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Interview de David Delos
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Algérie : "prévenir et sanctionner" les violences contre les femmes

Après la Tunisie, la Jordanie abolit la loi qui dépénalise le viol si le coupable épouse sa victime. Mais cette disposition légale perdure dans d'autres pays, come la Syrie, la Libye, l'Irak, mais aussi l'Algérie. Entretien avec la féministe algérienne Soumia Salhi.
Militante féministe et syndicaliste, Soumia Salhi est l'ancienne présidente de l'association algérienne pour l'émancipation des femmes. Comme en Tunisie ou en Jordanie, elle réclame une loi-cadre en faveur des droits des femmes, une loi qui permette de "prévenir, protéger, sanctionner". Jusqu'à président, les progrès se sont concrétisés par de simples amendements au code pénal. Et pourtant, les choses avancent...

Entretien avec Soumia Salhi

Que dit la loi algérienne au sujet du mariage d’une mineure à celui qui abusé d’elle ?

Soumia Sahli : L'article 326 dispose que quiconque, sans violence ni menace, "enlève" ou "détourne", une mineure de moins de 18 ans, s'expose à 5 ans d'emprisonnement, sauf si le ravisseur épouse sa victime - et que la famille de la jeune fille ne porte pas plainte. C'est une façon hypocrite de présenter la situation, qui se réfère au rapt de séduction.

En Algérie, le viol n'est pas clairement défini. Il est sévèrement sanctionné lorsqu'il s'agit de "pénétration du vagin par un organe génital masculin", mais ne couvre pas l'utilisation d'objet ou la pénétration d'autres orifices, ni le viol des petits garçons, pour lesquelles on parle d'attentat à la pudeur.

En Tunisie, par exemple, les choses étaient beaucoup plus claires : on parlait clairement de viol, jusqu'à l'abrogation récente de la loi.

Combien de jeunes filles sont concernées par cet article ?

Soumia Sahli : Le ministère de la Justice ne fournit pas de statistiques - cela fait pourtant partie de nos revendications. Nous demandons également la production des chiffres sur les violences et les divorces, mais les statistiques manquent. Selon les informations que nous glanons ici et là, il y aurait eu, en 2014, 2 % de mariage de mineurs. Mais combien suite à un abus ou un mariage arrangé ? Nous ne le savons pas.

Où en est l’Algérie sur le mariage des mineurs ?

Soumia Sahli : Actuellement, toute une réflexion est en cours sur ce sujet, et plus particulièrement sur l'abrogation de cet article 326. Cela fait, les juges devront se référer à l'interdiction du mariage avant 19 ans et l’obligation de consentement des époux. Pour l'heure, les juges doivent produire une ordonnance à chaque fois qu'ils veulent autoriser le mariage d'une mineure avec son ravisseur. C'est une façon de consacrer le viol et l'impunité du violeur pour préserver l'honneur de la famille. Les souffrances des victimes, elles, sont mises sous silence, qui sont condamnées à vivre avec leur bourreau.

Globalement, où en est la législation sur la défense des droits des femmes ?

Soumia Sahli : Nous avons déjà obtenu quelques amendements du code pénal. Depuis 2015, la violence au sein du couple et le harcèlement de rue sont punis. En 2004, nous avions obtenu la criminalisation et pénalisation du harcèlement sexuel en milieu professionnel. Depuis 2005, les amendements aux codes de la famille permettent de reconnaître l'apport économique des femmes au foyer et abolissent la disposition portant sur l'obéissance au mari. Beaucoup d'autres articles ont été revus dans le bon sens.

L'un de nos principaux chevaux de bataille reste la suppression du pardon dans le cadre des violences conjugales, qui induit encore l'extinction des poursuites judiciaires si la victime au sein du couple pardonne. Certaines de nos revendications ont donc été prises en compte, mais il reste encore de gros chantiers, notamment sur les violences faites aux femmes, dont le viol et l'article 326.

Où se situent les blocages ?

Soumia Sahli : Il y a des rapports de force au sein de la société, et les conservateurs freinent. Le code de la famille, par exemple, requiert encore beaucoup de travail, de même que les discriminations au travail et les violences faites aux femmes que nous avons déjà évoquées. Voici vingt ans que le mouvement féministe se bat pour cela.

Nous voulons une loi-cadre qui permettent de prévenir, protéger et sanctionner. La Tunisie a obtenu une loi intégrale, c'est ce que nous revendiquons. Mais les contextes sont différents. En Algérie, le mouvement féministe est à l'avant-garde du combat pour l'émancipation des femmes depuis les années 1970.  Mais gagner la société à notre cause est un travail de longue haleine. Car il y a ici une religiosité, un conservatisme qui revient en force et contre lesquels nous devons agir. 

La Jordanie, elle-aussi, progresse en matière de protection des droits des femmes. Ce 1er août, le projet d'amendement du code pénal 2017 adopté par le Parlement signifiait l'abrogation de la loi permettant à celui qui abuse d'une mineure d'échapper aux poursuites s'il épouse sa victime. Explications :

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