Agressions sexuelles sur fond de yoga tantrique : un gourou interpellé en France

Gourou et/ou prédateur sexuel ? Gregorian Bivolaru a été arrêté puis mis en examen en France. Au total, 15 personnes sont mises en examen, dont six écrouées, suite à ce coup de filet. Elles sont soupçonnées d'être impliquées dans des violences sexuelles à grande échelle au sein d'un mouvement international de yoga accusé de dérives sectaires.

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Gourou et prédateur sexuel ?

Gregorian Bivaloru, 71 ans, peu après son arrestation en France, le 28 novembre 2023. Fondateur d'un groupe de yoga international, il est suspecté d'avoir mis sous emprise des femmes à des fins d'exploitation sexuelle, selon une source judiciaire proche de l'enquête. Capture d'écran de la télévision roumaine. 

Capture d'écran
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"Derrière la promesse d’un contrôle des énergies érotiques, l’école de yoga Atman, présente dans une trentaine de pays, est suspectée d’avoir poussé des centaines de jeunes femmes à des orgies ou à des relations non consenties avec leur 'chef spirituel'", écrit Libération qui co-signe avec RFI une longue enquête sur ce dossier. 

Gregorian Bivolaru, 71 ans, de nationalité roumaine et suédoise, vient d'être arrêté en France. Il est le fondateur du Misa, (Mouvement pour l'intégration spirituelle vers l'absolu), un groupe international, présenté comme axé sur la pratique du yoga, un groupe connu aujourd'hui sous le nom de Atman.

Arrêté dans une maison d’Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne, c’est dans sa demeure qu’il aurait pratiqué des "initiations sexuelles" de yoga tantrique, une pratique qui promet d’atteindre l’extase du corps et de l’esprit.

Il a été mis en examen pour quatre infractions : viols aggravés (en concours avec plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes), séquestration en bande organisée, traite d'êtres humains en bande organisée, abus de faiblesse par dirigeant d'un groupement poursuivant des activités créant, maintenant ou exploitant la sujétion psychologique ou physique des participants. 14 autres suspects ont également été mis en examen. Plusieurs femmes figurent parmi elles. 

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Au total, quarante et une personnes ont été placées en garde à vue, parmi elles figureraient des "responsables importants" de la secte en France, précise une source proche de l'enquête. Un gigantesque coup de filet mené par la Caimades (cellule d'assistance et d'intervention en matière de dérives sectaires), de l'OCRVP (Office central pour la répression des violences aux personnes), sous la direction d'un juge d'instruction parisien. Quelque 175 policiers ont été mobilisés pour cette opération d'ampleur.

En 2013, ce "théoricien du complot" a déjà été condamné par défaut en Roumanie pour viol sur mineur. Accusé de pédophilie et de trafics d’êtres humains - ce qu’il nie - il est recherché par Interpol pour "traite de femmes".

Fiche Interpol de Gregorian Bivolaru

Cette photo publiée sur le site Internet d'Interpol. Le mardi 28 novembre 2023, les autorités françaises ont arrêté le dirigeant d'une organisation multinationale de yoga tantrique, Gregorian Bivolaru, soupçonné d'endoctriner des adeptes à des fins d'exploitation sexuelle. 

©Interpol via AP

Femmes sous emprise

Vingt-six femmes, dont plusieurs étaient sous emprise, ont été libérées lors des arrestations. Ces "victimes, extraites de la secte, étaient logées dans des conditions d'exiguïté et d'hygiène déplorables", précise la source judiciaire.

Cette intervention fait suite à un signalement, fin juillet 2022, de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires)au procureur de la République. Cet organisme avait reçu une information de la Ligue des droits de l'Homme faisant état de 12 signalements d'anciens membres du Misa.

Le Misa, rebaptisé Atman lors de son expansion hors de Roumanie, enseignait le tantra yoga, dans le but de conditionner les victimes à accepter des relations sexuelles via des techniques de manipulations mentales visant à supprimer toute notion de consentementSource judiciaire proche de l'enquête

Selon une source judiciaire, le Misa, rebaptisé Atman lors de son expansion hors de Roumanie, enseignait le tantra yoga, dans le but de "conditionner les victimes à accepter des relations sexuelles via des techniques de manipulations mentales visant à supprimer toute notion de consentement. De nombreuses femmes de différentes nationalités déclarent avoir été victimes des agissements de l'organisation Misa et de son leader".

Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire en juillet 2023, pour diverses infractions dont séquestration en bande organisée, un crime faisant encourir 30 ans de prison, abus de faiblesse en bande organisée par membre d'une secte, viols ou encore traite des êtres humains en bande organisée.

L'arrestation en France de Gregorian Bivolaru fait la Une des journaux à la télévision roumaine, le 28 novembre 2023. Il est l'homme le plus recherché de Roumanie.

Des centaines d'adeptes

Le Misa a de nombreuses écoles de yoga et autres succursales. Ce groupe incitait les femmes victimes "à accepter des relations sexuelles avec le dirigeant du groupe" et/ou à "s'adonner à des pratiques pornographiques tarifées en France et à l'étranger".

Les investigations ont mis en lumière une organisation compartimentée, selon un procédé habituel en matière de criminalité organisée. Source judiciaire

Dès 2008, le Misa a été exclu "de la Fédération internationale de yoga et de l'Alliance européenne de yoga pour ses pratiques commerciales jugées illicites", a rappelé la source judiciaire, qui souligne aussi qu'il a déjà fait l'objet d'une procédure en Italie.

"Il est difficile de chiffrer le nombre d'adeptes" en France, mais "c'est plusieurs centaines de personnes". D'après la source judiciaire, "les investigations ont mis en lumière une organisation compartimentée, selon un procédé habituel en matière de criminalité organisée".

Une école de yoga ou une secte ?

Misa, un vaste groupe d'écoles de yoga, dénoncé aujourd'hui comme mouvement sectaire. Photo publiée sur la page Facebook de son fondateur, Gregorian Bivolaru, interpellé en France, avec 40 autres suspects. 

Capture d'écran

Un ashram devenu prison sexuelle

"Les stages avaient pour but de faire participer les personnes à des activités sexuelles et ou physiques (...) dans des conditions permettant à ce stade de caractériser l'infraction de traite des êtres humains", précise encore la même source  judiciaire. "Les personnes y ayant séjourné dénonçaient y avoir été contraints de payer leur séjour pour les femmes en s'adonnant à des vidéo-chats sexuels, et pour les hommes par du travail manuel", a-t-elle ajouté.

Un ashram était manifestement exclusivement dédié à la satisfaction des désirs du principal mis en cause, Gregorian Bivolaru. Source proche de l'enquête

"Un ashram était manifestement exclusivement dédié à la satisfaction des désirs du principal mis en cause", Gregorian Bivolaru, "des femmes y étaient conduites depuis d'autres établissements, et placées en attente dans un premier logement".

Gregorian Bivolaru

Photo publiée sur la page Facebook de Gregorian Bivolaru, arrêté en France le 28 novembre 2023. Fondateur et gourou d'un mouvement de pratique du yoga, il est suspecté de violences sexuelles sur des adeptes. 

Capture d'écran

C'est un "dossier démentiel, avec un groupe aux contours de la mafia, du proxénétisme sous des atours prétendument philosophiques", commentait il y a peu à l'AFP une source proche du dossier.

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