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"Non, je ne suis pas fatiguée !"
Djorha rentre tout juste d'un voyage en Algérie, d’où elle est visiblement revenue avec une kyrielle de drapeaux algériens, dans lesquels elle s’est enroulée pour l’occasion. Originaire de la région de Béjaia, Djorha explique, dans un français à l'accent kabyle très prononcé, s'être déplacée pour exprimer son soutien à la jeunesse algérienne descendue dans la rue. « Je suis venue pour l’Algérie, ça me fait mal au coeur de voir mon pays dans cet état, tous ces jeunes harragas qui meurent en mer... J’ai marché aussi à Béjaia et à Akbou. Dans le cortège il y avait beaucoup de femmes, des jeunes et des plus âgées qui ont fait la guerre de libération ». Elle tient, à bout de bras, un drapeau dans chaque main, l’un berbère et l’autre algérien. Malgré son âge, près de 70 ans, elle reste debout pendant des heures, sans faillir. « Non, je ne suis pas fatiguée ! » assène-t-elle, déterminée, quand on lui propose de s’asseoir.
Vendredi 1er mars dernier, Djamila Bouhired, véritable icône de la guerre d'Algérie, est descendue dans les rues d'Alger pour manifester aux côtés de ses compatriotes. À 83 ans, celle qui a rejoint le Front de Libération Nationale (FLN) à 19 ans et qui a été condamnée à mort par le tribunal militaire français, avant d'être libérée, n'a pas hésité à rejoindre la contestation.
Djamila Bouhired portée par la foule pic.twitter.com/qX9T5yIJaz
— Khaled Drareni (@khaleddrareni) 1 mars 2019
Sonia, elle, n'a connu la guerre d'Algérie que par les récits de sa famille, et par ce qu'elle a lu dans les livres d'histoire. A 22 ans, cette étudiante venue de Lyon, née en France de parents algériens, tenait à être présente à ce rassemblement. « C’est important de manifester pour la dignité du peuple algérien. En France comme en Algérie, les femmes sont très présentes contrairement à ce qu’on a pu dire. Elles sont tout aussi concernées que les hommes par le destin de leur pays et sont souvent en première ligne ».
La place de la République est noire de monde. « Drapeau, deux euros ! », s'égosille un homme près de la bouche de métro qui donne sur l'esplanade. « Et si vous n'avez pas de monnaie, je vous l'offre ! ». Dans de telles conditions, il n'est pas étonnant que le lieu soit submergé par une vague de vert et blanc, couleurs de l'étendard national algérien.
Des drapeaux, Menel en a deux. Elle en tient un à la main et a fixé l'autre sur son fauteuil roulant. Il y a deux ans, la jeune femme de 21 ans a quitté l'Algérie pour venir étudier en France. Très émue, elle s'exprime sans détours et d'une voix forte, pleine d'espoir et de détermination, sur les raisons de sa présence place de la République. « Je suis venue en France parce que je n’ai pas pu réaliser mes rêves en Algérie. Aujourd'hui, on est en train d'écrire l'histoire. Tout le monde se mobilise : les femmes mais aussi les enfants, les personnes âgées, les handicapés… On est là parce qu’on en a marre du système, nous réclamons le changement ».



Les revendications et les slogans, à Alger comme à Paris, sont identiques. Les comportements aussi. De la même manière que les manifestants, en Algérie, nettoient les rues après leur passage, plusieurs groupes de personnes traversent la place de la République munis de sacs-poubelle, et ramassent tout ce qui a été jeté au sol. À la nuit tombée, alors que le rassemblement est terminé et qu'il ne reste presque plus personne, un jeune homme nettoie le sol avec un balai à la taille dérisoire si l'on considère la dimension de l'esplanade. Et assurément, il n'a pas l'habitude de le faire. « Regardez, je fais le ménage ! », lance-t-il, hilare.
« Pas de démocratie sans droits des femmes »

Une manifestante à Paris
« On représente les femmes algériennes, que l’on soit à l’étranger ou en Algérie. C’est le 8 mars, c’est assez symbolique. Être ici aujourd'hui, c’est aussi une manière d’apporter notre soutien aux manifestants en Algérie. En ce qui concerne les droits des femmes en Algérie je pense que c’est la situation globale qui est gênante. Si le peuple algérien va mal, la femme algérienne ne peut pas aller bien dans un environnement qui est assez hostile au droit de manière générale. La femme algérienne a toujours fait partie de l’histoire de l’Algérie » explique cette mère, venue accompagnée de sa fille, Maelys.


Feriel, membre du collectif APEL-égalité
« Dans ce mouvement citoyen, on ne voudrait pas que soient oubliés les droits des femmes », souffle Fériel. « Le mouvement auquel on assiste aujourd'hui est un mouvement qui demande un changement de régime politique, la démocratie, un Etat de droit. Nous ne pouvons concevoir cela sans l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce qui fait obstacle à cette égalité en Algérie, c’est le code de la famille ».
Zahia poursuit : « On a loupé 1962, on ne manquera pas 2019. On ne peut pas aujourd’hui endosser ce qui a été fait en 1962, où l'on a laissé tout le pouvoir aux hommes. En 1984, on nous a imposé un Code de la famille qui est une soumission. Il est hors de question que cette fois-ci, les femmes se retrouvent au second plan. Il n’y aura pas de démocratie sans droit des femmes ».
