"Nager en habit de plage ne devrait pas être un exploit et encore moins choquer", déclarait Sara, le 10 juillet 2017, au journal algérien Le Provincial. Sous ce pseudonyme se cache une jeune femme de 27 ans, fondatrice de l’initiative en faveur du bikini en Algérie. Qui ne pensait sans doute pas déclencher la nouvelle polémique estivale, presque aussi bruyante que celle qui avait secoué la France à l'été 2016, il s'agissait alors du burkini...
A retrouver sur ce sujet dans Terriennes :
> Polémique d'été en France : burkini ou pas burkini, telle est la question…
Originaire d'Annaba, ville côtière du nord-est de l’Algérie, Sara raconte que l’idée lui est venue au lendemain de l'Aïd – célébration de la fin du Ramadan – au mois de juin, cette année. Ce jour-là, elle se rend en famille à la plage, mais comme elle est la seule femme, Sara préfère ne pas se dévêtir pour "éviter une agression verbale ou physique". De retour chez elle, Sara décide d’inviter, via un groupe privé sur Facebook, des membres de sa famille à se retrouver en bikini sur la plage.
Peu à peu, plusieurs Algériennes d’Annaba rejoignent le groupe. Le 5 juillet dernier, une quarantaine de femmes se seraient rassembler pour la première fois sur la plage de Seraidi, à 6 km du centre-ville. Trois jours plus tard, elles sont 200. Le 18 juillet, le groupe compterait plus de 3000 membres, selon L’OBS.
Mais un groupe purement virtuel selon la presse algérienne. Dans une enquête menée par l'Agence France Presse et relayée par le Monde daté du 8 août 2017, après l'annonce tonitruante d'une baignade républicaine prévue le 7 août, les journalistes rapportent n'avoir trouvé aucune trace de ces événements, et en particulier de ce dernier annoncé abondamment sur les réseaux sociaux français.
Qu'elles soient réelles ou pas, ces supposées baignades ont fait le buzz, en Algérie aussi. Et ont peut-être aussi, du coup, fait leur effet "pédagogique" espéré par leurs initiatrices.
Algérie : 3200 jeunes femmes en bikini pour lutter contre l'obscurantisme pic.twitter.com/YWzavTFdBq
— Nagy (@Nagydessins) 2 août 2017
Changer la société en profondeur
Cette "opération bikini", vraie ou fausse donc, se déroule dans un climat tendu : pendant le ramadan, des Algériens auraient lancé sur Facebook une chasse aux femmes en maillot de bain, en encourageant les utilisateurs à poster des photos d’elles, prises à leur insu, pour dénoncer une tenue qu’ils jugent "représentative de l'Occident" et "contraire aux normes islamiques". Les commentaires fusent : "Filles faciles", "Allez-vous rhabiller", pour les moins virulents.Dans ce contexte, Sara n’affiche aucun doute sur l’objectif de son action : "Le but n’est pas de faire du bruit, et encore moins de faire le buzz, mais de changer la société profondément et en douceur. Ceci ne pourra se faire qu’en habituant des milliers de voyeurs à ce qu’ils considèrent encore comme étant interdit. Nous ne voulons pas changer leur vision des choses, mais simplement leur inculquer la tolérance et l’acceptation de l’autre", explique-t-elle à La Provincial.
Mais le buzz a fait son oeuvre et la jeune femme reçoit des multitudes de messages de soutien.
Soutien aux jeunes femmes à Annaba en Algérie qui défit les incultent en organisant des baignades en bikini!Toutes en bikini! Liberté ❤
— Khedi15 (@Khedi151) 14 juillet 2017
Ailleurs dans le monde
Cette initiative pourrait donner des idées à d’autres pays. Ce 2 août 2017, l'héritier du trône d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane, a annoncé vouloir autoriser certaines femmes à se mettre en maillot de bain, en l'occurence des clientes étrangères d'une station balnéaire de luxe : "Sachant qu'il est peu probable que les visiteurs étrangers viennent sur les plages où les femmes sont forcées de (se) couvrir (…), le gouvernement a déclaré que le complexe serait régi par des lois à égalité avec les normes internationales", précise The Telegraph. Pragmatisme et marché du tourisme avant tout, donc. Mais même dans ces conditions, le plan du prince aurait, selon certains investisseurs étrangers, peu de chances de voir le jour.
Une des plus belles révolutions qui pourrait changer le monde #bikini #algerie
— FluctuatNecMergitur (@Leadhte) 2 août 2017