire du pays. Si elle est élue députée, la candidate compte "défendre le point de vue des femmes qui portent une tenue différente", en promouvant le libre-choix de porter ou non le hijab.

Elle entend aussi militer pour "l'amélioration des relations de l'Iran avec tous les pays, notamment occidentaux", pour sortir des fortes tensions actuelles liées à la guerre à Gaza, au conflit ukrainien et au dossier du nucléaire iranien. "Si nous ne parvenons pas à attirer les investisseurs, nous serons à la traîne des pays voisins", rivaux traditionnels de l'Iran, avertit Afifeh Abedi. Elle cite l'exemple de l'Arabie saoudite qui, "en faisant preuve de pragmatisme, a pu améliorer son image sur la scène internationale".

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