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Entretien Marion Chastain / Image Guillaume Gouet / Montage Stéphane Alayrangues, durée : 2'51
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A Alep, Myriam Rawick, 13 ans, écrit la guerre

Entre novembre 2011 et décembre 2016, Myriam Rawick, enfant syrienne d'Alep (Syrie), raconte son quotidien, celui de la guerre, dans son journal intime, aujourd'hui retranscrit dans un livre : "Le journal de Myriam". De passage à Paris, l'adolescente revient sur ses années de guerre et sa vie depuis la libération de la ville en janvier 2017. 

Myriam Rawick a six ans en 2011, quand les manifestations anti-Bachar Al Assad, président syrien, commencent à Alep, deuxième ville de Syrie. Les différents groupes insurgés, des "modérés" aux islamistes alliés à des djihadistes, feront d'Alep-Est leur bastion jusqu'à ce que les forces du régime présidentiel multiplient les offensives et reprennent la main sur ces quartiers en décembre 2016, marquant la fin à quatre ans de violents combats, qui ont fait plus de 400 000 morts.

Chrétienne d'origine arménienne, Myriam Rawick vit avec ses parents et sa soeur dans le quartier chrétien de Jabal Saydé, au nord d'Alep, avant d'en être chassée par les jihadistes en 2013. Ils se réfugient comme des milliers d'autres personnes à Alep-Ouest, zone sous contrôle gouvernemental.

Ne rien oublier de la guerre
Myriam Rawick

Encouragée par sa mère, Myriam tient un journal intime de son quotidien sous les balles et les bombes, "pour ne rien oublier de ce qu'il s'est passé durant la guerre", explique-t-elle.

Lorsqu'elle et sa famille rencontrent le journaliste français Philippe Lobjois à Alep en décembre 2016 chez les Maristes Bleus, organisme chrétien ayant ouvert leurs écoles aux familles de réfugiés de toutes confessions, ils se confient à lui pendant des heures. A la découverte de son journal intime, le journaliste leur propose d'en faire un livre : "Le journal de Myriam" (Fayard, mai 2017). L'idée ? "Donner la parole à ceux qu'on a pas entendus, les loyalistes", explique Philippe Lobjois.
 
Journal Myriam

Des glaces à la rose et jus d'abricot, aux tirs et aux bombes

Au départ, Myriam raconte sa vie d'enfant, dans son quartier qu'elle chérit tant à Alep, entourée de sa famille et de ses amis : "Aujourd'hui, on est allées chez Haffar, le meilleur glacier de la ville (...) Devant (...), il y a toujours beaucoup de monde, et à l'intérieur, ils battent la pâte de la glace pour en faire des rubans. Teta (sa grand-mère) en a pris une à la fleur d'orange. Moi à la rose. Une fois la glace fondue dans nos bouches, nous avons bu un jus d'abricot sur une petite terrasse à côté", écrit-elle le 12 juin 2011.

Puis arrivent les premières manifestations dans la capitale à Damas: "Je me suis assise sur un fauteuil parce qu'on était les seuls clients et j'ai regardé le monsieur qui coupait la barbe de papa. Ils parlaient des manifestations que j'avais vues à la télévision il y a quelques jours, à Damas", raconte Myriam en juillet 2011.

Un an après, ce sont les premiers tirs à Alep et les premières bombes, d'abord assez loin de Myriam et sa famille, avant que tout ne s'accélère : coupures d'eau et d'électricité, la faim avec d'abord les commerces qui ferment puis le blocus alimentaire, les rues qui se vident jusqu'à l'obligation pour la famille Rawick de s'exiler aussi en 2013, se réfugier dans la cage d'escalier ou au sous-sol de l'école. Et puis, vivre dans la peur, au quotidien : "Je n'arrive pas à dormir. J'ai compté : depuis que je suis couchée, il y a eu dix bombes. J'en ai assez d'avoir mal au ventre. Je veux jouer dehors. Je veux voir Fadi (son cousin enlevé par des insurgés). Je veux retourner à l'école." (le 27 août 2012)

Au fil du temps, Myriam raconte l'évolution de son quotidien, avec ses mots d'enfant, mais parfois aussi d'adultes - tirs, bombes, sniper, kalachnikov, douchka, mortier - lorsqu'elle tente de comprendre en vain les événements, malgré la volonté de sa mère de la protéger elle et sa petite soeur, Joëlle. La jeune fille de 13 ans n'évoquera la guerre qu'à la libération d'Alep, lorsqu'elle peut enfin retourner dans son quartier de Jabal Saydé, mais où il ne reste plus rien de sa vie d'avant : "C’est là pour la première fois que j’ai compris ce que signifiait la guerre. La guerre, c’était mon enfance détruite sous ces ruines (...)". Des mots sans apprêt, entre innocence et tragédie.